Corentin : Dans les différents articles de vous que nous avons pu lire, vous semblez répandre l’idée que les antidépresseurs sont sur-prescrits, ne sont pas assez efficaces et sont mal utilisés. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus à ce sujet ? Qu’est-ce qui vous fait penser que les antidépresseurs sont mal utilisés ? Que préconisez-vous à la place ?

Yves Dalpé : C’est tout une question que vous me posez là ! Ce qui m’amène à penser ça, c’est à la fois mes recherches du côté des publications scientifiques sur les antidépresseurs, et puis aussi mon expérience comme psychologue clinicien, en rencontrant des gens à la journée longue. Malheureusement, je pense que la plupart du temps, on s’imagine traiter les problèmes de l’âme, si vous voulez, avec des moyens chimiques et je pense qu’on fait souvent fausse route.

Corentin : Et dans ce que vous dites, il y a deux dimensions : d’un côté, vous vous posez la question de savoir si on peut traiter ce genre de problèmes de manière chimique mais pour moi on peut séparer ce problème en deux parties : il y a d’une part le fait de savoir si on peut apaiser la douleur, au moins ponctuellement, via un moyen chimique, et d’autre part le fait de savoir si on peut réellement guérir le mal à la racine, par ces moyens-là. Qu’est-ce que vous pensez de ces deux points séparément ?

Yves Dalpé : C’est que, écoutez, sans doute que ça peut aider certaines personnes, la question de l’approche chimique mais si vous regardez comme il faut les chiffres, les statistiques qui sont publiées même par les compagnies pharmaceutiques, vous allez voir que c’est loin d’être ce que les gens s’imaginent, comme efficacité ! L’efficacité, quand elle est reconnue, non ? On dit que par exemple ça peut limiter les symptômes, on ne parle pas de la racine du problème, ça peut diminuer les symptômes chez peut-être euh… euh… Attendez un petit peu, je vais essayer de me résumer sans bafouiller. (rire) Je n’ai pas de texte devant moi pour me  référer à des chiffres qui sont exacts mais en gros l’idée que je veux vous transmettre c’est que c’est énormément plus relatif que ce qu’on s’imagine, c’est-à-dire que les symptômes vont diminuer dans une proportion, mettons 50%, chez peut-être un tiers de la population, quelque chose du genre. Je ne suis peut-être pas exact, mais ce que je veux dire c’est que c’est extrêmement plus relatif qu’on pense, premièrement, objectivement parlant. Et deuxièmement, mon hypothèse à moi c’est que probablement c’est l’effet placebo qui agit, plus qu’autre chose.

Corentin
C’est effectivement un point de vue qu’on a pu lire dans vos chroniques, le fait que l’effet placebo soit très important. A ce sujet, ce que vous venez de dire me fait penser à une question : les études que vous citez parlent de l’efficacité des antidépresseurs et disent qu’elle n’est finalement pas plus élevée que celle d’un simple placebo, mais alors, quand on parle d’efficacité, est-ce qu’on parle d’apaiser des douleurs, ou est-ce qu’on parle de sortir de manière durable de la dépression ?

Yves Dalpé : Ah, c’est un très bon point, c’est tellement plus relatif que ce que les gens s’imaginent, c’est incroyable. La première chose c’est l’efficacité, quand elle est mesurée. La guérison, le mieux-être, c’est beaucoup plus relatif, beaucoup moins fort que ce que l’on pourrait imaginer. C’est une aide, c’est peut-être un amoindrissement des difficultés, mais ce n’est pas ça qui va faire que la personne ne se sentira plus du tout déprimée ou qu’elle sera rayonnante de bonheur, c’est complètement faux, ça. D’ailleurs, quand on compare les approches thérapeutiques avec les approches pharmacologiques, on se raconte que une des différences c’est que quand la personne cesse de prendre des antidépresseurs, elle va perdre ce qu’elle avait pu gagner en terme de confort, ce qui n’est pas le cas avec la psychothérapie, qui sera plus durable.

