Présentation de la problématique par les élèves
On a un troisième axe qu’on commence à développer et qui est la mise en débat. Dans le cadre de nos activités, on fait un colloque, gratuit et ouvert à tout le monde, vous avez juste à vous inscrire. On essaie de faire un colloque par an. C’est vraiment assez global parce qu’ici nous avons 3 thématiques : la nutrition, la sécurité et le bien être animal, et l’environnement. Ce dernier a été créé en 2006 suite au rapport Livestock Long Shadow. Il y a ça et puis LAVEGA qui fait un débat « faut-il arrêter de manger de la viande » chez Coop de France suite au livre de Laporte qui sera présent. Voilà pour les débats rapidement.
Donc sur les controverses, alors rapidement, la controverse part de la FAO, on a découvert que l’élevage bah voilà, je vais reprendre des phrases de producteurs mais nous ils nous ont dit “on savait pas que la vache rotait et produisait du méthane”. Donc c’est une prise de conscience, qui est avant tout positive. Après la controverse nait d’abord de l’interprétation des chiffres.
Donc vous connaissez le CITEPA, le centre qui veille à la pollution atmosphérique, ce sont eux la référence pour la quantification des gaz à effet de serre. Vous pouvez aller sur leur site cela a été actualisé. En gros, il y a vraiment deux thématiques associés, donc les gaz à effet de serre, avec le CH4 qui est émis par les bovins. Vous avez sur le CH4, 50% du méthane qui est ce qu’on appelle une fermentation naturelle. A partir de la, on voit que les émissions de méthane viennent de plusieurs postes. Pour plus de la moitié d’entre elle, c’est la fermentation entérique, c’est à dire les herbivores qui à travers la rumination, lorsqu’elles mangent de l’herbe, vont rejeter du méthane. Donc dans la contribution de l’agriculture et plus précisément de l’élevage, on a plus de la moitié des émissions qui viennent d’un phénomène naturel de la vache. Donc ce phénomène naturel, on ne peut pas le supprimer, l’INRA a travaillé à le réduire à travers l’alimentation. Bleu Blanc Coeur travaille essentiellement sur du lin extrudé, et en fait ils arrivent à gagner 12% sur les bovins lait. L’alimentation n’est pas la même pour les bovins viande mais de toute façon le travail a faire est assez identique. En bovin lait, c’est de l’herbe avec une bonne part de mais en sillage pour la production et la performance laitière, en bovin viande il n’y a pas de maïs et il y a beaucoup plus d’herbe. Mais le problème, justement, c’est que plus la vache mange de l’herbe, plus elle émet de méthane.
Donc la vraie problématique aujourd’hui, c’est ça : on a un phénomène naturel, la fermentation entérique, qui fait que si la vache mange de l’herbe elle recrache du méthane. Et c’est proportionnel. Or, on préfère, en tant que consommateur, une vache nourrie à l’herbe plutôt qu’en maïs. Mais si on nourrissait toutes nos vaches en céréales et qu’on les laissait en bâtiment sans les faire sortir, on diminuerait considérablement notre méthane. Donc la controverse et le paradoxe, c’est que plus on mange de l’herbe, plus on émet. Donc si on ne raisonne que sur le climat, il faudrait mettre toutes nos bêtes en étable, dans un principe d’intensification.
Donc un aspect de la controverse assez générale en agriculture et en élevage est lié à la complexité de l’activité parce que l’on travaille sur du vivant, animal et végétal et qu’on a plusieurs flux, que ce soit l’azote, les gaz ou l’eau. Donc c’est difficilement simplifiable. C’est complexe et on ne peut pas raisonner sur un seul critère. Si on le fait, comme beaucoup de rapports, alors la solution c’est leur donner du maïs et les foutre en bâtiment. Comme ça, il y aura considérablement moins de gaz à effet de serre. C’est un peu paradoxal par rapport aux besoins du consommateur et par rapport à l’image que se fait le consommateur.
Est ce que ce n’est pas plus une question d’image que de besoin du consommateur ?
