Jean-Louis Peyraud est chercheur à l’INRA directeur de recherche de l’unité mixte de recherche 1348 PEGASE, Physiologie, Environnement et Génétique pour l’Animal et les Systèmes d’Elevage. Il préside le comité stratégique du Groupement d’Intérêt scientifique (GIS) Elevages demain.
Que faites-vous ici à l’INRA ?
Je suis chercheur à l’INRA dans le secteur des productions animales, j’ai fait l’Agro et puis j’ai travaillé beaucoup sur la nutrition des vaches laitières et puis élevage et environnement avec les questions apparues dans les années 90, j’ai dirigé une station de recherche en production laitière.
Maintenant je travaille à la direction scientifique de l’INRA, un peu en charge des recherches INRA sur les productions animales ce n’est pas uniquement ca mais je suis beaucoup sur ces thématiques là: comment organiser nos recherches entre les départements de recherche, en physiologie, santé et éthique animale, systèmes d’élevage, et génétique animale. Lourd passé dans la recherche sur les modes de production.
Quels sont les modes de production que vous avez étudiés ? Lesquels vous ont intéressé particulièrement ? Et votre avis sur le sujet ?
Ce qui m’a intéressé particulièrement, disons que quand j’ai été recruté à l’INRA c’était en 1981, c’était pour travailler sur la production de lait à l’herbe qui était un sujet tabou puisque c’était la pleine période de l’intensification de la production. Il fallait mettre toutes les vaches au maïs et donc j’ai travaillé un peu sur ce sujet du pâturage qui était intéressant du point de vue développement de nouvelles méthodologies. Mais un peu seul car ça n’intéressait personne, maintenant ça intéresse du monde donc je suis bien content mais ce n’est plus moi qui fait la recherche mais mes jeunes collègues.
Pourquoi le pâturage ? Dans les années 80 c’était un moyen de réduire les couts de production et puis un côté système de production « naturel ». C’est un angle d’attaque qui s’est beaucoup renforcé depuis mais qui à l’époque était vraiment iconoclaste, je n’avais pas choisi j’ai été recruté pour travailler là-dessus, et je me suis un peu convaincu du sujet. Maintenant quand je pense élevages laitiers je pense élevage laitiers environnement et là je suis en train d’écrire un texte pour un congrès dans 15 jours et c’est : en quoi l’herbe peut être un système moderne et conduire à des systèmes efficaces. Efficace pour l’éleveur, et qui résolve certaines contraintes liées aux GES mais pas seulement.
De quelles façons l’herbe peut-elle constituer une solution intéressante quant aux GES ?
Pour des raisons de stockage de carbone sous prairies, les prairies à l’échelle du globe stockent autant que la foret, pour autant qu’on ne la retourne pas. Il se trouve qu’en Europe depuis les années 50 on a retourné 15 à 16 milliards d’hectare de prairie, au titre de l’intensification de la production. Comme on a intensifié la production, qu’il y a globalement moins de ruminants en Europe que il y a 30 ans, on a besoin de moins de fourrage, donc on a développé les céréales ce qui présentent d’autres intérêts. Mais on a retourné des prairies donc on a déstocké du carbone, d’où en ce moment beaucoup de débats, les prairies stockent-elles du carbone ? Alors oui elles en stockent pas tout le temps il faut respecter certaines conditions, et si on les prend en compte il faut aussi considérer que l’on en a déstocké. Au bout du compte le bilan n’est pas forcément très favorable, mais en Europe on a dû perdre 3 ou 4 millions de vaches laitières depuis les années 80. Globalement l’élevage européen doit émettre moins de GES qu’il n’en émettait à l’époque (même si les vaches sont plus intensives). Les vaches produisent un peu plus de GES par individu parce qu’elles produisent plus mais moins par unité produite.
Cette productivité accrue des vaches laitières, est liée à quoi ?
A la demande de la société et des éleveurs de produire plus, un souci d’intensifier les systèmes de productions. Il y a la même évolution en élevage laitier qu’en élevage de porc, le modernisme c’est l’intensification à l’animal. Ce qui est curieux c’est qu’il y a des pays très herbagé comme la production laitière en Nouvelle Zélande où l’intensification a été vue en termes de lait à l’hectare, et pas de lait par vache. Du coup ils ont développé des systèmes complètement différents des systèmes d’Europe, Pays-Bas, Danemark, Allemagne, France.
Quels sont les autres types de systèmes en Europe ?
Il y en a plusieurs, les plus intensifs sont les systèmes danois, qui ont intensifié parce que la terre est très chère et donc qu’il fallait produire beaucoup par vache. Ils ont mis les vaches à l’intérieur, ont supprimés le pâturage et les ont nourries avec beaucoup de concentrés. Les Hollandais ont pris le même chemin avec des concentrés, pas cher grâce à la présence du port de Rotterdam, venant de l’autre côté de l’Atlantique. Encore une fois les vaches sont à l’intérieur avec des grands troupeaux, c’est devenu un élevage industriel, avec une taille plus petite tout de même que les feedlots à l’américaine. C’est des troupeaux de 150 vaches. On peut se poser des questions parce que un million de litre de lait au Danemark ca vivre une famille, un million de litre dans le massif central ça en fait vivre 4 ou 5. Socialement cela pose une question. En tout cas ce sont des systèmes très intensifs qui ne sont pas durables parce qu’il y a un tel taux d’endettement, qu’aujourd’hui les fermes ne peuvent pas être reprises. Ça c’est le système extrême.