Corentin : D’accord, effectivement tout cela nous renvoie à ce qu’on a pu lire dans certains articles, notamment dans la presse scientifique. On a pu lire que la dépression était considérée comme une maladie récurrente voire chronique pour certains patients, et la question qui nous vient à ce sujet est : est-ce que les deux traitements, à savoir par antidépresseurs uniquement et par psychothérapie peuvent éliminer durablement la dépression ou est-ce qu’il y a une chronicité qu’on ne pourra jamais vraiment…

Yves Dalpé : Oui, oui, oui, ça peut éliminer, et même, justement, je lisais, je ne sais plus trop où dernièrement, que, au contraire, les gens qui ont pris des antidépresseurs sont plus susceptibles d’avoir des rechutes. C’est l’inverse, ce sont eux qui ont un risque et non pas les gens qui ont suivi une psychothérapie. Ça ne veut pas dire qu’une psychothérapie est infaillible, mais si on compare les deux, la psychothérapie se compare avantageusement, si vous voulez.

Corentin : D’accord, oui, on peut vraiment penser que, avec les antidépresseurs, il y a presque un effet de cercle vicieux, c’est-à-dire qu’il y a une amélioration liée à ce traitement chimique de l’état de la personne, et lorsqu’on arrête le traitement, la rechute est d’autant plus dure pour elle, ce qui peut avoir de mauvaises conséquences.

Yves Dalpé : Oui, oui, on peut dire ça.

Bogdan : Je voudrais poser juste une question par rapport à ça, j’ai lu un article dans lequel on dit que, tout au début du traitement chimique, en utilisant des antidépresseurs, surtout les inhibiteurs, qui sont très célèbres maintenant, on observe surtout une certaine chute du niveau de sérotonine dans le cerveau d’un patient, qui, en fait, le fait commettre le suicide finalement. Est-ce que vous pensez que ce sont des résultats crédibles et qu’on peut considérer, comme ça, qu’il y a toujours un couple de risques, disons, tout au début du traitement chimique.

Yves Dalpé : Malheureusement, le son n’est pas assez bon, j’ai trop perdu de ce que vous avez dit, je ne peux pas vous répondre.

Corentin : La question serait : plusieurs études semblent montrer qu’au début d’un traitement chimique, il y a un risque plus élevé de suicide. Est-ce que selon vous ces études sont crédibles ? Est-ce qu’effectivement le risque est plus élevé au début d’un traitement chimique ?

Yves Dalpé : Au début ? Ça je ne pourrais pas vous le dire, c’est vous qui me l’apprenez. Je n’ai pas lu ça : au début du traitement, ce serait plus dangereux pour les idées suicidaires ? Non, je n’étais pas au courant.

Bogdan : D’accord. Parce que, de mon côté, je voudrais lier cette question à une autre question. D’après vos articles, par exemple, votre article consacré à la faiblesse de la sérotonine, vous êtes complètement contre l’utilisation de ce médicament. Mais ces antidépresseurs sont en général très utilisés actuellement, ces antidépresseurs qui sont basés sur la sérotonine. Je voudrais bien savoir sur quelles bases vous contestez le rôle de la sérotonine.

Yves Dalpé : Concernant la sérotonine, vous allez voir, si vous lisez un peu, c’est unanime maintenant c’est *** (problème d’enregistrement) et cette hypothèse-là n’a pas été vérifiée, au contraire, il y a tellement de neurotransmetteurs qui sont impliqués dans le cerveau, pourquoi la sérotonine plus qu’un autre ? On ne sait rien de tout ça. Les connaissances sur le cerveau ne sont pas aussi avancées qu’on se l’imagine. Si vous lisez un petit peu là-dessus, sur cette controverse, vous allez voir que, actuellement, au niveau scientifique, on ne peut plus avancer que c’est la sérotonine qui est en cause et que c’est la cause, mettons, impliquée dans la question de la dépression. On en parle continuellement mais vérifiez un peu, vous allez être surpris de ce que je vous dis là, de lire ça.

