Nous avons ensuite cherché à identifier les principaux acteurs de notre controverse. Le schéma suivant résume la place des différents groupes de personnes auxquels ils appartiennent.

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Les psychiatres sont, parmi les personnes qui s’occupent spécifiquement des maladies psychiques et donc de la dépression, les seuls habilités à prescrire des médicaments. Ce sont donc eux qui vont en priorité prescrire des antidépresseurs. Ils sont donc, pour la plupart et avec certaines réserves, en faveur de leur utilisation.

Parmi ceux-ci, nous avons en particulier entendu parler de Jean-Pierre Olié, psychiatre à l’hôpital Sainte-Anne (Paris) et membre de l’Académie Nationale de Médecine, favorable à l’utilisation des antidépresseurs lorsqu’ils sont correctement prescrits par les médecins. Un autre nom est souvent revenu dans nos recherches. Il s’agit de Michel Lejoyeux, psychiatre à l’hôpital Bichat (Paris), qui dénonce une prescription abusive d’antidépresseurs.

Nous avons également eu la chance d’avoir un entretien avec Marie-Dominique Dufresne, qui est psychiatre et psychanalyste à Grenoble. Pour avoir son avis sur notre problématique, nous vous invitons à lire notre entretien avec elle.


Les psychologues et psychanalystes sont directement en lien avec les patients mais ne sont pas habilités à leur prescrire des antidépresseurs.

Parmi les psychologues, nous avons identifié un nom récurrent dans la littérature : il s’agit d’Irving Kirsch. Celui-ci est professeur en psychologie à Harvard. Il a collaboré à l’écriture de La vérité sur les médicaments avec 11 autres experts internationaux, dont Mikkel Borch-Jacobsen. Il a également écrit Les antidépresseurs, le grand mensonge, dans lequel il  soutient que les médicaments de type Prozac n’ont guère plus d’efficacité que des vulgaires placebos, les effets secondaires en plus.

Un autre nom revient souvent dans la presse, celui d’Yves Dalpé, psychologue, qui écrit des articles de presse contre les antidépresseurs en insistant sur l’importance de l’effet placebo. Nous avons eu la chance d’avoir un entretien avec ce psychologue québécois, auteur de la chronique Le coin du psy.

Les généralistes sont également directement en contact avec les patients, et peuvent leur prescrire, comme les psychiatres, des antidépresseurs. Cependant, leur fonction n’est pas avant tout de traiter les patients atteints de troubles mentaux. Il est donc intéressant de comparer leur prescription ainsi que leur avis concernant les antidépresseurs avec ceux des psychiatres. Le diagnostic des médecins généralistes nous a également semblé intéressant.

Les chercheurs travaillent généralement pour des entreprises privées et sont reliés principalement au rôle chimique du médicament. Ils n’ont parfois aucun contact avec le patient. Leur rôle est important en ce qui concerne l’efficacité des antidépresseurs ainsi que leur prescription. Il est également intéressant de considérer leur attitude face à la politique de l’entreprise. En effet, le fait que leur domaine d’expertise soit scientifique ne les exclut pas forcément des stratégies économiques de l’entreprise.

Les journalistes permettent aux lecteurs, grâce à leurs articles, d’avoir accès à des informations concernant les antidépresseurs (souvent des études scientifiques). Il nous a été intéressant de constater que les journalistes étaient globalement contre les antidépresseurs, alors que l’avis de la population ne semble pas être aussi défavorable envers ces médicaments.

Parmi les journalistes, le plus connu en ce qui concerne les antidépresseurs est Guy Hugnet. Il collabore dans ses articles avec Le Point, Sciences et Avenir et Santé Magazine. Il est également l’auteur d’enquêtes sur la santé et les médicaments pour la télévision et la presse écrite. Il a enfin écrit trois ouvrages, dont le dernier s’intitule Antidépresseurs : mensonges sur ordonnance. Son avis est ainsi conforme à celui de la plupart des journalistes : Guy Hugnet n’est pas favorable aux antidépresseurs.

Les laboratoires pharmaceutiques sont les fabricants d’antidépresseurs. Il peut sembler pertinent de se demander s’ils ne privilégient pas le respect de leur politique interne par rapport au bien-être de leurs clients (voir à ce sujet notre entretien avec Yves Dalpé). D’après une enquête du Point (« Le grand mensonge des antidépresseurs », J.-M. Décugis, C. Labbé et O. Recasens, 10 décembre 2009),  « les firmes pharmaceutiques ont mis sous le tapis les effets secondaires et survendu l’efficacité de leurs pilules ». Ce n’est évidemment pas un avis objectif, mais cela peut donner une idée de la manière dont ces laboratoires sont perçus par la population.

Les associations de patients se mobilisent et donnent leur avis sur les antidépresseurs. On peut citer par exemple ABP, l’Association Bipolaire Provence qui a pour but de créer un lieu de rencontre entre les personnes atteintes de troubles bipolaires et leurs familles afin de les conseiller et de les informer. Cette association a un avis partagé sur la question des antidépresseurs : elle justifie leur utilisation dans le cas d’une dépression sévère mais recommande une surveillance médicale stricte.