A l’autre extrême, il y a le système irlandais qui est complètement herbagé, avec des vaches qui produisent peu par vache, 5000 l de lait par lactation. Mais avec un maximum de vache par unité de surface et du lait qui est produit qu’avec de l’herbe. Il n’est pas cher ce qui leur permet de gagner des parts de marchés, maintenant que les quotas vont être supprimés. Ça a un inconvénient, le lait est produit quand l’herbe pousse donc beaucoup au printemps et pas du tout en hiver, donc ca fait des pics de lait pour les laiteries et un approvisionnement irrégulier. Ce système ne peut pas être copié en France, puisqu’on a des laiteries (les industriels et les coopératives) qui font beaucoup de produits frais, il leur faut une arrivée de lait plus ou moins régulière tous les mois. On ne pourrait pas avoir des systèmes tout herbe, mais pour autant il ne faut pas copier les systèmes danois qui sont très intensifs ou hollandais, qui ressemblent peut être au danois mais qui ont peut être mieux gérés les aspects économiques, autant je pense que les Hollandais ont un avenir dans le lait autant les Danois c’est des systèmes tellement entrepreneuriaux et a tellement gros capitaux qu’on ne sait pas bien comment ils peuvent évoluer.
Ce que vous décrivez m’étonne car ce sont des investissements très lourds pour seulement 250 têtes, ça me parait bizarre que ça puisse être viable économiquement ?
Ça ne l’est pas économiquement, mais ils ont des emprunts donc c’est un taux d’endettement de plus de 90 % mais qui ne peuvent pas fermer parce que s’ils ferment, c’est les banques qui ont prêté. Comme les terrains étaient très chers ils ont pu emprunter. Quand un terrain vaut ou 30 ou 40 mille euros l’hectare ça fait un peu spéculation. Aujourd’hui le système n’est plus tellement tenable mais personne ne peut lâcher car c’est la ruine de tout le système y compris les banques.
En France on n’est pas du tout dans ces systèmes-là, d’abord on a un prix de la terre qui est aux alentours de 3 ou 4 mille euros l’hectare, 5 dans les zones les plus chères. On peut penser développer des systèmes différents, il ne faut pas que la profession veuille a tout prix copier ces systèmes plus intensifs au prétexte de la productivité car ce n’est pas une vraie productivité, parce que dans ces systèmes-là on achète le concentrés donc en fait on achète des surfaces. Les irlandais ils produise avec leur surface à eux.
A propos de surface on a lu des articles de scientifiques américains qui semblaient s’opposer à ce qu’on a lu venant de l’INRA. Notamment l’idée que l’avantage des systèmes très intensifs comme aux USA c’est qu’on pouvait replanter à la place où les vaches pâturaient des forets, les exploiter, donc permettre un stockage de carbone supplémentaire grâce à l’intensification. Cet argument vous parait-il valable ?
Nan parce qu’il faut compter que pour nourrir les troupeaux laitiers il faut quand même utiliser des surface de soja.
Leur argument c’est que cela se compensait justement.
Sur les aspects stockage de carbone c’est en partie vrai seulement, parce que les travaux américain vantent l’intensification de leur système en disant regardez on émet pas beaucoup de GES par kilos de lait produit. Il oublie un truc fondamental : quand on produit du lait on produit de la viande et dans les systèmes très intensifs la vache laitière ne produit quasiment pas de viande. Donc on crée des troupeaux de viande on crée des feedlot, comme en plus ce sont des gros mangeurs de viande, il leur en fallait. Et en fait quand ils font un calcul ils oublient complétement ça, mais en fait dans un bilan GES d’un élevage intensif laitier il faudrait compter ces feedlots qui eux émettent beaucoup aussi. C’est la somme des deux qui compte car le consommateur mange du lait et de la viande. En France on pourrait se poser la question quelle serait la façon la plus adroite de produire notre besoin en lait et en viande, pour produire et éventuellement exporter en principe en France on doit produire 80 kilos d’équivalent carcasse par tonne de lait produit. Comment on fait ça ? Avec des animaux hyper spécialisés chacun dans un coin ou est-ce qu’on utilise des animaux qui font un peu des deux types des races normandes montbéliarde? On n’a pas la réponse à cette question-là. Je pense que la stratégie a doublé finalité est plus performante globalement parce que comme ils sont peu productifs ils peuvent se nourrir d’herbe.
Y a-t-il des études là dessus ?
On a fait un travail de simulation qu’on essaye de publier la dessus mais c’est un tout premier travail de débroussaillage c’est une vraie question qui se pose. Il y a peut-être un texte des Rencontres Recherche Ruminants qui sont des journées de recherche sur les ruminants en France tous les mois de décembre. Il peut y avoir un abstract de ça mais pas de papier scientifique, c’est en cours de soumission.
Ces aspects GES, sont très global, il faut penser global. On ne peut pas s’arrêter à l’argument des américains, qui disent en plus avec la GH on fait du.. Leur raisonnement est faux parce qu’il oublie qu’à côté il a fallu crée des feedlots qu’il faut compter. On peut toujours dire c’est la faute des autres mais à l’échelle d’un pays.
On a évidemment vu le rapport de la FAO ( cf 18 % d’émission de GES), Est-ce un chiffre qui vous parait vraisemblable globalement ? et quels sont les problèmes méthodologiques qu’il y aurait a soulever sur cette étude ?