Bah après sur le besoin du consommateur, il y a le principe de schizophrénie : même si il y a un fort engagement dans l’environnement, ce qui compte au final lors de l’achat, c’est le prix. Ce qu’il fait qu’il s’oriente soit vers des viandes importés moins chères, soit vers des viandes de réformées laitières moins chères par rapport à une alimentation où on la sort, où on la laisse à l’herbe, comme on en trouve dans le Massif central qui est le bassin bovin viande.
Donc les leviers disponibles auprès des éleveurs pour influer sur les émissions de méthane, nous ce qu’on dit, c’est tout doit être travaillé, mais n’oublions pas que sur la partie fermentation entérique, on peut difficilement dépasser les 10% de réduction. Donc entre le Valorex et Bleu Blanc Coeur et l’étude de l’INRA qui a montré qu’on pouvait gagner entre 10% et 14%, en rajoutant des lipides, c’est bien on peut réduire, mais faut pas se leurrer, on ne peut pas empêcher la vache de fermenter. Donc on joue sur toute l’autre moitié : la gestion des déjections qui sont stockées et épandues sur les prairies et les cultures pour éviter de prendre des engrais aussi émetteurs de gaz. Donc l’utilisation de ces effluents est intéressante au niveau des diminutions de l’impact, à condition qu’on les gère bien. C’est à dire qu’on ne le laisse pas trop à l’air, qu’on la couvre, qu’on la mette bien dans le sol. Après, pour une dizaine de pourcents, ce sont les intrants : utilisation d’énergie, achat d’aliments et d’engrais.
L’importation du soja, en bovin viande, c’est moins important car il y a moins cette notion de l’apport de protéine de soja qui est très intéressante dans une performance laitière, mais moins nécessaire dans une performance viande. Aujourd’hui on travaille sur le panorama complet de l’exportation du soja parce qu’en France on en fait très peu, c’est 120 000 hectares je crois, ce qui couvre à peine 1% donc le soja est importé. Donc le COOP de France est en train de faire une cartographie pour voir combien on importe et quelles seraient les alternatives possibles. Donc le soja est moins irremplaçable en bovins viande car on a réussi à créer des cocktails luzerne lin ou même herbe de printemps : il y a différentes coupes dans l’herbe et ce qu’on appelle l’herbe jeune de printemps apporte la même nutrition que du lin ou de la luzerne. Donc en résumé il y a des éleveurs de bovins viande qui sont complètement autonomes c’est à dire qu’ils cultivent eux même la luzerne et le lin et il n’y a donc pas d’imports. Donc le soja n’est pas la problématique majeure même si on le quantifie pour savoir où on en est.
Le problème majeur c’est vraiment cette histoire de valorisation de l’herbe. On sait que l’herbe n’est valorisable que par les ruminants. Ce sont des surfaces, les surfaces en prairies, qui sont appelées les surfaces difficilement valorisables. Donc on peut pas trop faire de culture. Donc la prairie valorise des espaces qui seraient normalement en friche ou en forêt ou pour quelques parties en culture mais ce n’est pas remplaçable. Donc il y a vraiment un phénomène de valorisation de ces espaces par les bovins et d’alimentation naturelle à l’herbe etc. Mais cette herbe dégage du méthane.
A propos du stockage de carbone
C’est aussi un enjeu, la DEM est en train de réaliser un document d’appui là-dessus parce que c’est encore assez flou. On sait que l’herbe stocke du carbone,que ça dépend aussi de l’herbe par exemple la prairie permanente stocke plus que la jeune prairie. Mais à partir d’une certaine année le stock s’arrête donc elle garde, il ne faut surtout pas la retourner, et aujourd’hui il y a un vrai enjeu là-dessus. Le retournement de prairies est un danger à venir. C’est pour cela que la filière insiste sur le besoin des prairies avec les instituts techniques dont l’INRA.
Jean Louis Peyraud a une vision globale, c’est lui qui gère les regroupements d’Instituts avec des sous-groupes dont notamment un sous -groupe qui s’appelle “acceptabilité de l’élevage”. Spécifiquement aux gaz à effet de serre c’est vraiment Soussana qui est le référent. D’ailleurs l’INRA a publié dans deux ou trois numéros de La science, ce qui est très rare, des cahiers adaptation climatique.
