Jacques Boutault a mis en place depuis 2009 un repas végétarien hebdomadaire dans les cantines scolaires de son arrondissement.
Verbatim
Pour quelles raisons avez-vous mis en place ce projet de repas végétarien ?
J’ai mis en place ce projet pour quatre raisons.
Tout d’abord, une raison environnementale. On connait aujourd’hui les conséquences de la production industrielle de viande sur l’environnement notamment concernant la production de gaz à effet de serre et de méthane et concernant l’espace nécessaire pour la production de viande. Pour fabriquer une protéine animale il faut dix protéines végétales. Ensuite, pour une raison de santé. Aujourd’hui, nous avons une alimentation trop carnée ce qui induit des maladies cardio-vasculaires, de l’obésité, voire parfois une certaine forme d’asthme. Des raisons de considération de bien-être animal. Il suffit d’avoir vu quelques films sur la façon dont sont traités les animaux dans les laboratoires, ce n’est pas digne de l’être humain. Enfin, pour des raisons éducatives. Il n’existe pas une seule manière de s’alimenter mais il y en a plusieurs et on peut faire un bon repas, avec tout ce qui peut-être nécessaire comme vitamine, mais sans viande. Cela créé de la diversité.
Quelles ont été les réactions des habitants, des parents ? Cette initiative provient-elle d’une demande ? Y-a-t-il eu des critiques ?
Nous avons eu des demandes, bon pas de manifestations près de la mairie pour faire des menus végétariens, mais il y a eu une approche et un soutien. Les parents comprennent bien pourquoi on le fait, vous savez on le fait depuis janvier 2009 et aujourd’hui le repas végétarien est considéré comme un repas comme un autre. Aujourd’hui les parents nous créditent d’effort pour la qualité alimentaire des menus qui sont servis à leurs enfants. Et ils savent qu’un menu sans viande peut-être très complet et très apprécié au même titre que les autres. Par exemple, je suis allée déjeuner dans des restaurants scolaires, c’était le mardi à l’époque mais aujourd’hui c’est le jeudi car on a voulu s’associer au jeudi veggie. J’allais dans les restaurants scolaires en invitant les parents d’élève à venir goûter avec leurs enfants. Faire un bon repas qui redonne des forces sans forcément manger de la viande rouge. J’ai tout de même rencontré l’opposition d’une directrice d’école. Le seul argument de cette directrice d’école était « vous nous empêcher de manger de la viande un jour par semaine » et je lui avais dit « mais je vous oblige à manger de la viande tous les autres jours, cela ne vous choque pas ». Cette notion de contrainte n’est pas recevable.
Est-ce que vous considérez que manger de la viande fait partie de notre culture, ce qui expliquerait certaines réactions de protestations ?
La viande dans l’alimentation française est apparue très récemment donc ce n’est pas vraiment une question d’histoire. Jusque-là fin de la première guerre mondiale, 80% des paysans landais mangeaient de la viande au mieux une fois par semaine. Aujourd’hui sur 1 repas par semaine on ne va pas en manger. Je ne pense pas que cela fasse partie de la culture française qui au contraire est très végétarienne. Je crois plutôt que c’est un développement de l’industrie agro-alimentaire qui fait que pour écluser les excédents agricoles on fait ingurgiter de la protéine animale à haute dose. La publicité, les modes de vie véhiculés par les grands médias y contribuent beaucoup. On assimile, par la publicité, les laitages à un aliment participant à une bonne santé. Pour prendre le problème à l’envers, je crois que, par exemple, si les Anglais sont plus sensibles à la question du végétarisme c’est parce que, avec le Commonwealth, ils ont été en lien avec des populations qui continuaient à avoir très peu de protéines animales voir pas du tout. Il y a le fait aussi qu’on est réputé à tort ou à raison à la nation de la gastronomie et on n’imagine pas que ce soit une gastronomie sans bidoche. Mais je crois qu’on progresse beaucoup et les générations qui viennent, si les pouvoirs publics font œuvre d’éducation et ont pour intérêt l’intérêt de l’enfant et non pas celui des exportations de l’agro-alimentaire, on ferait des politiques publiques qui aillent dans le sens de l’intérêt des consommateurs et particulièrement des enfants.