Alors ce qui est étonnant c’est que le chiffre est cité par tout le monde. En 2013 elle a publié 14% mais personne ne cite ce chiffre, d’ailleurs c’est un rapport qui change le discours. Ce n’est plus les animaux émetteurs de GES mais plutôt comment combattre les émissions de GES par l’élevage. On sent une petite tournure différente des choses. Le 18% n’est pas faux. Ce qui était faux c’est la comparaison faite avec les transports qui est malheureusement restée. Ce serait plus que les transports au niveau mondial ce qui a plu à certaine compagnie aérienne qui ont fait de la pub avec ça. Ça c’était faux parce que c’était les premières années que les gens commençaient à maitriser les techniques d’analyse de cycle de vie et en fait pour les animaux les 18% intégraient bien tous les éléments du cycle de vie, depuis la fabrication d’aliments jusqu’à la transformation des produits alors que pour les transports ils avaient juste compté la consommation de carburant pendant le transport. Ils avaient oublié qu’il faut quasiment un litre de pétrole pour en extraire un, donc c’était une erreur méthodologique qui a fait dire que les ruminants émettait plus que les transports. Ca a fait beaucoup de mal aux ruminants, puisque dès l’instant ou un chiffre comme ça est lancé il est repris par les média pour les gens c’est un chiffre c’est la vérité. Les professionnels peuvent ensuite toujours ramer en disant mais non ce n’est pas ça c’est faux. De toute façon l’élevage comme toute activité humaine elle a des impacts sur l’environnement. Plus ou moins on va y revenir. Aujourd’hui en France, l’élevage (c’est toujours embêtant de quantifier en % du total d’un pays car chez les néozélandais par exemple, l’élevage c’est 90 % des émissions du pays car il n’y a pas d’industrie) c’est 13% calcul de l’ASDM des GES. Les transports c’est 20 % donc c’est plus. Quelque part ça m’énerve quand j’entends dire que pour sauver la planète il faudrait ne plus manger de steak, mais qui dit pour sauver la planète un dimanche par an on ne va pas se servir de la voiture ?
L’industrie ça doit être 25%, Oui les ruminants en particulier émettent des GES avec le méthane du rumen, on n’y peut rien, il y a beaucoup de recherche notamment à l’INRA pour réduire ces émissions.
Connaissez-vous un peu ces recherches ? Y avez vous participé ?
Pas personnellement mais au niveau de l’INRA il y a un gros consortium qui s’est créé avec des privés pour travailler sur la réduction de la production de méthane par les ruminants. Pour l’instant la solution qui existe c’est d’utiliser des huiles polyinsaturées, ça réduit la production de méthane de 10- 15 %, peut-être plus. L’effet à l’air durable mais c’est cher, ça coute cher de donner de l’huile à des animaux. Il y a des pistes mais la production de GES est importante mais pas plus que d’autres secteurs et il faut la réduire, il y a plein de travaux de recherche de par le monde sur cette réduction-là. Y compris ça va sur la sélection d’animaux moins émetteurs. Il va y avoir des progrès dans ce secteur. Il ne faut pas limiter le problème de l’élevage des ruminants à l’émission de GES ou d’une façon plus général à l’ensemble des impacts environnementaux négatifs de l’élevage. Parce qu’il y a des GES et puis on entend aussi beaucoup parler de l’eau. On entend des chiffres qui ne sont pas intrinsèquement faux mais qui ne veulent rien dire. Par exemple quand on entend qu’il faut 15 mille litres d’eau pour un kilo de viande. C’est vrai et faux. Vrai car un animal qui mange un fourrage il a ya la pluie qui tombe, (interruption oui j’ai vu que des éleveurs disaient l’eau qui tombe sur ma prairie serait perdue si elle tombait en ville) Oui on ne peut pas dire ça. Et les pauvres bovins africains il faut les tuer tout de suite. Ils émettent plein de méthane ils ne produisent rien, et pour le coup il faut beaucoup d’eau pour produire la bas. Mais l’eau de la pluie lorsqu’elle tombe sur une foret elle tombe quand même. Par contre quantifier la quantité d’eau d’irrigation pour faire pousser un fourrage pour nourrir un animal c’est autre chose. C’est de l’eau prise dans la nappe phréatique, même globalement recyclée, elle vient en compétition avec le besoin des habitants. Mais si on compte cette eau là, un kilo de viande c’est 200 ou 300 kilo d’eau (500) ca varie avec le type de fourrage et un kilo de blé c’est 200. De toute façon l’animal sera moins efficace qu’une culture primaire. C’est une transformation secondaire, il faut produire des grains ou des fourrages d’abord. C’est un rendement de rendement. L’élevage a des impacts notamment GES, il y a la consommation d’eau, il y a quand même la consommation de surface. Deux tiers des surfaces émergées sont en gros des prairies (une partie transformée en céréale). Le ruminant utilise quand même de l’espace.
Par contre l’élevage de ruminants (plus que de monogastriques) rend quand même des services à la société, c’est un volet dont on ne parle pas dans les médias parce qu’on n’a pas d’indicateurs précis. Et ça c’est des travaux de recherche qui sont en train de commencer sur les autres services de l’élevage. Par exemple il entretient la vitalité des territoires, faites disparaitre les vaches allaitantes ou laitières d’Auvergne et le Massif central se transforme en forêt immédiatement. Plus de vie humaine dans ces territoires, parce que c’est l’élevage qui est à l’origine de la société.
D’un point de vue purement environnemental, ce n’est pas un impact positif ? si le Massif central se retrouve recouvert de forêt ça va permettre de stocker plus de CO2.