Donc le stockage carbone c’est en devenir. On sait aujourd’hui que le sol stocke du carbone avec la photosynthèse. Ce stockage carbone fait partie des leviers d’atténuation du changement climatique par l’agriculture mais il est vrai qu’aujourd’hui, les études donnent des chiffres autour de 500 kilos par hectares de prairies et par an mais on est vraiment en précision de cette évaluation avec le rapport de la DEM pour voir comment il se positionne. On sait qu’il y en a mais avec les différentes prairies, c’est difficile de dire que c’est ce chiffre précis. Pour l’instant l’idée principale, c’est de ne pas relâcher ces stocks dans l’atmosphère. Par exemple demain, si la Nouvelle Zélande retourne ses sols, ca va aller très très mal. Ce sont des prairies très anciennes avec beaucoup de stockage dedans donc ce serait un coup très difficile.
Après, ils réfléchissent en ce moment par rapport à la question du changement climatique mais il y a aussi la question de la qualité de l’air. Donc ça pour le coup je sais pas si ça va vous intéresser mais c’est l’ammoniac qui est relâché par les déjections qui va monter dans l’atmosphère et se fusionner avec NOX par exemple, d’autres atomes ce qui va donner des particules. Donc c’est une problématique aussi. Le nouveau pacte européen, Clean Air Policy for Europe propose de fixer un plafond de NH3 et pour la première fois un plafond de méthane. Donc aujourd’hui les ministères réfléchissent à est-ce que l’objectif fixé par la commission européenne de moins 29% pour le CH4 et de moins 25% pour le NH3 en 2030 est tenable etc. Donc voilà pour les enjeux.
Après sur la controverse, Livestock Shadow arrive, et en 2006 dit élevage = 18% des émissions totales. Donc la on découvre, c’est un peu dur, comment ils ont mesuré ça…
D’un point de vue général, la controverse, en tout cas pour ce qui concerne mon secteur, nait et s’entretient à travers deux grands courants : le premier étant l’évaluation. On connait la recherche, la communication et les politiques. Ces derniers sont plus pressés que la recherche donc dès qu’ils ont un chiffre ils parlent.
Donc la FAO, de par son activité, gère des régions du monde, et fait des calculs qui sont sensiblement relatifs : un inventaire national et une évaluation territoriale et locale ne sont pas du tout similaires. La FAO fait un calcul assez basique parce que c’est son activité et qu’elle doit donner aux politiques publiques des chiffres, mais en gros elle fait un facteur d’émissions: l’Europe, par exemple, dégage le nombre de vaches x le facteur d’émissions par vaches, et voilà les 18%. Donc il faut se dire que la FAO a alerté les pays, de par une multiplication qui est assez basique mais qui a servi à alerter, donc il ne faut pas le remettre en cause. Après, notre rôle, par contre, c’est de voir ce que ces 18% à l’échelle globale veulent dire à l’échelle de la France et au niveau de la production. Donc il y a différents niveaux. C’est un des premiers moteurs de controverse : quelle évaluation avec quelle méthode ?
Le grand public ne se plonge pas dans la méthode. Ensuite, il y a ce que je vais appeler “à quoi ça se rapporte”. C’est à dire les 18% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde, c’est très bien, l’élevage est contributeur au gaz à effet de serre ok. Mais pourquoi est-ce que aujourd’hui dès qu’on parle de gaz à effet de serre on parle d’élevage ? C’est une des questions de la controverse, il y a tout de même une priorisation. Si vous regardez au niveau sectoriel, la contribution de l’agriculture au gaz à effet de serre, c’est en France le deuxième secteur émetteur après les transports. Donc c’est très important, mais est ce que cela justifie que dès qu’on parle gaz à effet de serre dès qu’on parle élevage ? La question de la controverse, c’est ça.
