L’augmentation de la connaissance scientifique

 

« In recent years, scientists have engaged in a vigorous debate regarding the value of so called gain-of-function (GOF) experiments involving highly pathogenic avian influenza virus (HPAIV) and others pathogens with pandemic potential (PPP).”

Arturo CASADEVALL, Don HOWARD, Michael J. IMPERIALE, “An epistemological perspective of the value of Gain-OF-Function experiments involving pathogens with pandemic potential”, mBi0, 16/09/2015 (http://mbio.asm.org/content/5/5/e01875-14.full)

 

A quoi servent les expériences de types GOF (Gain-of-Function) ?

 

Les expériences de type GOF permettent de démontrer la capacité biologique du virus à acquérir une nouvelle fonction (par exemple, dans le cas du virus H5N1, transmissibilité entre mammifères) et d’identifier les mécanismes mutationnels spécifiques impliqués dans l’acquisition de cette fonction. Les recherches de type GOF permettent d’établir des relations de causalité entre l’acquisition d’une nouvelle fonction et le mécanisme mutationnel correspondant à cette acquisition.

 

Dans le cas du virus de la grippe H5N1, les expériences de type GOF visent la production de connaissances sur trois niveaux : le caractère transmissible du virus à l’intérieur d’une espèce, les gènes impliqués et les mutations associées au GOF. Les expériences menées par Ron Fouchier et Yoshihiro Kawaoka ont ainsi permis d’identifier la protéine impliquée dans le processus de mutation qui conférait la transmissibilité. Pour décider si les expériences de type GOF doivent oui ou non être maintenues, il faut donc déterminer si la valeur scientifique des connaissances obtenues avec les expériences de type GOF est suffisamment élevée pour compenser les risques encourus. Il faut aussi se demander si d’autres moyens moins dangereux et risqués pourraient permettre d’acquérir le même type de connaissances. La controverse s’est ainsi focalisée sur un calcul de coût-bénéfice interagissant avec des considérations en terme de biosécurité.

« The debate of the future of GOF experiments in PPP research is increasingly focusing on a risk-benefit calculation centered around biosafety concern. »

Arturo CASADEVALL, Don HOWARD, Michael J. IMPERIALE, “An epistemological perspective of the value of Gain-OF-Function experiments involving pathogens with pandemic potential”, mBi0, 16/09/2015

 

Savoir, mon beau savoir… Et les risques alors ?

 

Des expériences incontournables pour les partisans de ces techniques

 

Pour ceux qui défendent la poursuite des expériences analogues à celles de Fouchier et Kawaoka, il n’y a pas de moyens alternatifs pour démonter que le virus a la capacité biologique de devenir transmissible entre mammifères. Ces recherches fournissent des informations fiables qui sont directement exploitables et qui peuvent être appliquées à d’autres champs du domaine virologique. Le calcul des bénéfices potentiels doit donc aussi prendre en compte l’ensemble des applications potentielles.

 

Des découvertes à l’intérêt limité pour les opposants

 

Les anti-GOF/PPP ne nient pas que les expériences menées par Fouchier et Kawaoka ont permis d’identifier la protéine impliquée dans le processus de mutation qui confère au virus le caractère transmissible. Néanmoins, selon eux, l’intérêt d’une telle découverte reste limitée : l’identification de cette protéine n’exclut pas qu’un mécanisme de mutation associé à des protéines autres puisse lui aussi contribuer à l’acquisition du caractère transmissible par le virus H5N1. Considérant la grande instabilité des virus grippaux, identifier le mécanisme de mutation associée à une protéine spécifique a donc une valeur scientifique limitée qui de leur point de vue, est loin de compenser les risques encourus.

 

Pas un seulement un intérêt sur le plan de la connaissance pure, mais un intérêt pratique !

 

Les partisans des expériences de type GOF considèrent que l’identification du type de mutations impliquées dans l’acquisition du caractère transmissible fournit, au delà de la compréhension des mécanismes en cause, des données utiles pour surveiller, prédire, voire prévenir le risque de transmissibilité et d’augmentation de la virulence. Les opposants leur rétorquent qu’en mettant en avant les applications éventuelles des connaissances acquises pour la surveillance ou la prévision de pandémie, les promoteurs de ces expériences en comptent en fait deux fois les « bénéfices ».

 

Il faut distinguer connaissance scientifique en tant que telle (établir des relations causales) et application de cette connaissance (établir des relations instrumentales). La connaissance acquise est certes un outil qui peut permettre des avancées dans le domaine de la santé. Néanmoins, il est difficile d’évaluer à l’avance les possibles bénéfices qui pourront être tirés de ces applications. Or, les pro-GOF ont tendance à considérer que les bénéfices tirés de ces applications sont certains. Pour les anti-GOF/PPP, on ne peut pas à partir des bénéfices potentiels tirés des applications ultérieures conclure à la valeur scientifique des expériences de type GOF-PPP.

« The debate around PPP/GOF research often runs into this issue of “double counting” value, wher the value derived from some outcome (human wealth) is also used to argue for the fundamental value of something that helps us achieve that outcome (scientific experiment).”

Nicholas Greig EVANS, “Valuing Knoweldge : a reply to the epistemological perspective on the value of Gain-of-function experiments”, mBio, Letter to the editor, 14/10/2014

 

Quels bénéfices pour quels risques?

 

La difficulté principale réside dans le calcul coût/bénéfice. Les pro-GOF ont tendance à donner beaucoup d’importance aux bénéfices et à minimiser les risques tandis que les anti-GOF ont tendance à faire l’inverse. Les bénéfices potentiels restent difficiles à évaluer : l’utilité d’une recherche scientifique ne peut pas être connue par avance et les critères adoptés pour évaluer coûts et bénéfices dépendent du contexte considéré.

 

Au delà de cette évaluation, se pose la question de responsabilité. En cas de fuite du virus et de pandémie, qui doit être tenu pour responsable, les chercheurs, leur laboratoire, les instituions de financement ?

 

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