Oui mais ça va détruire la biodiversité, là ou il y a de la prairie en termes d’insectes butineurs etc., c’est intéressant. On ne peut pas dire ça. En termes de biodiversité, de beauté de paysage, d’aspect culturel, les fromages d’Auvergne ce sont des choses qui restent dans la culture populaire. Ce sont des points importants pour un type d’élevage. Ce n’est pas l’élevage danois qui rend ce type de services, mais l’élevage français le fait encore. Et il faut se battre pour que les filières conservent ce modèle, quand on discute avec des éleveurs de charolais ils veulent intensifier leur système ils n’ont pas du tout conscience de ce qu’ils produisent quoi. Ils sont un peu payés pour produire ça. La prime herbagère, l’indemnité compensatoire pour les zones difficiles, toutes les aides PAC du second pilier qui vont dans ces régions là je dis l’Auvergne ça peut être les Pyrénées ou les Alpes. En fait c’est une reconnaissance par Bruxelles des services rendus par l’élevage indirectement. Dons il y a quand même tous ces services là, et puis il y a un service qu’on quantifie mal c’est l’emploi aujourd’hui on a vu la crise bretonne avec un abattoir qui a fermé, mais c’est plus d’emploi que Citroën en Bretagne. On ne sait pas bien, justement je préside le GIS élevage demain qui est un GIS qui regroupe l’INRA les instituts techniques du monde l’animal, les interprofessions, des ONG, des établissements d’enseignement supérieur. Pour travailler sur des problèmes un peu prospectifs sur l’élevage, et là on a mis en place un groupe pour quantifier l’emploi. On dit qu’un éleveur fait vivre entre 5 et 7 personnes en France alors qu’un céréalier en fait vivre 1,5. On veut aller au-delà de ces chiffres un peu globaux on veut préciser ce que c’est. Car derrière c’est les abattoirs puis les boucheries. Il y a toute cette chaine qui sans élevage va complétement disparaitre et c’est des centaines de milliers d’emplois à l’échelle de la France. Donc il faut faire attention au discours ne plus manger de viande sous prétexte que ça émet des GES.
J’aimerais revenir sur une question plus technique, au niveau des méthodologies, comme vous procédez ? Est-ce que vous allez voir les élevages directement ? Et est-ce que vous utilisez la méthode de l’analyse du Cycle de vie ? J’ai vu qu’elle était critiquée…
On ne va pas trop voir les éleveurs, on y va un peu mais c’est plutôt le rôle des instituts techniques des chambres d’agriculture. Et nous on travaille avec eux, mais bon on connait les systèmes.
Justement dans tout ce qu’on vient de dire sur l’élevage qui comme beaucoup de choses a des points noirs et d’autres positifs l’idée de l’INRA c’est qu’il ne faut pas condamner la consommation de viande, de toute façon on n’est pas végétarien de nature, c’est comment produire cette viande notamment en Europe d’une façon qui ne soit pas déraisonnable. Ce qui est déraisonnable ce sont les feedlots américains, j’en conviens tout à fait pour différentes raisons, les émissions de GES le bien-être animal. C’est des systèmes soi-disant développés pour être efficace. Les animaux ont un Gain Moyen Quotidien important ils prennent un kilo et demi par jour. Ça c’est une vision de l’efficacité. L’autre vision c’est de dire combien ces animaux mangent de protéines pour grossir et ils en produisent combien ? Un bovin américain intensif il lui faut 2 kilo de protéines consommables par l’homme pour faire un kilo de viande. Le rendement est de ½ ce qui biologiquement est efficace.
Une vache irlandaise qui fait son lait avec de l’herbe, consommation d’ « edible » protéine 0 pour faire la meilleure protéine possible en termes nutritionnels, la caséine, et les protéines du lacto sérum. Je pense qu’il faut que demain on développe des systèmes d’élevage d’animaux notamment des ruminants qui ont l’aptitude de digérer la cellulose ce que l’homme ne peut pas faire, avec ce concept de transformation maximale des protéines. Si on prend l’exemple du Jura, sur le deuxième le premier ou le troisième plateau du Jura il ne poussera jamais de céréales. Il peut pousser que de l’herbe ou de la foret. Si c’est de l’herbe on peut y faire de la viande et du lait, ce qui ne rentre en compétition avec rien. Alors bien sûr ils émettront des GES car pour digérer de la cellulose il faut bien que les bactéries du rumen évacuent l’hydrogène donc on fait du méthane. Développer des systèmes de production raisonnables demain je pense que c’est un enjeu majeur pour l’entretien des territoires et pour avoir un élevage socialement acceptable.
Après l’ACV est pleine de critiques comme toutes les méthodes. On est obligé de faire des hypothèses, notamment sur la partition des couts, soja il y a de l’huile et du tourteau on affecte quoi a quoi ? Ces choix méthodologiques sont toujours critiquables. Ce que je critique de la méthode ACV appliquée à l’agronomie, c’est que c’est une méthode qui vient de l’industrie, qui par définition n’a que des impacts négatifs sur l’environnement, ça a été conçu pour évaluer un processus industriel. L’agronomie c’est plus compliqué, on agrège des quantités négatives avec des hypothèses plus ou moins valables, mais l’ACV n’est pas faite pour quantifier les aspect positifs. Quand je parlais d’élevage et emploi, les technique d’ACV social commence tout juste à apparaitre et on sent que ce n’est pas fait pour.
La méthode ACV elle est intéressante, elle permet de dire combien l’élevage émet de GES, c’est bien d’avoir cette info pour réduire l’impact négatif. Mais il faut faire attention carle domaine agricole a des impacts positifs, qui ne sont pas pris en compte. La méthode doit être complétée.
Il y a beaucoup de chiffres qui sont parfois contradictoires. Par exemple, sur le nombre de kilo d’éq CO2 par kilo de viande produite. Quelles seraient vos chiffres pour la France, les USA, en Europe ?