En France, pour l’agriculture c’est 19% des émissions. Donc c’est important, il faut travailler dessus, mais cela reste dans un cadre global. Maintenant l’agriculture est deuxième, après les transports, parce que les bâtiments ont bien travaillé, alors qu’ils étaient avant en deuxième position. Mais la question, derrière ça, c’est, pour la controverse, une fois qu’on a fait ce constat, on se retrouve à voir des rapports et des études qui ciblent uniquement sur le climat avec un raisonnement monocritère, ce qui est dangereux vue la complexité de l’agriculture et les différents flux qui interviennent, avec la question économique et sociale au niveau de l’exploitation et de la filière ; en étant axé sur le climat, on peut se dire les vaches produisent du méthane, alors supprimons les vaches. Mais c’est un peu facile. Il faut évidemment proposer toutes les solutions mais c’est un peu dur. Les vaches produisent du méthane mais ne font pas que ça, il y a autre chose derrière. Donc après c’est pour ça qu’il y a beaucoup de travail sur les services rendus, l’INRA travaille beaucoup la-dessus, c’est le programme écoserve : la vache ne sert pas uniquement à rejeter du méthane, elle va produire de la viande, donner des coproduits, qui vont faire de la graisse, de l’énergie, ça va utiliser des surfaces qui sont difficilement valorisables.
Derrière, il y a des projets de civilisation à mettre en place. Et dans ces controverses, ce qui est vraiment étonnant et ce qui constitue pour moi le moteur et l’entretien de cette controverse, c’est l’amalgame qui consiste à commencer un article en mettant en lien directement l’élevage et les émissions. Aujourd’hui, on ne peut pas dire « 70km = un steak » : c’est un choix de vie. On ne fait que se déplacer et on arrête de manger de la viande ? C’est un choix de vie.
Les documentaires un peu chocs : Généralement, on a un amalgame entre les systèmes. On parle de l’élevage français et on montre des images d’élevages américains. Pour la filière qui fait la communication,ils doivent répéter en permanence qu’un élevage moyen, en France, c’est 50 vaches. Donc les images montrent soit des feedlots aux Etats Unis, soit le mot élevage industriel où l’on montre des volailles en bâtiment et qu’on généralise sur l’élevage, c’est parce que l’on met tout dans le même sac, mais le consommateur lui il n’est pas apte à appréhender l’ensemble des élevages. Mais il aime bien voir des vaches en pré, dans la nature, donc ce sont pleins de représentations sociales qui font également partie de la controverse.
Donc il y a l’évaluation, comment-elle est faite et pour quel but ?
La FAO un but global donc pas très précis d’alerter les régions du monde. Il y a l’amalgame fait soit par méconnaissance du système, soit, parfois, par opinion. Pour le méthane, un élevage intensif reste forcément plus efficace dans le cadre des réductions des émissions. Mais la dernière publication en date, sur le CIRAD [centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement], casse par la méthode énergie le dogme de la FAO qui disait qu’un élevage intensif serait forcément plus efficient au niveau de l’environnement qu’un élevage extensif. Ils ont appliqué une méthode multicritère qui prend en compte les gaz, l’impact sur la biodiversité, les facteurs sociaux, et il montre que l’élevage extensif du Mali est plus efficient qu’un élevage intensif de la Réunion ou semi intensif en Bretagne. Il casse un peu le dogme de 2006 qui disait qu’il fallait absolument intensifier la production pour diminuer les impacts. Et donc le rapport de 2006 de la FAO a été réactualisé en septembre 2013, où ils ont baissé le chiffre à 14,5% et ils commencent en annexe à parler du stockage carbone. Ils l’ont pas mis en corpus, parce qu’au niveau scientifique on cherche encore, mais ils l’ont mis en annexe en qualitatif et ils travaillent dessus par exemple par rapport aux services rendus par l’élevage.
Au niveau du lien entre tous ces gens, est-ce que l’on est dans une coopération, dans la rencontre ou plutôt dans la tension ?