Bogdan : C’est très impressionnant, ce fait, car au début de notre recherche on était complètement sûrs que la sérotonine jouait un rôle très grand dans tous ces traitements mais après vos articles, on peut…

Yves Dalpé : Oui, c’est ça. C’est surprenant, comme cette idée-là fait maintenant partie de la culture, tout le monde sait, entre guillemets, sait cela, mais ce n’est pas fondé.

Corentin : Mais alors, selon vous, il y a un changement qui se produit, un changement vraiment récent dans les mentalités, notamment de la communauté scientifique. Parce que nous, on a pu voir dans nos recherches des articles écrits par des gens quand même reconnus, des psychiatres qui ont une certaine crédibilité et qui affirment quand même que les antidépresseurs ont une efficacité, notamment ceux basés sur la sérotonine.

Yves Dalpé : Je sais bien mais ce que je vais vous dire va peut-être vous surprendre. En fait, je ne sais pas comment sont formés les psychiatres en France, mais je sais ici qu’ils ne sont pas aussi compétents qu’on ne l’imagine du côté des médicaments. C’est eux qui sont reconnus comme les gens qui sont les plus connaissants en termes de médication, en termes de psychothérapie, tout ça mais en réalité, je regrette mais ce n’est pas vrai. Ils ne comprennent pas tant que ça ces mécanismes-là, il y a des textes qu’ils ont entendus, rapportés par les compagnies pharmaceutiques, par les recherches, les textes qu’on leur fait lire. Moi j’ai des contacts ici, à Québec, moi je connais des gens qui sont dans le domaine de la pharmacie, des universitaires en pharmacie, des professeurs d’université, j’ai une bonne amie qui travaille avec des psychiatres en tant que pharmacienne et je peux vous assurer que du côté des pharmaciens, ce sont eux les spécialistes des médicaments, ils me disent que malheureusement ils constatent que les psychiatres sont pas au courant tant que ça des mécanismes *** (problème d’enregistrement) alors ça, ça parait grossier ce que je vous dis là, je ne dirais pas ça à la télévision pour ne pas me faire accuser, ça irait mal pour moi peut-être donc **** (incompréhensible) mais c’est ce que je pense.

Corentin : Vous pensez que ce problème de mauvaise information des psychiatres est global ? Parce que vous avez commencé par parler des psychiatres français, est-ce que selon vous c’est un problème global ?

Yves Dalpé : Je ne sais pas si les psychiatres français sont dans le même cas que les psychiatres au Québec et aux Etats-Unis. Mais aux Etats-Unis aussi c’est la même chose, vous savez que la psychiatrie, depuis une trentaine d’années comme il faut si ce n’est pas plus, ils ont choisi de voir les problèmes psychologiques en termes chimiques, en termes physiques, au lieu de faire comme ils faisaient avant, et d’aider leur patient à l’aide de la psychothérapie. L’avantage d’une approche chimique, c’est que ça leur donne plus de pouvoir, ils sont vus comme des *** qui se démarquent de la masse, selon ce que eux croient, et c’est extrêmement contesté actuellement, et ils ont été beaucoup alimentés aussi sur le plan budgétaire en terme d’association, l’association de psychiatres Américains. On sait qu’une proportion de leur budget est alimentée par les compagnies pharmaceutiques, alors il y a tout un, c’est difficile à croire mais si vous allez dans les références que je laisse à la fin de mes textes, si vous allez à la source, vous allez voir que je suis bien appuyé sur le plan de ce que je vous dis là, ce ne sont pas seulement des idées paranoïaques ou *** fondées sur des textes vraiment sérieux. Je ne sais pas si vous avez lu, si vous avez en votre possession le livre qui s’appelle La Vérité sur les médicaments qui est publié en France.

Corentin : Non.

Yves Dalpé : Non ? C’est excellent, c’est récent. Et puis, je ne sais pas si je l’ai à côté de moi… Vous pourriez vous le procurer facilement probablement parce que… Je ne sais pas si je l’ai à côté de moi… Attendez, je vais aller le chercher [Silence]
Alors, ça, ça vous aide ! Est-ce que vous lisez bien ? Est-ce que vous le voyez ?

