Les instances gouvernementales
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Le gouvernement semble adopter une position précautionneuse, ne prenant parti pour aucun des deux camps. Il ne cesse de demander des rapports (Malinvaud en 1989, Vernière en 1999, Fitoussi en 2001, Guesnerie en 2009, Hautcoeur en 2014) qui témoignent de sa prise de conscience quant à la nécessité de réformer l’enseignement de l’économie et des sciences sociales. Cependant, ces rapports préconisent à peu près les mêmes recommandations et aucun ne semble avoir eu de réel impact sur l’enseignement.
Geneviève Fioraso :
À l’époque où la controverse ébranlait la discipline économique, Geneviève Fioraso était secrétaire d’Etat chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche. Elle a alors demandé à Pierre-Cyrille Hautcoeur, président de l’EHESS, dans un courrier du 29 juillet 2013,de rédiger un rapport sur l’avenir des sciences économiques à l’Université en France.
En décembre 2014, suite à une lettre de Jean Tirole, alors Prix Nobel d’économie, elle décide de retirer son décret visant à reconnaitre, dans le monde universitaire, un espace d’expression en rupture avec la pensée mainstream. Il apparait ainsi que le gouvernement a préféré suivre les recommandations de son nouveau prix Nobel, alors qu’il avait, au départ, soutenu le projet de l’AFEP visant à ouvrir pendant 4 ans une nouvelle section expérimentale intitulée Economie et Société.
Benoit Hamon :
Successeur de Geneviève Fioraso et prédécesseur de Najat Vallaud-Belkacem, il a signé la pétition de l’AFEP et soutenait la projet de loi de la création d’une nouvelle section.
Najat Vallaud-Belkacem :
Le 13 janvier 2015, les vives réactions des orthodoxes contre l’ouverture d’une nouvelle section au CNU ont poussé Najat Vallaud-Belkacem à renoncer à sa création, alors que c’est une mesure à laquelle elle s’était engagée en reprenant les promesses de son prédécesseur, Benoît Hamon.
Jean-Michel Jolion :
Il fait partie du cabinet de la ministre et est conseiller en charge des formations du supérieur et de l’orientation. C’est lui qui a été choisi pour anoncer la décision du gouvernement au CNU et à l’AFEP, du fait de sa position d’universitaire . Il a pu nous donner son point de vue sur la controverse et la manière dont il l’a vécue lors d’un entretien. Ainsi, étant certes, membre du gouvernement mais aussi ancien membre du CNU – au sein de la section 27, en informatique -, il affirme que :
« J’ai été membre du CNU, je sais exactement comment ça fonctionne : un CNU qui veut être pluraliste, il est pluraliste. C’est uniquement une question de volonté. » extrait d’un entretien réalisé avec lui.
En outre, il fait un parallèle avec d’autres disciplines, comme la psychologie, où il y a aussi des courants qui s’affrontent. Néanmoins, ils sont plus nombreux, et aucun n’est ultra majoritaire : cette situation n’est donc pas problématique.
Il a insisté sur le fait que le problème du recrutement provient en partie des choix des universités qui doivent établir un profil d’enseignant et le chercher dans le vivier du CNU.
Pour lui, la création d’une nouvelle section, ne pourrait pas résoudre le problème : la section Economie et Société aurait eu des candidats mais le vrai problème reste les universités. En effet, elles ne cherchent pas à recruter plus d’hétérodoxes – à l’exception de quelques unes. Il insiste alors sur le fait que le recrutement relève de l’autonomie des universités : l’Etat leur donne un financement fongible pour la masse salariale et son fonctionnement global. C’est donc l’université qui établit le profil d’enseignant qu’elle souhaite recruter et le cherche dans le vivier du CNU. Une nouvelle section créerait alors un « ghetto » et ferait disparaitre la filière.
De plus, il rappelle que les étudiants aujourd’hui vont en « économie-gestion » plutôt qu’en « économie » puisque la dose de maths et l’absence du coté « sciences humaines » fait fuir les nouveaux bacheliers.
Créé en 1945, le conseil national des université se prononce sur les mesures individuelles relatives à la qualification, au recrutement et à la carrière des professeurs des universités et des maîtres de conférences. Il est composé de 11 groupes, eux-mêmes divisés en 52 sections, dont chacune correspond à une discipline. Chaque section comprend deux collèges où siègent en nombre égal d’une part, des représentants des professeurs des universités et personnels assimilés et, d’autre part, des représentants des maîtres de conférences et personnels assimilés. C’est le groupe 2 qui comprend la section 05 dédiée aux « sciences économiques » dont le président est Alain Ayong le Kama et le vice-président Francis Bloch.