Le monde politique s’intéresse-t-il vraiment à cette question ? Pensez-vous que les pouvoirs publics devraient plus intervenir pour aider cette modification de l’agriculture ?
Moi vous savez si je suis écologiste c’est je pense qu’il faut agir local et penser global. Vous savez que les écologistes défendent la culture paysanne, la culture bio, riche en main d’œuvre mais pauvre en phytosanitaires, des petites unités de production. Ils défendent aussi le bien-être animal et donc la petite production d’élevage. Oui, bien-sûr les pouvoirs publics devraient encourager cette mutation de l’agriculture en France vers une agriculture de qualité qui protège les consommateurs et la santé des agriculteurs. Les taux de cancer des exploitants agricoles sont énormes, le taux de prévalence des cancers chez les agriculteurs est largement supérieur au taux normal comme le montre le docteur Belpomme.Les rapports qu’on peut voir dans le milieu écologiste, après c’est des questions de conviction, moi j’ai la conviction qu’il faut revenir au naturel et chasser l’artificiel. Aujourd’hui on a une politique qui fait à la fois de l’agriculture intensive et extensive. Intensive car les aides aux cultivateur sont calculées au rendement à l’hectare. Aujourd’hui, plus vous êtes gros plus vous êtes aidé. En matière d’aide aux agriculteurs qui mutent en bio il y a très peu de choses qui sont faites. Oui, il faut aider les agriculteurs qui font une agriculture vertueuse pour l’environnement. Il faut vraiment aider les agriculteurs vertueux mais il faut aussi que ceux qui polluent paient le prix de la pollution et notamment de l’eau qu’ils consomment. Ma difficulté c’est que moi je ne suis pas ministre de l’Agriculture, je suis maire d’un arrondissement et dans le cadre de mes responsabilités qui sont liées au fait de nourrir les enfants dans la cantine, je vais de mon mieux sur ce maillon de la chaîne. Le parti a une position très cohérente sur cette question.
Pensez-vous qu’il existe un lobby agricole qui empêche le gouvernement d’agir ?
Le lobby agricole est extrêmement puissant et influence les politiques. L’idée est que la France est une puissance agricole, l’agriculture doit nourrir le monde. Il y a des gros éleveurs de viande qui font que changer les choses est très compliqué. Sans doute il y a aussi des gens qui sont pris dans des systèmes dans lesquels ils ont énormément de mal à sortir. Quand on est endetté mais quand on prend conscience que notre manière de produire est néfaste à l’environnement mais qu’on ne peut pas changer car on a besoin d’un revenu. Je pense que, avec le temps, on se rendra compte qu’il faut revenir à la raison et que l’expansion et la croissance des rendements a atteint ses limites.
Que pensez-vous de l’agriculture intensive ?
Il y a une étude qui a été faite par l’INRA qui démontre la supériorité de l’agriculture traditionnelle par rapport à l’agriculture biologique. Ils disent « oui parce qu’on a observé dans notre étude que les rendements de l’agriculture conventionnelle étaient bien supérieurs aux rendements de l’agriculture biologique ». Le problème n’est pas là, évidemment qu’une agriculture dans laquelle on déverse des produit sanitaire elle a plus de rendement. Mais, après les conséquences de ça c’est quoi, c’est que les gens sont malades. L’agriculture intensive créée des problèmes dans les paysages notamment par l’éradication des haies et de la biodiversité qui sont colossales. Bien-sûr elle est plus rentable et plus intensive, c’est comme si on mettait sur une ligne de départ un vélo et une voiture, c’est sûr que la voiture va gagner.
Qu’est-ce que ce seraient les paysages et la biodiversité si on avait une agriculture partout intensive type à l’américaine où on écrase tout. Comme il y a plus rien et plus de biodiversité, on est obligé de traiter énormément. Et comme l’agriculture est intensive eh bien les sols sont compléments épuisés et si on ne met pas les engrais chimiques nécessaires pour que les choses poussent.