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Les associations d’enseignants-chercheurs

Les associations d’enseignants-chercheurs peuvent avoir un but professionnel mais aussi un but politique. Elles constituent un enjeu primordial de la controverse puisqu’elles représentent la défense d’intérêts communs.

Voici ici un aperçu des différentes associations prenant position dans la controverse – ce n’est pas une liste qui se veut exhaustive, seules les associations les plus importantes sont mentionnées.

L’AFSE (association française de science économique) est l’association professionnelle des économistes. Crée en 1950, elle a pour vocation de regrouper l’ensemble des professionnels se revendiquant de la science économique. Elle rassemble les économistes académiques et ceux des admistrations publiques et privés dans le but de stimuler l’innovation et la production scientifique. Elle contribue à l’organisation et l’évaluation de la recherche tout en essayant de la stimuler au maximum. L’AFSE semble avoir opté pour la neutralité la plus totale en ce qui concerne l’enjeu du pluralisme. En effet, ses représentants se prononcent sur le sujet et leur nom et non pas en celui de l’AFSE. Ainsi, bien qu’un acteur majeur de la recherche et de l’enseignement en économie, ce n’est qu’un acteur mineur de la controverse sur le pluralisme. Elle est présidée par Katheline Schubert et son vice président est Philippe Aghion, professeur au Collège de France et à Harvard. Des personnalités aussi diverses que Alain Ayong Le Kama, Pascal Combemale, Yann Algan et Olivier Favereau en sont membres.

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 L’AFEP (association française d’économie politique) présidée par André Orléan et créée en 2010, a publié en 2015 un manifeste pour une économie pluraliste intitulé À quoi servent les économistes s’ils disent tous la même chose ? qui est un véritable cri d’alarme pour interpeller la société. Elle appelle alors à la création d’une nouvelle section expérimentale – pour une durée de 4 ans à l’issue de laquelle elle serait conservée, ou non, selon ses résultats – intitulée «  Economie et Société  » au CNU. L’AFEP défend ainsi le pluralisme, tant au niveau des paradigmes, que des méthodes utilisées. Enfin, ils revendiquent leur position d’hétérodoxes et s’opposent au recours excessif aux mathématiques pour témoigner de la scientificité des résultats économiques : l’économie tend alors à s’enfermer dans un «  monde imaginaire  », faute de confrontation avec le réel.

Par ailleurs, un des combats de l’AFEP porte sur le recrutement des professeurs, qui souffre d’un véritable dysfonctionnement qui sont le résultat de trois verrous institutionnels : les critères d’évaluation de la recherche, le concours de l’agrégation du supérieur, et le fonctionnement du CNU, pour ce qui concerne le recrutement des professeurs. L’AFEP s’attend en effet à

«  un tarissement du corps des professeurs dont les approches diffèrent de l’approche mainstream, et ce d’ici 5 à 8 ans  » .

Ceci devient un véritable cercle vicieux puisque ce sont les professeurs qui dirigent les écoles doctorales et les laboratoires, président les jury de thèse,  gèrent les masters,.. et vont donc influencer les décisions politiques de demain.

L’AFEP a ainsi publié des statistiques mettant en évidence ses propos :

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Il apparait que les 10,5 % de professeurs hétérodoxes recrutés sur la décennie sont répartis entre 18,0 % sur la période 2000-2005, et 5,0 % sur la période 2006-2011. Ce resserrement à partir de 2006 peut s’expliquer par la nouvelle manière mise en place pour évaluer les candidats à l’agrégation, une sorte de benchmarking pour reprendre les termes de l’AFEP. En effet Louis Levy-Garboua, alors président du jury, a décidé d’attribuer à tous les candidats un score de publication s’appuyant sur les classements publics de revues françaises et internationales. Pour lui :

«  ce score représente un jugement quasi- objectif de la qualité scientifique des travaux déjà publiés, qui a aussi le grand mérite d’être exogène et aussi impartial qu’il est possible de l’être  ».

Or, les processus de  classement des revues en économie posent justement problème aux hétérodoxes qui voient ce ranking comme discriminant pour les économistes s’écartant de la pensée dominante : ceci ne viendrait que renforcer l’exclusion de ces économistes. Quant à la légère hausse de la part d’hétérodoxes depuis 2008-2009, on peut peut être l’expliquer par les suites de la crises économique qui tend à remettre en cause l’autorégulation des marchés et laisse une ouverture aux thèses qui ne découle pas de cette vision mainstream.

