Synthèse

En 2006, le grand public se rend compte de l’ampleur des émissions de gaz à effet de serre dues à l’élevage au travers du rapport de la FAO Livestock Long Shadow et sa médiatisation. Certaines  personnalités s’en saisissent pour créer des initiatives, comme Paul McCartney avec le Meat free Monday.  La société civile s’y intéresse aussi, notamment par le biais d’associations végétariennes qui utilisent ce rapport pour conforter leur action, comme L 214.

Cette mobilisation relance le débat scientifique qui va porter plus particulièrement sur le chiffre exact et les comparaisons faites par le rapport avec le secteur des transports plutôt que sur l’existence du problème. Elle va aussi poser un véritable problème aux acteurs des filières qui vont tacher de répondre en réfléchissant à des actions visant à réduire ces problèmes environnementaux. Ils travailleront d’ailleurs beaucoup avec les agronomes des instituts de recherche sur ces sujets comme l’affirme Jean Louis Peyraud:

On travaille avec les professionnels des filières au sens d’industrie, avec les ministères, avec les inter-professions qui ne sont pas des organismes de recherche. On discute avec le CIV, le CNIEL, parfois ils financent un peu nos recherches. Avec eux, on discute de quels sont les filières vers où orienter nos recherches.

Ces liens forts permettent un progrès de la recherche et montrent également l’investissement des producteurs face à la médiatisation de cette question environnementale.

Seulement, il y a un problème fondamental de mesure et de méthode. En effet, il y a d’abord une question d’échelle qui se pose : prendre en compte une seule exploitation ne permet pas de se rendre compte des émissions dues à l’élevage car chaque exploitation est différente selon sa méthode de travail, la région dans laquelle elle se trouve, les races qu’elle élève. Ainsi, il est difficile de généraliser un résultat obtenu sur une exploitation mais aussi sur une région, voir un pays. Les émissions de GES sont des phénomènes généraux et qu’il faut donc prendre en compte le plus globalement possible. Cependant cela pose aussi problème car certains facteurs sont difficiles à calculer globalement. Ce problème d’échelle de l’étude est majeur et explique partiellement la différence des résultats obtenus.

De même, la comparaison entre deux types d’élevage n’est pas toujours aisée, puisque ces types d’élevage se déroulent souvent dans des conditions géographiques, climatiques différentes et par exemple avec une absorption de la part de prairies plus ou moins importante.

Ainsi, le choix entre les différentes solutions est souvent politique et n’implique pas que des considérations techniques.

Par exemple, le choix des alternatives de substitutions comme la consommation d’insecte ou la viande in vitro pose un problème social. Nos sociétés ne sont pas prêtes à abandonner la consommation de viande et de lui substituer quelque chose que les consommateurs ne consomment pas habituellement. De plus, ces alternatives peuvent aussi avoir un coût trop important comme dans le cas de la viande in vitro.

Il y a par ailleurs une notion de coût social à prendre en compte. En effet, l’élevage et toute la chaîne  de production qui le suit représente énormément d’emplois en France par exemple, il semble très difficile de faire le choix d’arrêter de consommer de la viande et donc de mettre des centaines de milliers de personnes au chômage ( les chiffres ne sont pas encore totalement établis).

Alors, le débat peut se déplacer vers des solutions de réforme de l’agriculture, avec une opposition radicale entre  l’intensification américaine et le modèle d’élevage français ou irlandais, extensif. Or comme nous l’avons déjà vu il est difficile de trancher la question uniquement sur des critères techniques et chiffrés

La prise en compte dans l’analyse de critères sociaux, économiques et environnementaux dans un sens plus large (comme la prise en compte de la biodiversité) est nécessaire. Il semble donc difficile de ne pas s’intéresser à la valorisation du territoire, par exemple, dans une analyse des solutions pour l’élevage français. En effet, des régions entières seraient inhabitées si celui-ci cessait. L’aspect culturel est, dans cette même optique, important. Il semble difficile d’imposer aux éleveurs irlandais ou français un système intensif où les vaches ne seraient plus en prairie ce qui modifierait le paysage de manière importante et serait difficilement acceptable pour les populations environnantes.

L’équation doit pourtant avoir une solution car la consommation mondiale augmente fortement ( en raison du développement des pays émergents) ainsi que la démographie mondiale, et il faudra trouver le moyen de satisfaire cette demande, ou de la détourner vers d’autres produits, tout en prenant en compte la menace importante du changement climatique.