Par kilo de viande je vais vous retrouver un article. Ça dépend de comment on produit la viande. C’est moins pour des monogastrique parce qu’ils croissent plus vite 5 -6 par kilo de carcasse de porc. Et en bovins on est entre 10 et 15 voire 20 si le bovin est très extensif de montagne. Mais en même temps ce bovins très extensif, système naisseur engraisseur, et comme ça se fait beaucoup à l’herbe et que l’herbe stocke, plus de la moitié de l’émission est re-captée par la prairie. Donc quand on donne un chiffre de 15 ou 20 k d’éq CO2 qui est un résultat ACV on n’a pas pris en compte que la prairie stockait. Personne ne prend en compte le stockage sous prairie parce qu’on sait que c’est très variable, il y a des chiffres qui circulent sur l’efficacité de stockage de 500 kg a une tonne à l’hectare. C’est aussi variable selon les années, les conditions climatiques, et si on compte le déstockage a cause du retournement des prairies. Instantanément un élevage du Massif central ou des Alpes qui fait des bovins allaitant la moitié ou plus de la moitié des émissions du troupeau est pris en compte par le stockage prairie. Et si on fait de la viande de bovin avec une vache qui fait du lait en même temps type normande, là l’émission de gaz à effet de serre est très faible parce qu’on le fait porter sur le lait. Donc là on passe à 4 kilos comme un cochon. Parce que l’animal fait les deux.
Mais ça c’est un choix méthodologique de la répartition entre la viande et le lait ?
Oui c’est ça, on peut répartir sur la base des protéines ou sur la base du prix de vente. On répartit comme on veut mais en tout cas ça se répartit. Le plus logique c’est de le faire sur les protéines. Sur la base des protéines, un kilo de viande normande c’est peu de GES parce qu’elle a fait du lait comme en plus elle fait 6000 litres de lait par lactation elle peut faire son lait avec de la prairie qui va stocker du carbone et donc l’empreinte carbone du lait et de la viande de normande peut être très faible. Par contre l’empreinte carbone d’une vache américaine est globalement élevée. Il faut faire très attention et ce n’est pas parce qu’on intensifie un système qu’on va réduire les émissions de GES. Ce n’est pas si vrai que ça.
On a rencontré des gens de l’association Bleu Blanc Cœur, on a parlé des graines de lin (huile insaturées). A l’INRA vous avez des relations avec quel genre d’acteur ? Participez-vous à des études pour de telles initiatives ? Est-ce que vous rencontrez des acteurs politiques ?
On a tout type de contacts, Bleu blanc cœur au départ c’était Valorex. L’INRA a beaucoup travaillé avec eux en élevage de porcs et de ruminants. D’abord pour l’enrichissement des produits en Oméga 3 et maintenant sur l’effet des oméga 3 de la ration sur la réduction d’émission de méthane. Il y a deux thèses sur le sujet avec un cofinancement INRA Valorex. Donc oui on travaille beaucoup avec les acteurs des filières. Et puis l’INRA travaille avec le monde de l’industrie et de l’alimentation animale, avec le monde de la transformation, avec les ministères. On a beaucoup de travaux d’expertise pour les ministères. Par exemple, l’an dernier j’ai conduit une expertise collective INRA sur les problèmes d’élevage et d’azote. C’était pour le ministère de l’agriculture, qui voulait faire le point sur les problèmes de nitrates et d’élevage. Cette année on a travaillé sur les agricultures a haute performance l’agro écologie proposée par Le Foll: comment proposer des systèmes doublement performants, productif et avec peu d’impact environnemental? On a travaillé sur toutes les filières pour la loi d’orientation agricole, et dans le cas des systèmes laitiers l’INRA recommandent des systèmes laitiers.
Vous travaillez beaucoup avec l’institut de l’élevage j’imagine ?
Oui, d’abord ils sont dans le GIS élevage de demain. Et puis je suis directeur d’unité mixte technique, c’est un projet qui associe les instituts techniques et l’INRA. Et je dirige l’UMT sur les élevage en produit laitiers.
Quelles sont vos relations avec l’Interbev et le CIV?
Le CIV en particulier est chargé de faire de la communication, donc ils prennent leurs chiffres chez nous où à l’institut de l’élevage. On travaille avec les professionnel des filières au sens industrie avec les ministères, avec les interprofessions ce ne sont pas des organismes de recherche on discute avec le CIV le CNIEL parfois ils financent un peu nos recherches. Avec eux on discute de quels sont les problèmes de filières vers ou orienter nos recherches, en ce moment dans l’UMT que je dirige on se demandait qu’est ce qu’il faut faire sur la qualité du lait. La manifestement les professionnel se plaignent d’une recrudescence des phénomènes de lipolyse, éclatement des globules du lait qui donne un gout de rance, le lait n’est plus transformable. Ce problème avait disparu, donc on réétudie ça. Est-ce lié au animaux? à l’alimentation? génétique ? On a lancé un programme de recherche parce que l’interprofession nous a alertée de ce problème. Mais en même temps on travaille beaucoup avec des agences nationales type l’ADEME. Sur les emissions de GES ce ne sont pas les professionnels qui nous demandent de travailler dessus.
Au niveau des financements ça marche comment ?
Financement on a une vision biaisé parce que les salaires sont versés par le gouvernement, donc 85% des couts de la recherche on n’en parle pas. On en parle que des 15 % restant, dans ces 15% c’est très variable une petite partie qui est de la dotation de l’Etat, les chercheurs se plaignent parce que c’est trop faible. Chez nos voisins il faut se chercher son salaire, donc nous on a encore cette chance de ce côté-là. C’est les programmes de recherche européens, ou nationaux, agence nationale de la recherche, les appels d’offre ADEME, les CASDAR [Compte d'Affectation spéciale "Développement Agricole et Rural", instrument budgétaire]. Pour les recherches agricoles c’est plus des partenaires techniques, comme on est en partenariat on en bénéficie un tout petit peu. Les appels nationaux et puis les contrats avec les firmes privées. L’Europe représente encore beaucoup, par exemple je coordonne un projet européen, donc j’ai une grosse somme d’argent pour mon labo pour ce projet, mais il se termine et puis ce n’est pas en hausse les fonds européens. On a une part importante avec l’industrie. Après jusqu’où il faut travailler avec eux ou pas ? Il y a des positions différentes selon les recherches.
