Le recrutement des enseignants
Pour comprendre l’enjeu que représentent les enseignants, mais aussi les chercheurs, dans la thématique du pluralisme en économie, il faut d’abord comprendre le rôle qu’ils jouent.
« Les enseignants-chercheurs participent à l’élaboration, par leur recherche, et assurent la transmission, par leur enseignement, des connaissances. […] Ils assurent la direction, le conseil, le tutorat et l’orientation des étudiants et contribuent à leur insertion professionnelle. Ils organisent leurs enseignements au sein d’équipes pédagogiques dans tous les cursus universitaires et en liaison avec les milieux professionnels. » extrait de l’Article 3 du décret n°84-431 du juin 1984
Les enseignant-chercheurs sont donc au cœur du système universitaire qui est accusé d’étouffer le pluralisme. Ce sont les acteurs principaux de la recherche et de la transmission de cette recherche. Par conséquent, le poste même d’enseignant-chercheur ainsi que l’accès à cette position constituent un nœud central de la controverse.
Les enseignant-chercheurs se divisent, de manière générale, en deux corps de profession : les maîtres de conférence et les professeurs des universités. L’un comme l’autre sont des postes à responsabilité dans l’organigramme de l’Université. Cependant, le poste de professeur de universités est particulièrement visé par l’accusation de manque de pluralisme. En effet, ce poste concentre les pouvoirs qui permettraient le développement d’une véritable hétérodoxie.
« Les professeurs des universités n’ont pas pour unique fonction la transmission du savoir par le biais des enseignements qu’ils dispensent. Ils sont également nécessaires au renouvellement des générations d’enseignants-chercheurs. Ce sont eux qui dirigent les masters et les équipes de recherche, encadrent les thèses, président les comités scientifiques des revues et des colloques et, enfin, sélectionnent et recrutent leurs collègues. Sans professeur, pas de master recherche, pas de doctorant, ni a fortiori de futur enseignant-chercheur. » extrait du livre À quoi servent les économistes s’ils disent tous la même chose ? écrit sous la direction d’A. Orléan
Or, selon l’AFEP, l’accès aux deux professions, et particulièrement celle des professeurs des universités, la plus réputée, est discriminatoire pour les candidats dont l’approche n’est pas mainstream. Leur étude Évolution des recrutements des professeurs de sciences économiques depuis 2000 conclut en effet que, sur les 209 professeurs des universités recrutés sur la période, 84,2 % dédient leurs recherches au courant dominant de la science économique.
Ainsi, l’accès à la profession semble bloqué. Les hétérodoxes, et notamment l’AFEP, s’indignent de ce constat car, comme il a été dit, sans professeur des universités hétérodoxe, tout courant non mainstream est voué à mourir à moyen terme.
Après le constat vient l’explication. Toujours selon l’AFEP, les raisons pour lesquelles le poste de professeur des universités semble si difficile à atteindre pour un hétérodoxes résident dans les modalités et les critères de sélection.
En effet, comme il est possible de le voir sur le schéma ci-dessous, pour atteindre le statut tant convoité de professeur des universités, un nombre limité de parcours sont possibles et tous sont caractérisés par une sélectivité fondée sur des critères dont la définition est un enjeu de la controverse.
Le schéma est interactif et des exemples d’économistes ayant suivis les parcours présentés sont disponibles.
Jusqu’à récemment pour devenir professeur, l’agrégation du supérieur était la voie dominante. Néanmoins, une deuxième voie s’est ouverte, « la voie longue », qui repose sur la qualification du Conseil National des Universités (CNU), qui joue un rôle dès le recrutement des maîtres de conférence.
Or, à la fois l’agrégation du supérieur et le processus de qualification du CNU sont accusés de discriminer les économistes non mainstreams.
Ainsi, pour comprendre les accusations et les revendications des hétérodoxes, il faut étudier plus en détails la question du recrutement des professeurs et notamment les questions de l’agrégation du supérieur et de la qualification du CNU.