Instaurer un péage urbain pose également la question de son financement. Une fois le type d’installation choisi, les autorités en charge du projet doivent réfléchir d’une part au prix qui sera appliqué et d’autre part aux conditions de son application (seuls les véhicules polluants, les non-résidents, toutes les personnes entrant dans la ville, etc.). La réponse à ces questions est naturellement fonction de la rentabilité économique ainsi que du but ultime du péage urbain.
Quelle qu’elle soit, l’installation d’un système de péage urbain est très coûteuse, comme le témoigne Mathieu Glachant, directeur du CERNA, le centre d’économie industrielle à MINES ParisTech. De même, les frais d’exploitation d’un tel système sont très élevés, à l’image du péage urbain de Londres qui s’avère n’être que peu rentable[1].
Pour qu’un péage urbain demeure rentable, il est également nécessaire que la circulation routière reste suffisante pour permettre un apport confortable de revenus. Or, si le péage est efficace, la circulation diminue donc les revenus sont de plus en plus faibles ce qui nuit à la rentabilité du projet.
le concept du péage urbain peut alors poser un problème d’ordre éthique : à quoi bon mettre en place une mesure qui vise à réduire la circulation routière si son maintien nécessite justement une certaine circulation ?
Les partisans politiques d’une telle mesure tels que M. Bournazel et M. Nègre de l’UMP répondent qu’il permet justement d’atteindre un trafic dit d’équilibre suffisamment bas à partir duquel le péage urbain ne sera plus nécessaire.
D’autre part, la rentabilité du système de péage urbain au fur et à mesure de la diminution de trafic peut également être assurée par une augmentation linéaire des prix d’entrée ce qui aurait pour conséquence néfaste de renforcer les inégalités sociales[2].
Même si – nous venons de le voir – la rentabilité économique d’un tel projet n’est pas chose aisée, elle n’en est pas pour autant impossible, comme en témoigne l’exemple du péage de Stockholm.(voir notamment l'article Stockholm tire tous les bénéfices de son péage des Echos) Se pose alors la question suivante : que faire des profits générés ou plutôt comment les réinvestir ?
Remonter en haut de la pageSi les recettes perçues par le péage urbain permettent en premier lieu le remboursement des installations dudit péage, les fonds excédentaires peuvent être réinvestis de diverses manières.
Mais poser la question du réinvestissement des fonds collectés implique de s’intéresser également à la suivante : le péage urbain doit-il être vu comme une fin ou comme un moyen? C'est sur cette question sensible que les scientifiques du Laboratoire d'Economie des Transports de Lyon ont fourni de nombreux travaux.
Dans le premier cas, il serait considéré comme une mesure permettant à terme de réduire considérablement la circulation en ville. Tandis que les opposants (parti communiste et détracteurs du PS) le voient alors comme une mesure punitive et créant des inégalités spatiales et sociales, ses défenseurs le considèrent comme un vecteur de changement des habitudes de transport voire même de « révolution des transports » (Pierre-Yves Bournazel). On distingue globalement deux solutions alternatives pour le réinvestissement des fonds.
Une enquête menée dans les années 2000 par les scientifiques Gehlert, Kramer, Nielsen et Schlag[3] auprès des habitants de villes en passe d’adopter ou disposant déjà d’un péage urbain révèle que ces derniers préféreraient voir les revenus des péages urbains réinvestis dans des programmes visant à améliorer le trafic urbain plutôt qu’à diminuer les taxes.
Le but du péage urbain serait alors d’empêcher une certaine catégorie de véhicules de circuler (véhicules polluants, anciens, etc.) mais surtout de permettre des investissements qui n’auraient pas pu être simplement financées par les collectivités territoriales. Les projets peuvent être d’ordres diverses :
Comme nous l’avons vu précédemment, le péage urbain a l'avantage de pouvoir développer les transports en commun grâce aux revenus créés."Le péage urbain rapporte de l’argent aux collectivités qui réutilisent cet argent pour développer les modes de transport collectif mais également pour financer les installations. D’une part, le péage urbain décourage la circulation automobile et d’autre part il finance les transports collectifs (Jean Sivardière, président de la FNAUT).
Et ceci peut se manifester sous plusieurs formes. Si le réseau est suffisamment développé, celui-ci peut faire l’objet d’un renouvellement afin de le rendre plus confortable pour tous ceux qu'il transportent ou d’une optimisation afin qu’il devienne plus efficace.
Pour les défenseurs du péage urbain, cet argument est l’un des plus mis en avant à l’image de Louis Nègre, député des Alpes Maritimes : « Grâce [aux péages urbains] […], les recettes permettent de financer les transports en commun et on fait baisser la pollution atmosphérique, responsable de 30000 morts prématurées en France chaque année ». En effet, la qualité du service de transport proposé est très importante pour l’acceptabilité du péage.
Bien plus encore, le péage urbain peut être un outil permettant de changer les habitudes de déplacements voire de lancer une « révolution des transports » et de passer à des modes de transport bien plus écologiques[4].
Pour les opposants du Parti Communiste, il faut d’abord renforcer le réseau de transports en commun et le rendre plus accessible (voire envisager une gratuité, selon Ian Brossat[4] du Parti Communiste) avant de mettre en place un péage urbain. Pour eux, les péages urbains ne font qu’indiquer l’échec de la politique de déplacement. De plus, un réseau de transport déjà saturé freine considérablement l’implantation d’un péage urbain.
Ainsi, selon Jean-Marc Ayrault, ancien Premier Ministre du PS, il vaut mieux un excellent réseau de transport en commun en site propre qui dissuade la circulation en centre-ville.
Remonter en haut de la page1. ↑Charles RAUX, Stéphanie SOUCHE, Damien PONS. The efficiency of congestion charging: Some lessons from cost–benefit analyses”. Research in Transportation Economics, Volume 36, Issue 1, September 2012, Pages 85–92
2. ↑Theodore Tsekeris · Stefan Voß. Design and evaluation of road pricing: state-of-the-art and methodological advances. Netnomics, Volume 10, Issue 1, 2009, Pages 5-52
3. ↑ Tina Gehlert, Christiane Kramer, Otto Anker Nielsen, Bernhard Schlag. Socioeconomic differences in public acceptability and car use adaptation towards urban road pricing. Transport Policy, Volume 18, Issue 5, September 2011, Pages 685-694.
4. ↑ A.M., Créer des péages urbains aux portes des grandes villes, est-ce réellement efficace pour réduire le trafic automobile ?, L’Humanité, 3 juillet 2010. Référence: news·20100703·HU·39487