Il y a des gens qui pensent que ça pourrait biaiser la recherche ou pas à ce point ?
Non ça ne biaise pas la recherche, la recherche elle est ce qu’elle est, après une fois qu’on a des résultats et qu’on les a publié l’industriel en fait ce qu’il veut. Ce sont plus des positions éthiques. Dans d’autres pays les chercheurs travaillent pour leur industrie, quelque part c’est de défendre l’emploi en France, ce n’est pas un gros mot. Il ne faut pas qu’il y ait que ça mais ça fait partie de la recherche publique que d’aider ses entreprises en leur fournissant nos compétences de recherche et nos résultats en leur montrant les limites des résultats et de leur validité, et en leur disant éventuellement lorsqu’ils vont trop loin avec leur communication. Ça m’est arrivé de leur dire. Ce n’est pas fréquent et on sait bien qu’il y a des partenaires plus sérieux que d’autres donc on travaille plus avec eux. On a des liens historiques avec certains de longue date.
Est-ce qu’à court terme vous préconisez des solutions aux éleveurs pour réduire les émissions de GES ?
Oui, ce sont les travaux qu’on fait, il y a plusieurs pistes de recherches, il y a de la recherche long terme qui est de travailler sur des animaux plus efficaces, c’est de la sélection, là il y a un appel d’offre européen la dessus donc on est en train d’y répondre avec des partenaires d’universités d’Irlande, de Wageningen aux Pays-Bas, d’Allemagne, de Pologne, d’Espagne, on monte un consortium pour travailler sur ces questions-là. C’est des projets de recherche européenne. Il y a des solutions toutes trouvées plus ou moins efficaces : les acides gros poly insaturés, dire il faut maintenir de la prairie chez les ruminants et donc on a convaincu le ministère de ça. Après si il ne donne pas d’aide les éleveurs feront bien ce qu’ils veulent chez eux. Et puis l’autre volet des émissions de méthane qui est pas trop dit au public, il y a tout ce qui est les effluents d’élevage, les lisiers, les fumiers qui sont aussi émetteurs. En gros en élevage laitier c’est un quart.
La solution ça peut être la méthanisation ou bien la façon de les gérer, de les stocker de les épandre dans le champ etc.. 48 :30 Donc là il y a des travaux qui se font aussi dans ce secteur-là. Et qui ont des retombées assez immédiates. Et ça ces des travaux qu’on fait avec l’institut de l’élevage par exemple.
Au niveau de l’épandage des effluents est ce que vous pouvez me parler des méthodes intéressantes ?
Pour les lisiers, les émissions de méthane sont beaucoup par fermentation laitière, donc c’est plus les laitières paillées, il y en a un peu moins avec les lisiers mais ils ont des risques de perte d’azote par évaporation de l’ammoniac essentiellement. Il y a beaucoup de travaux sur ces aspects. Un peu par l’INRA mais beaucoup par l’IRSTEA l’ancien CEMAGREF, c’est un organisme qui travaille beaucoup sur les effluents (aussi des villes).
Couverture des fosses à lisier, ne pas épandre le lisier avec des épandeur qui envoi ça en l’air ou là on émet un maximum d’ammoniac, plutôt de l’injecter dans le sol ou de le répandre à l’aide de tuyaux. Là il y a des solutions qui existent, après les faire accepter par les éleveurs, il faut souvent s’équiper un peu donc ca coute des sous mais le contre argument, c’est que si on évacue pas d’ammoniac dans l’atmosphère on a plus d’azote pour les cultures donc on fait des économies d’engrais azoté. C’est le raisonnement global qu’il faut intégrer.
Au niveau du stockage c’est couverture des fosses pour éviter les contacts avec l’air et avoir des fosses profondes mais pas larges.
Sur le méthaniseur: l’ INRA s’y interesse ?
C’est l’IRSTEA qui s’intéresse a ces questions: les rendements de la méthanisation etc.. Nous ce qui va nous intéresser à l’INRA et on est en train de monter des équipements sur le centre de rennes pour travailler sur l’utilisation des effluents du méthaniseur et pour regarder ce que le méthaniseur fait à l’échelle de l’exploitation ou du groupe d’exploitation. En terme de production d’énergie, d’économie d’énergie globalement sur l’exploitation, d’utilisation des effluents, de fonctionnement de l’exploitation. Mais c’est pas le processus de méthanisation en tant que tel. Nous c’est comment on intègre un méthaniseur dans la vie d’une exploitation.
Il y a beaucoup d’implantation de méthaniseurs en Bretagne notamment avec le plan méthaniseur.
Pourquoi notamment en Bretagne ?
C’est parce que en Bretagne c’est la gestion des effluents, avec les problèmes de nitrate des algues vertes. Mais le méthaniseur ne résoudra rien la dessus, car l’azote reste, il fera de l’énergie. Mais on peut se servir de l’énergie pour déshydrater des lisier et après les exporter ailleurs qu’en Bretagne et d’aller remettre l’azote ailleurs. Demain il y a une réunion à la FNSEA on va discuter de ça.
Et niveau environnement connait on le coût d’une telle opération ?
