Monsieur Sciama décrit le positionnement de différents acteurs de la controverse. Il souligne notamment l’attitude des journalistes qui, globalement, sont opposés à ces expériences de GOF sur le virus de la grippe H5N1. Il suppose que cette forte opposition des journalistes est à rapprocher de leur éloignement disciplinaire : les virologues, plus au fait du sujet, sont en effet beaucoup plus partagés.
La question de la sécurité est également évoquée, notamment sur le passage des laboratoires de Ron Fouchier et de Yoshihiro Kawaoka au niveau BSL4. La question du bio-terrorisme est très rapidement évoquée : en effet, Monsieur Sciama précise qu’une arme grippale possède un intérêt stratégique nul, étant donné que ses mutations sont incontrôlables. Pourtant, il nous rappelle que la controverse a d’abord débuté à propos de cette question : la publication des recherches semblaient poser un problème de sécurité publique ; après cette première phase, on s’est finalement interrogé sur ces expériences en elles-même.
Concernant le peu de réaction dans la sphère publique française, Monsieur Sciama évoque une question de mentalité, qu’il assimile une tendance « scientiste » de la culture française tendant à faire des « experts » des figures d’autorité. C’est pour des raisons historiques que l’Allemagne aurait montré une plus grande vigilance, le passé nazi ayant abîmé pour longtemps le rapport de la sphère scientifique avec la société.
En termes de conclusion, Monsieur Sciama prédit, dans le cadre d’un mouvement d’affirmation toujours croissant de la biologie, la généralisation de ce genre de pratiques et d’interrogations.
L’entretien est centré sur la question de la méthode du GOF. Madame Van Der Werf commence par en rappeler le principe : il s’agit de la mutation d’une souche moléculaire (virale ou non) pour permettre une acquisition de fonction (résistance à tel ou tel microbe etc…). Une autre méthode symétrique existe : le LOF (Loss Of Function), cherchant par les mêmes moyens à ôter une fonction. Cependant les résultats ne présentent pas la même symétrie : si retirer une fonction ôte un tropisme à l’organisme, en ajouter une ne garantit pas de gagner un tropisme similaire. Prôner l’abandon du GOF au profit du LOF implique dès lors une perte de connaissances.
Tout en reconnaissant les risques de ce genre d’expérience, Madame Van Der Werf juge préférable de focaliser les mesures de biosécurité et de bio-sûreté sur la prévention au sein des milieux de chercheurs, l’interdiction se cantonnant selon elle aux risques déraisonnables (elle souligne l’importance des institutions européennes dans le cas de cet encadrement de la recherche, notamment par le biais de directives de la Commission sur les projets financés).
L’un des risques d’un encadrement trop fort de la recherche est la fixation d’objectifs de manière top-down, c’est-à-dire par des acteurs hors de la sphère scientifique, inconscients notamment de la dimension aléatoire dans la recherche, et aux exigences différentes, notamment du fait de la pression de l’opinion publique.
L’un des gains potentiels est de faire muter les nombreux virus naturels pour leur faire acquérir la fonction zoonotique (i.e la transmission animal-homme) afin de prévenir une éventuelle mutation future.
Monsieur Wain-Hobson commence d’abord par souligner le peu de réactions suscitées en Europe, contrairement aux États-Unis. Certes, des sommets ont été organisés, comme aux Pays-Bas et en Allemagne, notamment la Conférence de Hanovre en décembre 2014, qu’il a coorganisée. Mais en France, malgré les tentatives de Monsieur Wain-Hobson pour former un comité spécialisé à l’Académie des Sciences, aucun sommet n’a eu lieu.
Simon Wain-Hobson pointe du doigt ce qu’il considère être un « front commun » des virologues euphémisant les risques afin d’éviter une délégitimation de leur sphère. Une attitude sur le modèle du coup de force pour forcer le maintien des recherches est également dénoncée. Il met sérieusement en doute l’existence du moindre bénéfice de la pratique du GOF : d’autres méthodes beaucoup moins risquées permettent selon lui d’accroître la connaissance des virus. C’est essentiellement pour des raisons éthiques que Monsieur Wain-Hobson conclut en jugeant nécessaire l’interdiction future de cette méthode du GOF.