Corentin et Bogdan : Oui, oui, très bien ! Merci ! C’est une bonne qualité de vidéo.

Yves Dalpé : La vérité sur les médicaments et puis l’auteur se nomme Mikkel Borch-Jacobsen et puis c’est une bonne brique de… attendez, combien y a-t-il de pages ? Mais c’est écrit par plusieurs auteurs et lui, l’auteur principal les relie tous. Ça a été publié, c’est récent, c’est en 2013-2014 chez Gallimard, et est aussi aux éditions des Arènes à Paris. Je vous le conseille vraiment, parce que vous allez voir que ce sont tous des auteurs très très *** et je pense que si vous avez besoin d’interviewer, c’est ce que je vous conseillerais. Vous allez voir, c’est sérieux et ça va dans le sens que je vous dis, clairement.

Bogdan : En fait cette phrase sur le lobby semble nous intéresser très bien parce que malheureusement dans les articles quand on va sur internet, on ne parle pas de lobby, de l’influence des lobbys pharmaceutiques. Est-ce que vous pourriez nous préciser un petit peu, quelles compagnies, entreprises pharmaceutiques vous soupçonnez pour le lobbying.

Yves Dalpé : Si j’ai bien compris, pour répondre à votre question, ils sont tous impliqués dans les lobbys, ils mettent des milliards, c’est incroyable, ils dépensent plus en publicité qu’en recherche, les compagnies pharmaceutiques, et c’est le cas pour toutes les compagnies ! C’est incroyable !

Corentin : Alors, on avait juste une question par rapport à un de vos articles : vous avez écrit un article dans lequel vous comparez des résultats d’une méta-analyse pour la psychothérapie d’une part et pour les antidépresseurs d’autre part. Et, en regardant un peu les chiffres, on constate que les chiffres sur les antidépresseurs datent de 2004, si je me souviens bien, tandis que ceux sur la psychothérapie datent de 1993. On se demandait s’il n’y avait pas un problème, s’il n’y avait pas eu par exemple des changements dans le laps de temps qui sépare ces deux études, qui font qu’on peut difficilement comparer des résultats.

Yves Dalpé : Oui, c’est une bonne question mais je ne crois pas, non. Parce que l’article lui-même est récent, et puis c’est appuyé sur plusieurs recherches qui peuvent être plus récentes que cela, mais ça ne changerait pas grand-chose parce que de toute façon, les antidépresseurs, en plus, il n’y a rien de nouveau depuis de nombreuses années *** antidépresseurs qui pourraient faire ombrage en disant « bon bah là maintenant avec ces nouveaux antidépresseurs-là on pourrait maintenant démontrer que c’est plus efficace » mais ce n’est pas le cas.

Corentin : D’accord.

Bogdan : Dans un de vos articles, vous avez mentionné une organisation très très célèbre maintenant, c’est FDA, pour Food and Drugs Administration, aux Etats-Unis. Moi, ce que j’ai vu, et c’est ce qui est en fait très visible quand on commence des recherches sur internet, sur les antidépresseurs, c’est surtout la réaction du monde scientifique sur le rapport de FDA, qui a été lancé en 2005 je pense. C’est un rapport très très connu donc est-ce que vous pouvez nous dire quelque chose, est-ce que vous pouvez nous donner votre avis sur ce rapport, est-ce que vous pensez que c’est une source assez crédible ?
[Coupure Skype]

Yves Dalpé : Ok, là je vous revois maintenant, on avait perdu le contact.

Corentin : On avait un problème de connexion, effectivement, et je pense que là c’est revenu. On en était à parler de la FDA et de son rapport et de la crédibilité que vous accordez à ce rapport.

Bogdan : Je vais rapidement répéter ma question : tout le monde connaît le rapport de FDA. C’est le rapport de 2005, il est vraiment très fameux sur internet, il y a toujours des références à ce rapport et donc je voudrais vous poser une question : est-ce que vous pensez que ce rapport de FDA de 2005 est une source crédible d’informations pour estimer l’effet des antidépresseurs et pourquoi en fait on a choisi sa conclusion.