Pour le coup l’ACV est une méthode bien adaptée pour étudier ca. La on est vraiment dans un process industriel, on est plus dans de l’agroécologie mais dans de l’écologie industrielle. Mais, si on prend par exemple ce problème d’azote d’algue verte en Bretagne lié a l’élevage il y a deux façons de résoudre le problème. Jamais la France n’a pris le taureau par les cornes. Soit on dit il y a trop d’élevage en Bretagne et il faut le répartir ailleurs, par exemple il n’y a plus d’élevage dans le bassin parisien. Les cochons peuvent revenir à Chartres il y a du blé pour les nourrir a côté. Ca ca ne se fera pas, pour des raisons d’économies de concentration des filières. Les filières sont plus efficaces quand elles sont concentrées. Si l’élevage est concentré vers la Bretagne il y a des raisons purement économiques. Remettre de l’élevage ailleurs c’est pas possible économiquement sauf si l’Etat paye très cher et il n’a pas les moyens. Mais on peut exporter les effluents ailleurs, pour refaire une espèce de polyculture élevage, pour faire simple, entre la Bretagne le bassin parisien. D’autant plus que le bassin parisien a besoin d’engrais azotés mais aussi phosphatés. Que les sols bretons regorgent de phosphate parce que les lisiers sont trop riches en phosphate et on retrouverait un équilibre agronomique en faisant des transports de lisier entre la Bretagne et le bassin parisien. Peut être qu’énergitiquement ce n’est pas très intéressant mais avec la méthanisation ca peut être neutre. Mais en tout cas ca permet de maintenir 500 mille emploi en Bretagne qui disparaitraient. Pour l’intérêt environmental il faut faire une ACV là-dessus et puis une étude prospective. C’est bien le genre d’étude que j’aimerais coordonner.
Aujourd’hui l’élevage est attaqué de pas mal d’endroits pour des bonnes et des moins bonnes raisons mais si on veut maintenir une activité d’élévage en France, rémunératrice pour les éleveurs, qui crée de l’emploi en France et qui crée de la richesse parce que c’est des filières qui ont une balance commerciale positive, sauf lez viandes porc et volaille depuis 2 ans. En porc on exporte des carcasses mais on importe des morceaux d’Allemagne. Donc en fait la balance commerciale est négative de 5 ou 600 millions d’euros en 2013. Par contre en lait on exporte 3,4 milliard donc c’est la motié des céréales a peu près et un tiers à un quart du vin. Donc c’est non négligeable. Si on veut maintenir ca il faut vraiment réfléchir a quel modèle d’élevage on veut demain en France, où se fera cet élévage avec quel type de production, quel type d’éleveurs, quel type de fermes. Il y a vraiment un très gros enjeu et un très gros sujet de recherche.
Est-ce que vous voyez un engouement dans le monde de la recherche pour ca ?
Les chercheurs sont surement intéressés par ca. Ca dépend des quels, il y en a qui sont dans des aspects d’étude de biologie moléculaire ce n’est pas leur problème. Mais il y a des zootechniciens comme moi qui sont très intéressés. Les filières commencent à se poser des questions et a s’intéresser alors qu’avant c’était un sujet tabou pour elles, là elles voient qu’il y a un vrai problème et qu’il est temps de s’y attaquer. Donc oui le monde la recherche s’y intéresse de plus en plus.
Il s’y intéresse dans une autre voie, qui est le régime alimentaire de l’homme quelle quantité de viande il nous faut pour un régime sain et durable est ce qu’on mange trop de viande ou pas. Ces questions sont étudiées en partie à l’INRA. Les conclusions pour l’instant c’est de dire, on peut manger moins de viande il n’y a pas de soucis, je pense que globalement on en mange largement assez, on en mange pas à un niveau tel pour que ca soit négatif pour notre santé. Contrairement aux Américains qui ont des niveaux de consommation bien supérieurs à nous. Par contre ce qu’il faudra réussir a éviter c’est tout ce qui est perte et gaspillage, notamment dans les produits viande et produits laitiers parce que ca coute très cher. Si on jette un morceau de pain on jette une petite surface mais lorsque jette un yaourt quand on voit tout ce qu’il a fallut comme surface pour nourrir la vache qui a fait le yaourt on gaspille beaucoup. Et là il y a des marges de progrès énormes.
A ce propos on a rencontré des gens des abattoirs d’Intermarché qui nous expliquaient qu’ils avaient fait la première initiative de grande envergure en France pour récupérer ce qui était inutilisable sur les carcasses de bovins, et qu’ils l’utilisaient pour produire du biocarburant. Etes-vous familier avec ce genre d’initiatives ?
Non, mais je sais que ça peut ce faire.
Est-ce que vous avez des études sur l’intérêt écologique de telles initiatives ?
Comme de toute façon ça allait être jeté ça ne peut être que positif. Mais il n’y a rien de chiffré. Mais ils ont dû faire une ACV de leurs abattoirs et montrer que c’est intéressant. Ces graisses issues des abattoirs fermentent très bien au méthaniseur. Je pense que en bilan énergétique c’est intéressant.
Il y a beaucoup de grande installation de méthaniseur, qui méthanise les effluents des effluents autour et ce qui revient de l’abattoir de la ville.
Ça serait une solution pour permettre aux petites fermes de méthaniser sans en avoir un sur place ?
Ca pose des questions oui. Un petit méthaniseur sur l’exploitation pose des problèmes au fermier, un méthaniseur de taille industrielle que l’on installe a côté d’un village ca pose des questions d’acceptabilité sociale. Vu du point de vue de ces gens, ils ne voient que des inconvénients, problèmes d’odeur, camions qui n’arretent pas de passer sur les routes, risque d’explosion, et face à ca un public d’éleveurs qui eux n’ont que des avantages. On a une catégorie de population qui n’a que des avantages et une autre qui n’a que des inconvénients. Ca ne peut pas marcher et ca a été découvert par les sociologues au moment des plans d’épandage à Redon. Des problèmes d’excès d’azote dans les années 95-2000, un groupement d’agriculteurs qui à décidé de faire un plan d’épandage collectif sur une grande zone à côté de Redon. Leur dossier était impeccable d’un point de vue agronomique. On récuérait les effluents on les mettaient sur les cultures. On avait une balance agronomique parfaite. Les éleveurs qui voyaient partir leur lisier étaient contents et ceux qui le recevaient sur leur parcelle aussi. Sauf qu’ils avait oublié que les gens à Redon ne voulaient pas voir passer des tracteurs qui puaient à longueur de journée et le plan n’a jamais vu le jour. Donc ces aspects là sont importants. Et j’ai la crainte qu’en voulant développer des méthaniseurs de grande taille on ai ce genre de problèmes. Il y en a un dans le sud Mayenne il y en a un à Angers, et on a le même mouvement de refus de la collectivité alors que les méthaniseurs en ferme non.
