La profonde impopularité du péage urbain n’incite pas les politiques à prendre des décisions en faveur de son implantation. Soucieux de leur électorat, ils ne prennent pas forcément le risque d’une mesure rencontrant aussi peu d’engouement auprès des électeurs, ce qui bloque profondément les décisions vis-à-vis des implantations effectives de péage et ralentit les prises d’engagement.
Les articles scientifiques de notre corpus s’attardent longuement sur l’acceptabilité citoyenne, tandis que la presse détaille les points de vue des élus. C’est lors de nos interviews que nous avons vu le lien profond entre ces deux thématiques : l’importance du risque pris par les élus.
Nous avons pu parler avec des élus locaux, faisant ou non partie de l’opposition. A plusieurs reprises, ils nous ont parlé de la logique de réélection, souvent critiquée : le courage des nouveaux investissements est souvent revenu dans le débat, de par sa nécessité pour se défaire « du système figé qui ne fonctionne plus ».
Cette observation est revenue à de nombreuses reprises lors de nos interviews, notamment dans celles de Pierre Yves Bournazel et du président de la FNAUT, que vous pouvez consulter ici.
Souvent, cette observation est en lien avec la publication et la mise en vigueur de la loi Grenelle 2, autorisant l’expérimentation des péages urbains. Avant 2010, l’interdiction par la loi de l’expérimentation était l’argument principal des élus locaux pour ne pas instaurer de péage urbain, même s’ils s’affirmaient favorables à l’implantation d’un tel dispositif. Cependant, en 2015, alors que l’autorisation a été donnée il y a maintenant 5 ans, on dénote une certaine inertie dans la prise de décision concrète : les cas d’expérimentation sont quasi-inexistants en France. Certains politiques se réfugient derrière les limitations imposées par la loi Grenelle 2 (ville de 300000 habitants au moins par exemple) ou invoquent de nouveaux prétextes pour ne pas prendre de mesure concrète concernant une expérimentation dans leur ville. C’est ce qu’a dénoncé le président de la FNAUT dans son interview, en prenant l’exemple du maire de Grenoble dont il connaissait l’avis favorable au péage, avis qui n’a pas donné suite à une réalisation après la loi Grenelle 2.
"Pendant très longtemps, les élus nous disaient qu’ils étaient pour le péage urbain et qu’ils attendaient un changement dans la législation pour pouvoir implanter un péage urbain jusqu’au moment où la loi Grenelle 2 a été votée et a légalisé le péage urbain. Mais le problème des élus est qu’ils veulent être réélus. Des maires qui se sont battus pour le péage urbain ne l’installent pas car ce n’est pas populaire. Les collectivités locales n’ont pas de courage." (Jean Sivardière, président de la FNAUT)
Cette réticence à la concrétisation d’une implantation, alors même qu’ils s’y étaient dit favorable, semble en fait une conséquence de la non-prise de risque de politique : la peur d’un électorat déçu ou en colère semble décourager nos politiques. Le mot courage semble s’imposer pour convaincre les politiques de prendre des mesures en faveur du péage urbain, malgré sa forte impopularité, à l’instar du maire de Londres qui est allé à la rencontre des usagers.