Yves Dalpé : J’ai des difficultés à vous entendre, je ne sais pas pourquoi, quand vous parlez, le son est moins bon.

Bogdan : Je peux parler plus fort ?

Yves Dalpé : Ah, peut-être que ça peut aider, oui !

Bogdan : Très bien. Je vais répéter juste encore une fois. Est-ce que vous vous souvenez du rapport de FDA de 2005 ?

Yves Dalpé : Oui, oui !

Bogdan : Est-ce que vous pensez que c’est une source crédible d’information pour nous comme pour des chercheurs parce que maintenant c’est très douteux, nous avons lu des avis très différents par rapport à ce rapport, c’est pourquoi on voulait vous poser cette question.

Yves Dalpé : Ok, c’est ce à quoi j’ai accordé beaucoup d’importance, je ne vois pas pourquoi remettre en cause cette crédibilité-là. Mais vous allez en entendre parler si vous avez la chance de mettre la main sur le livre que je vous suggère, vous allez en entendre parler, avoir des bonnes références qui vont répondre à vos questions probablement de ce côté-là.

Corentin : On va effectivement tâcher de se procurer cet ouvrage. Alors, il y a une question qu’on voulait vous poser aussi : puisque vous-même vous pratiquez la psychothérapie, vous avez eu beaucoup l’occasion d’être en contact avec des patients atteints de dépression. Est-ce que, à votre échelle, vous avez pu identifier des cibles privilégiées de la dépression en termes de tranche d’âge, en termes de sexe, par exemple ?

Yves Dalpé : Pas vraiment. Je ne pourrais pas dire en termes d’âge ou de sexe s’il y en a plus ou moins c’est ce que vous voulez dire, dans « cibles privilégiées » ? Je sais qu’il y a des recherches là-dessus mais je ne pourrais pas établir de statistiques à partir de ma clientèle. Si je me réfère aux recherches, le souvenir que j’ai c’est que les jeunes, contrairement à ce que l’on s’imagine, sont beaucoup à risque pour la dépression. Les femmes, ça c’est certain, on sait que les femmes le sont beaucoup plus que les hommes, il n’y a pas de doute là-dessus. Comme ça spontanément c’est tout, je ne sais pas si ça vous aide…

Bogdan : Cela nous confirme exactement les rapports des grandes entreprises, parce que moi, je viens de recevoir un article scientifique d’un chercheur du laboratoire de Lilly, je ne sais pas si vous connaissez cette entreprise, elle a commencé à produire le Prozac en France. Et, selon ce rapport, environ 70% des patients sont surtout des femmes qui ont surtout 45-50 ans, donc c’est à peu près cet âge donc ce que vous dites…

Corentin : Ça confirme notre…

Yves Dalpé : Oui !

Corentin : On aurait aussi une question en conclusion à vous poser : vous avez écrit un certain nombre d’articles concernant les antidépresseurs, dans lesquels vous exposez des conclusions parfois légèrement différentes : on peut lire dans certains articles que selon vous, le traitement par antidépresseurs doit absolument être couplé à une psychothérapie. Dans d’autres articles, on peut lire que les antidépresseurs ne sont pas plus efficaces qu’un placebo donc finalement seraient presque inutiles. Pour vous, que devrait-on faire, finalement, des antidépresseurs ? Est-ce qu’on devrait continuer à les utiliser, couplés à une psychothérapie ? Est-ce qu’on devrait s’en débarrasser complètement ?