Est-ce qu’il vous arrive d’être contacté par des associations de consommateur ? On a du mal nous à voir l’avis du consommateur.
Non les agences de consommateurs on a du mal à les toucher, 60 millions de consommateurs, Que choisir, et tout ca. Par contre les gens avec qui on a des relations c’est les ONG. France Nature Environnement, Eau et rivière de Bretagne etc.. Ce sont des gens qui travaillent ou qui viennent discuter avec nous. Les discussions ne sont pas toujours simples, ils ont des idées très arrêtées.
De toute façon l’INRA travaille pour la société francaise, on est pas un organisme qu’agricole. Nous travaillons sur l’agriculture, l’environnement, et l’alimentation. On a le producteur, le citoyen et le consommateur. Travailler avec le consommateur on le fait indirectement avec les suivis de panel dans les grandes études. Mais c’est pas facile d’avoir vraiment des discussions avec les représentants des consommateurs.
A quoi est-ce lié ?
Je ne sais pas bien, on va mettre ça sur le manque de temps de leur représentants. On arrive à discuter avec certaines personnes de la grande distribution. C’est plus facile avec Papin (Super U) qu’avec Michel Edouard (Leclerc). Carrefour et Intermarché on arrive aussi, c’est des gens qui viennent nous voir parce qu’ils ont des idées pour faire des produits démarqués et veulent voir l’expertise de l’INRA et voir si leur truc tient la route agronomiquement.
On a aussi l’impression que c’est un sujet qui est difficile à aborder politiquement, les Verts par exemple ne disent pas grand-chose de très précis. On a l’impression que politiquement c’est dur à porter. Voilà est ce que vous souhaitez ajouter quelque chose ?
Non, on a déjà bien abordé la question de l’élevage et des GES. Mais moi j’insiste que les GES c’est un angle d’attaque et qu’il y en plusieurs d’autres. Et il n’y aura pas une solution avec un seul point de vue. Il faut se méfier du discours simpliste qui est de dire on va intensifier ce qui va permettre de moins émettre par unité produite, ce qui est faux, je vous ai donné l’exemple du lait et de la viande, et l’efficacité globale. Et ce sont des raisonnements qui disent un kilo de viande coute tant en GES en surface en eau, on oublie toujours que l’animal est lié à une surface et que le fait qu’il soit lié à une surface c’est des cycles biologiques, et qu’on ne peut pas regarder qu’une partie du cycle pour évaluer réellement le système.
On va mener un travail au GIS élevage demain sur les controverses liées à l’élevage, mais on rentre avec un angle plutôt acceptabilité de l’élevage. En France dès l’instant où un éleveur veut s’installer ou s’agrandir il y a un refus des voisins, pourquoi ce n’est pas comme ça en Allemagne ou au Pays-Bas. En Allemagne ils construisent des grands abattoirs, des grands poulaillers, des grandes bâtisses pour mettre des vaches laitières, il n’y a pas eu de mouvement de société. Chez nous ce n’est pas possible quand on voit une étable de 1000 vaches dans le nord de la France ca fait la une du 20h. Quand on discute avec nos collègues allemands ils ne comprennent pas qu’on refuse ça en France et pourtant on refuse, donc on essaye d’étudier cette dimension sociologique et comment ça crée les controverses. La conclusion du travail c’est que les controverses en élevage c’est souvent l’environnement, l’azote beaucoup plus que les GES en France. Parce que c’est les algues voila. Ensuite c’est le bien-être animal avec un discours où les acteurs de la controverses ne s’entendent pas. Il y a le monde de l’élevage qui dit mais regardez on fait tout ce que la réglementation nous demande et on investit même beaucoup donc voila nos animaux, faites toutes le prises de sang que vous voulez, nos animaux sont biens. Et il y a les gens des ONG qui disent non parce que le bien-être animal est au-delà de la réglementation. On étudie donc un petit peu ça. Et la controverse finale c’est de ne plus manger de viande, c’est la controverse qui rassemble toute les autres. Quand on des problèmes de bien-être animal des problèmes de GES, la conclusion c’est qu’il ne faut plus manger de viande surtout que dans notre société il y a une modification du statut de l’animal. D’abord on a un groupe de personnalités célébres qui veulent que le statut de l’animal soit reconnu, mais même dans le subconscient des gens ca a changer. Il y a 50 ans tuer le cochon à la ferme c’était une fête, aujorud’hui personne ne voudrait assister à ça. On veut même pas voir comment ca se passe dans l’abattoir.
On est la 2ème ou 3ème génération qui ne vit plus à la campagne, on a des animaux de compagnie, on a quasiment des animaux qui sont des xénogreffes, qui vont sauver la vie de l’homme. Autant je trouve que les émissions de GES, les pollutions par les nitrates la consommation d’eau, tout ce qu’on a dit de négatif sur l’élevage, je pense que ce sont des discours qui si on éduque un peu les gens ils vont comprendre autant la question du statut de l’animal est un vrai enjeu pour l’avenir de l’élevage européen mais aussi mondial.
Je vous remercie.
Il n’y a pas de quoi.