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Les économistes atterrés (dont les quatre initiateurs sont Philippe Askenazy, Thomas Coutrot, André Orléan et Henri Sterdyniak ) se sont fait connaitre en 2010 en publiant leur manifeste. Bien que plus portée sur les politiques économique et le besoin de démocratie dans le débat économique, cette association apporte son soutient à l’AFEP. Ils jugent ainsi que le pluralisme en économie est aujourd’hui menacé. La portée de cette association permet de rendre compte de l’interdépendance des champs académiques, théoriques, et politiques.

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l’Apses (association des professeurs de SES, présidée par Erwan Le Nader et qui réuni 20 % des professeurs de cette discipline) est étroitement liée à l’existence de la filière ES au lycée (anciennement appelée filière B). Cette association envisage les SES comme un moyen pour les élèves de comprendre les enjeux économiques, politiques et sociaux du monde qui les entoure. L’Apses souhaite donc conserver l’interdisciplinarité économie-sociologie propre à la filière ES et appelle à signer la pétition lancée par l’AFEP.

Nous avons pu, lors d’un entretien, recueillir le point de vue d’Igor Martinache, vice-président de l’APSES qui nous a confirmé que les SES doivent être une «  éducation à la citoyenneté  » , reposant sur une approche pluridisciplinaire, bien que l’association regrette la séparation entre l’économie et les sciences sociales dans les manuels : déjà en 2011, lorsque Marjorie Galy était présidente de l’Apses, elle s’est opposée à Alain Beitone en montrant que les programmes de SES étaient de moins de moins pluralistes, si bien que seuls 4 chapitres sur 33 étaient des «  regards croisés  ».

En outre, Igor Martinache se définit lui même comme hétérodoxe dans le mesure où il considère «  qu’il ne devrait pas exister d’orthodoxie et que la domination néoclassique est beaucoup trop importante  », il partage finalement les critiques faites par Steve Keen dans L’imposture économique. Bien qu’il soit hétérodoxe, il nous confie ne pas avoir eu de mal à trouver un poste à l’université, d’une part parce qu’il enseigne à Lille 1 qui est une université où il y a un certain nombre d’hétérodoxes, et d’autre par parce qu’il enseigne comme PRAG – il a passé l’agrégation de SES – ce qui nuance les propos de l’AFEP : il nous explique que le problème de recrutement des hétérodoxes se pose surtout pour les professeurs d’université.

Igor Martinache est donc plutôt un chercheur en science sociale, un peu touche à tout, enseigne la sociologie économique le lundi après-midi puis la micro-économie le lendemain matin et nous dit ainsi avec humour qu’il a l’impression d’être un peu «  schizophrène  ». Ceci montre bien que, même parmi les hétérodoxes, la pluralité des compétences et des disciplines d’intérêts ne semble pas être la norme.

 

world-economics-associationThe World Economics Association (WEA) : Contrairement à l’ISIPE, cette association internationale regroupe des chercheurs et, dans son manifeste, elle dit chercher à améliorer la pertinence, l’étendue et la profondeur de la pensée économique tout en mettant en lumière son caractère social, et ce, en s’appuyant sur une gouvernance et une adhésion d’acteurs venus des quatre coins du monde.  Tout ceci dans le but de mieux armer les chercheurs afin qu’ils aident l’humanité. Parmi les  engagements de l’association, on retrouve :

Le pluralisme des méthodes, philosophies  et pensées : toute approche qui permet d’aider à la compréhension du monde contemporain est la bienvenue. L’associaient encourage les pensées critiques et le développement de nouvelles idées au service de la société.

L’ouverture : l’association veut s’assurer que ses processus de publication et discussion sont transparents et seront disponibles sur leur site internet. Cette ouverture démocratique s’accompagne d’une ouverture disciplinaire puisque l’association incite les chercheurs à étudier l’économie en prenant en compte son caractère historique, philosophique, et méthodologique.

Le dépassement des frontières de l’économie : l’association reconnait les contributions à la pensée économique qui sont faites par des chercheurs exerçant dans d’autres disciplines et les encourage à devenir membres et à partager leurs connaissances

Tous ces objectifs ont pour but d’être réalisés en collaboration entre des chercheurs d’un maximum de pays. En effet, dans le comité de lancement on trouve entre autre des économistes australiens (Steve Keen), français (André Orléan, Frédéric Lordon) , japonais (Richard C. Koo), indiens (Jayati Ghosh), mexicains (Juan Carlos Moreno-Brid),..