Ils ne se rencontrent pas. La FAO interagit avec la recherche et les interprofessions. Les acteurs, à vérifier, que la FAO rencontre, c’est recherche et interprofessions mais ils ne descendent pas jusqu’aux organisations de producteurs. En effet, celles-ci ont été alertées en 2006, mais concrètement c’est une affaire à faire tourner tous les jours, avec un ratio économique, une législation à respecter, et après, il y a une prise en compte de l’environnement et des initiatives partout. Il y a des agriculteurs leaders, des mises en place de nouveaux systèmes, …
Aujourd’hui, tous les instituts techniques s’attachent à faire le lien entre environnement et économie. Toutes les recherches sont axées sur la possibilité de diminuer les charges ou gagner de l’argent en s’intéressant à la question de l’environnement. C’est pour cela que la question des effluents, c’est intéressant, tout autant pour les gaz que pour les charges. De même, l’autonomie alimentaire est un enjeu primordial, car on est sur du local, avec l’utilisation de produits qui ne sont pas chargés d’émissions parce qu’ils viennent de loin, et en même temps je diminue les charges de mon exploitation. Donc l’économie reste un axe d’entrée dans tous les cas.
Après il y a ceux qui dès le début ont compris que l’environnement serait un atout économique et social, car les agriculteurs et les éleveurs ont aujourd’hui un gros besoin de reconnaissance. Depuis plus de 20 ans, toutes les problématiques environnementales leur pèsent dessus. Donc certains ont compris que l’atout environnemental était important pour leur image auprès du grand public. Mais la filière bovins viande est aujourd’hui une filière qui va mal, avec en moyenne 15000 de revenus à l’année, donc c’est du boulot. Et pour les éleveurs du Massif Central qui élèvent leurs vaches à l’herbe, c’est impossible de comprendre car pour eux, leur système est parfait par l’élevage des bêtes en extérieur. Donc il y a aussi un aspect pédagogique, et qu’il y ait une controverse au niveau de la société et des amalgames, cela ne les arrange pas. Mais maintenant les instituts techniques travaillent vraiment sur le côté économique.
Les solutions concrètes :
L’alimentation. L’INRA a répertorié les actions selon un axe d’atténuation et surtout en fonction du coût annuel : donc c’est top, parce que l’on peut voir immédiatement les leviers qui peuvent être mis rapidement en place et qui ne sont pas chers, avec le gain rapporté. Après, ceux qui sont un peu plus chers, on verra après. Donc cela illustre vraiment le lien indispensable à faire pour les éleveurs là-dessus. Les méthanisateurs se développent, on est autour de 100. Mais ça coute cher, et outre l’investissement financier, il y a la faisabilité technique derrière, c’est-à-dire que oui on peut mettre les déjections dedans, mais il faut arbitrer. On utilise une partie des déjections pour les engrais, donc il faut voir combien il en reste pour le méthaniseur, très souvent il faut compléter, à ce moment-là, on ne fait pas comme en Allemagne où l’on complète avec du maïs, sinon il y a le problème de la concurrence alimentaire et c’est un peu contreproductif. Donc c’est en développement, c’est pas facile, la question de l’échelle se pose aussi : mieux vaut il faire des gros méthaniseurs ou plutôt à l’échelle de la ferme ? Les instituts techniques tendent plus vers les méthaniseurs à l’échelle de la ferme ou tout au plus au regroupement d’agriculteurs, mais vraiment très local. Si on a une production continue, c’est bien mais le gaz on en fait quoi ? Je me chauffe en hiver mais l’été ? Donc il faudrait le refiler à la commune, et la c’est un investissement assez important. Donc cela fait partie des solutions mais ce n’est pas la seule solution.
Ce qui est sûr, c’est que le raisonnement monocritère n’est pas une solution. Il faut vraiment y aller petit à petit, et l’outil qui aujourd’hui est assez répandu et qui fait un peu loi dans l’évaluation environnementale, c’est le cycle de vie. Donc en gros, on prend un produit, et on regarde du berceau à la tombe : sur toute sa vie, on regarde les impacts que l’animal a pu générer. C’est encore à améliorer, c’est une méthode qui vient de l’industrie, donc il faut encore approfondir au niveau de l’agriculture. Mais aujourd’hui, c’est grâce à cette méthode qu’on arrive à saisir un peu l’ensemble de la problématique environnementale d’un produit. Donc là-dessus c’est toujours la même chose, dans le cadre de l’élevage viande: on a une vache, elle mange, elle émet des gaz, elle fertilise, elle part à l’abattoir → viande + co produits : cuir, os, graisse. Il y a beaucoup de valorisations non alimentaires de cette vache, et cette valorisation, si on est rigoureux et qu’on prend vraiment en compte de la naissance de la vache jusqu’à non seulement sa production de viande et non alimentaire, et que tout cela on les suit jusqu’à leur consommation et leur fin de vie, c’est-à dire-recyclage ou pas etc., si on prend l’ensemble, après la thématique gaz à effet de serre ne sera plus la même.