Il existe deux moyens pour devenir professeur des universités : via l’agrégation, ou via une promotion accordée par le CNU qui s’appuie sur les formations que dirige un chercheur, celles qu’il a créées, le nombre d’heures enseignées, les conférences réalisées en France l’international, et ses publications. Or, ces dernières posent problème pour les hétérodoxes car le CNU s’appuie sur un classement des revues, où les meilleures sont trustées par les orthodoxes.
Par ailleurs, le 5 janvier 2015, alors que le gouvernement semble pencher en faveur de l’AFEP, le CNU s’est opposé à la création d’une nouvelle section expérimentale, en menaçant le gouvernement d’une démission générale. Mais interrogeons-nous plus précisément sur les membres constituant la sections 05 pour comprendre quels sont ceux qui sont partisans de l’opposition.
Le mandat de deux tiers des membres titulaires et suppléants des sections du CNU doit être renouvelé tous les quatre ans lors d’élection où se présentent des listes de candidats qui se verront attribuer un nombre de siège proportionnels aux voix obtenues, le tiers restant constitue les membres nommés par la ministre de l’éducation nationale. Ainsi, sont électeurs : le professeurs d’universités et les maitres de conférence titulaires, les enseignants-chercheurs, les chercheurs, et les fonctionnaires détachés figurant sur une liste précise (par exemple les directeurs d’étude de l’EHESS, les sous-directeurs d’écoles normales supérieures,..). Ils votent au sein de deux collèges A et B correspondant respectivement aux sièges des professeurs des universités et des maitres de conférences. Voici les résultats des précédentes élections qui se sont déroulées le 21 octobre 2015.
On retrouve à l’échelle « micro » la controverse sur le pluralisme du niveau « macro ». En effet : déjà dans sa profession de foi des élections de 2011, la liste Pluralisme et Qualité (PQ) dont Alain Ayong le Kama est en charge, affirmait qu’elle défendrait « une conception pluraliste de la qualité de la recherche et de l’excellence scientifique, prenant en compte la prise de risque, l’originalité, l’intérêt des travaux sur le plan de la politique économique ou sociale, en résistant aux dérives de la standardisation et en refusant la marginalisation a priori des revues françaises ». Cette position peut, en se voulant réducteur, se rapprocher d’une vision hétérodoxe alors que la liste Qualité de la Recherche (QR), dont le responsable est Lionel Fontagné, tendrait vers des critères de promotion plus orthodoxes en rappelant que l’évaluation doit « évidemment » tenir compte des indices bibliométriques, mais aussi de la participation du chercheur dans le débat national et de sa capacité à transmettre ses connaissances. PQ a renforcé sa positon en « défendant le pluralisme dans sa double dimension : horizontale, c’est-à-dire la diversité des champs d’études, des outils et des paradigmes, et verticale, la prise en compte de dominantes dans l’exercice du métier, durant la carrière et à chaque étape de celle-ci. » dans sa profession de foi de 2015. De plus, contrairement à QR, PQ vise à réduire le poids accordé à la bibliométrie. C’est justement QR, qui, lors de la session exceptionnelle du CNU du 5 janvier 2015, a affirmé son opposition à la création d’une nouvelle section en considérant que les moyens existent pour
« garantir la pluralité paradigmatique et l’ouverture interdisciplinaire sans recourir à la scission de la discipline, source d’affaiblissement et de recul de la diversité dans chacune des deux nouvelles sections potentielles ».
De plus, nous avons développé surtout l’exemple de PQ pour la volonté d’un pluralisme sans scission, mais les listes SNESUP-FSU et Transparence et Diversité ,qui est soutenue par le Sgen-CFDT, cherchent aussi à atténuer le poids du courant dominant. En effet, cette dernière souhaite que la liste de référence des publications soit celle de l’HCERES, et non celle du CNRS et refuse un mécanisme automatique de « ranking » et de simple décompte quantitatif des publications limitées aux revues : il faut prendre en compte les ouvrages, et articles écrits dans d’autres disciplines (gestion, histoire, sociologie,..).
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