Yves Dalpé : C’est une très bonne question (rires) ! Etant données les attentes que les gens ont actuellement par rapport aux antidépresseurs, peut-être que c’est très difficile d’aller à contre-courant, de dire aux gens « ne prenez pas ça, absolument pas ! », ils vont faire pareil. Alors, au moins, moi ce que je me dis, c’est que même si je n’y crois pas plus que ça, étant donné que c’est dans la culture, que c’est étant donné que ça a un effet quand même, même si c’était seulement l’effet placebo, bon… Mais à la condition que les gens suivent au moins une psychothérapie. Mais idéalement, moi si ce n’était que de moi (d’ailleurs parfois je propose à mes clients), je pense que les gens si ils peuvent s’abstenir de ces produits-là, le plus possible, c’est mieux, parce qu’il y a des effets secondaires qui sont beaucoup plus néfastes que ce que les gens s’imaginent, et en particulier par exemple quand on voit des couples, moi je fais beaucoup de psychothérapie de couple, on sait que les antidépresseurs ont un effet sur la sexualité, qui est loin d’être banal, et alors ça peut nuire même au renouveau conjugal, ou ça peut même apporter de nouveaux problèmes au couple. Alors, c’est un exemple, mais si on lit sur les effets des antidépresseurs, ça rend pas mal prudent, de sorte que moi, si je me résume finalement, je dirais que tous les gens qui peuvent s’en abstenir, je pense que c’est mieux de le faire. Mais quelqu’un qui va vraiment pas bien, ok, s’il veut absolument *** à la condition qu’il suive une psychothérapie, parce que s’il procède seulement de cette façon-là, chimique, je pense qu’il perd son temps, il se fait des illusions. C’est un peu ma pensée. Moi, en un mot, je trouve ça très dommage qu’on mette autant d’argent sur ces produits-là qui n’apportent pas la réponse idéale.

Corentin : Oui, finalement, pour vous, on donne un peu aux gens ce qu’ils attendent dans la mesure où dans l’opinion publique actuellement, les gens ont tendance à penser qu’il y a un médicament pour tout.

Yves Dalpé : C’est ça, c’est ça. Exactement ça, mais je pense que c’est une grande erreur. Moi, personnellement, je trouve ça très dommage parce que ça empêche les gens de se prendre en main, c’est comme si on enlevait aux gens l’idée qu’ils ont du pouvoir sur leur propre vie, on leur dit qu’ils doivent se fier à un produit à l’extérieur d’eux-mêmes pour régler leur vie. Moi je trouve ça très dommageable.

Bogdan : Est-ce qu’on peut dire que cette image d’une pilule à-tout-va est construite par les grandes entreprises et par les lobbys pharmaceutiques aussi ?

Yves Dalpé : C’est ce que je crois. Et ça fait l’affaire de beaucoup de professionnels *** parce que les médecins sont plus ou moins dépourvus devant la misère affective de tout genre, et ça leur donne l’illusion qu’ils ont du pouvoir. Tout le monde y gagne, autrement dit, dans cette affaire-là, parce que le patient veut bien croire que quelqu’un peut le secourir, et puis le médecin aime bien déguster ce pouvoir que ça lui donne en peu de temps. Au lieu d’écouter quelqu’un raconter tous ses malaises pendant des heures de temps, on lui donne une pilule, et puis en dix minutes l’entrevue est faite et puis tout le monde est content, alors je pense que ça explique en partie la force de ce système-là. Il y a beaucoup d’enjeux qui sont impliqués, en plus de la question d’argent, que les compagnies pharmaceutiques font avec ça. Comme ça apporte une réponse facile…

Corentin : Oui, tout à fait.

Yves Dalpé : Ça répond bien à vos questions ?

Corentin : En ce qui nous concerne, vous avez répondu à toutes les questions qu’on voulait vous poser, effectivement.

Yves Dalpé : Oui, bon d’accord.

Corentin : Si vous avez un mot en conclusion, on est à votre écoute !

Yves Dalpé : Peut-être que ce que je viens de dire peut servir de conclusion ? Ça m’a fait plaisir de vous être utile, c’est *** Je vous parlais à vous deux, jeunes parisiens, et que j’ai pu vous apporter quelques lumières supplémentaires mais je vous conseille vraiment, si vous pouvez mettre la main sur cette brique-là, je pense que ça peut vous solidifier votre texte que vous voulez faire à partir de votre sujet.

Corentin : Effectivement, on va s’y intéresser de près. Merci beaucoup pour votre aide !

Yves Dalpé : Au plaisir ! Au revoir !

Corentin et Bogdan : Au revoir !