En effet, sans compter le stockage carbone de la prairie, l’effluent aura permis de fertiliser des terres qui auront évité de l’engrais ; la graisse aura servi à faire du biocarburant donc sans émissions liés aux pétroliers donc on enlève, donc si au final on regarde sur toute la chaîne, évidemment tout est dilué, mais il y a des plus et des moins qui se compensent. C’est pour ça qu’il ne faut donc pas s’intéresser à un seul critère, mais toujours bien dire on s’occupe de ce critère-là et on ne généralise pas à une notion de durabilité. C’est le problème de la controverse : on part sur un axe monocritère, le réchauffement climatique, l’impact carbone, mais au fil de l’article, de l’émission ou de la discussion, on se retrouve à parler de développement durable. Mais on est pas sur de la durabilité qui a 3 piliers. La durabilité veut dire assurer qu’il y ait une économie des ressources et la sécurité des générations futures, en gros l’idée qu’aujourd’hui on est pas en train de détruire l’environnement pour le futur. Cette notion de durabilité a été définie comme ça. Donc après dans chaque secteur, il faut la pragmatiser.
Dans le secteur de l’élevage, durabilité veut dire nourrir une population, en économisant les ressources et en faisant vivre une filière, très schématiquement. On garde les piliers sociaux, économiques, environnementaux. Et quand même, la vocation première, c’est filer de la bouffe avant tout.
Donc pour revenir au sujet, la question de manger ou pas de la viande est détachée de la problématique gaz à effet de serre. C’est plutôt de savoir si aujourd’hui en France, on est sur une volonté de séparation de régime : les régimes alimentaires se multiplient. Dire qu’il faut arrêter de manger de la viande parce que la vache produit du méthane, là il y a un énorme raccourci qui a été fait. Il y a un projet de civilisation, des régimes, végétariens ou pas, pour quelles raisons, personnelles ou sanitaires ? Puis il y a une problématique liée à l’élevage qu’il faudra résoudre, pour diminuer les gaz à effet de serre et d’autres facteurs. Donc la question « faut-il continuer à manger de la viande », ne peut pas être liée à l’impact carbone de l’élevage.
La controverse, c’est surtout la socio, avec l’appropriation des chiffres par les médias, l’appropriation et la perception par le grand public, et nos perceptions à nous ainsi que nos croyances. Je n’ai jamais vu dans la presse la question faut-il continuer de rouler en voiture, même si c’est le facteur le plus émetteur. Ce qui est intéressant, c’est de raisonner par l’absurde: supposons qu’on supprime toute la production de viande, qu’est ce qu’il se passe ? Tout le monde ne va pas devenir végétarien. Donc ceux qui veulent manger de la viande, comment est-ce qu’ils vont faire ? Elle va forcément venir d’ailleurs, donc importation. Par quel transport? De quelle manière va-t-elle être élevée ? Avec quels critères sanitaires ? Cette viande-là, on ne va pas contrôler sa production, donc cela va générer d’autres choses. Puis après si on mange pas, il va falloir prendre des compléments pour certaines populations, comme les seniors ou les femmes en âge de procréer donc ces compléments ils vont venir d’où? Cela pose la question de l’industrie pharmaceutique. C’est donc un exercice difficile.
Mais par rapport au rapport Af’terres 2050 ; j’ai ciblé une rubrique assez emblématique du problème ; on commence en chiffrant avec plus de 170 millions de tonnes de CO2, l’agriculture et l’alimentation, de la parcelle au traitement des déchets alimentaires, donc la c’est le fameux cycle de vie : de la naissance jusqu’à la mort. Donc tout ça est responsable de 36% des émissions, c’est-à-dire plus que le transport et le bâtiment. Ils se réfèrent à une étude de l’IFEN de 2007 qui regardait quelles sont les consommations les plus émettrices de gaz à effet de serre des ménages français. Or quand on regarde l’étude de l’IFEN, on se rend compte que ces 170 millions de tonnes C02 c’est vraiment sur l’ensemble de la chaine de production. Or les transports et le bâtiment, on va calculer les gaz à effet de serre de la fabrication du bâtiment ou de la voiture jusqu’à la livraison au consommateur. Mais on ne va pas prendre en compte la consommation du consommateur avec l’utilisation quotidienne, ni la fin de vie : le recyclage. Donc là, et c’est un autre moteur de la controverse, on compare des choses qui ne sont pas comparables. Ce n’est pas le même référentiel.
On fait un référentiel similaire pour les transports, on n’arrivera pas au même résultat. Or ça, malheureusement on le voit souvent. Donc la question c’est incompétence, méconnaissance ou malhonnêteté intellectuelle pour faire passer un message derrière ? Donc il faut une cohérence interne de la réflexion, en prenant en compte les imports et les exports. Donc ce n’est ni cohérent, ni durable et encore moins réaliste.
La viande in vitro ?
Pour nous ce n’est pas de la viande. C’est de la pilule, un truc synthétisé. Donc ce steak qui a été fait en labo, j’aimerais voir le bilan carbone. D’un point de vue durable, ok on répond à un problème, mais il faut savoir ce qu’on utilise derrière, en combien de temps etc. D’un point de vue social, est-ce que les Français sont prêts à manger ça ? Est-ce que tout le monde va pouvoir se le payer ? Qui est-ce que ca fait vivre, en termes d’emploi ? Les mêmes questions se posent d’un point de vue économique, par rapport à l’accessibilité et le prix. D’un point de vue de consommateur, j’en mangerais jamais. D’un point de vue citoyen, c’est quoi le projet de civilisation derrière ? Si c’est de manger de la nourriture en tube, j’arrête.
Les insectes comme alternative à la viande pour nos protéines?
Alors justement la FAO a communiqué là-dessus pour l’alimentation animale. D’un point de vue plus général, il y a une grosse notion de culture. Il ne faut pas oublier que dans une optique d’alimentation durable, au final, on a une agro qui a bossé là-dessus, la définition est très fourre tout. Clairement, aujourd’hui, aucune alimentation n’est durable. Donc c’est un objectif à suivre mais il ne faut pas oublier que derrière il y a un aspect culturel, social, d’accessibilité, donc la question c’est est-on sûr que l’alimentation par insectes réponde vraiment à l’enjeu environnemental ?
Est-ce que vous penser qu’au niveau du lien politique/industrie de la viande, il y a un lien fort ?
Avis perso : il faut aller sur le site du CITEPA [Centren Interprofessionnel Technique d’Etudes de la Pollution Atmosphérique]. A Dauphine, ils avaient fait une table ronde avec tous les représentants de l’Europe, il y avait le secteur énergitique et du transport qui a soutenu un message : le message de GDF c’est ça, le message de Suez c’est ça et il y avait de vraies raisons pour que ce ne soit pas applicable. Mais la viande n’y était pas. Donc pour le coup, parmis les secteurs les plus proches des politiques, la viande n’en fait pas partie.
Est-ce qu’il ne faudrait pas que les politiques s’intéressent plus à la question, en intervenant plus ?
Il y a un marché européen monnaie carbone, l’ETS [European Union Emissions Trading Scheme] est un marché soumis à quotas qui sont les énergéticiens. L’agriculture n’est pas soumise à quota mais on peut volontairement s’y inscrire. La filière réfléchit à cette problématique, parce qu’il y aurait tout à gagner peut être à compléter le revenu des éleveurs avec ce concept.
L’expérimentation Bleu-Blanc-Coeur ?
C’est avant tout une démarche commerciale. Ils sont liées à une boite qui s’appelle VALOREX qui a fait une formule de lin extrudé. Donc leur démarche était dans l’ère du temps, leurs calculs entre les acides gras et les émissions ont été validés, ils ont très bien travaillé. Mais là où il y a un petit argument commercial, c’est que ces résultats peuvent être atteints par d’autres alimentations. Mais leur méthodologie a été validée.