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À quoi servent les nanoparticules ?

Les nanoparticules appartiennent au monde de l’infiniment petit : leur utilisation repose sur la connaissance et la maîtrise du monde nanométrique. On en entend de plus en plus parler depuis quelques dizaines d’années, et leurs propriétés semblent pouvoir avoir de grands bienfaits dans divers domaines, et en particulier celui de l’alimentation. Que sont ces nanoparticules, et à quoi servent-elles ?

Une tentative de définition :

Les nanoparticules sont très variées, dans leurs formes, leur composition chimique, et plus généralement leurs propriétés physiques et chimiques. Il existe donc également des variations dans leur définition, et tous les textes ne s’accordent pas à ce sujet (cf. La définition même d’une nanoparticule et d’un nanomatériau). Mais la définition la plus communément admise concerne leur taille : comme leur nom l’indique, les nanoparticules sont des particules microscopiques, dont la taille est comprise entre 1 et 100 nanomètres (1 nm valant 10-9 m ; c’est l’ordre de grandeur d’une molécule).

L’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) distingue, dans son dossier à ce sujet [1], les nanoparticules des nanomatériaux. Un nanomatériau est « un matériau dont au moins une dimension externe est à l’échelle nanométrique, c’est-à-dire comprise approximativement entre 1 et 100 nm ou qui possède une structure interne ou de surface à l’échelle nanométrique » (définition tirée de la norme ISO TS 80004-1), alors qu’une nanoparticule a ses trois dimensions à l’échelle nanométrique (contrairement par exemple aux nanotubes de carbone, dont une des trois dimensions n’est pas à l’échelle nanométrique). Mais ce n’est pas la définition adoptée par la Commission européenne par exemple (cf. voir la page sur la définition), qui parle d’un seuil de 50 % de nanoparticules pour définir un nanomatériau. La définition même des nanoparticules est donc discutée.

 

Une échelle : le nanomètre

Selon Éric Gaffet, chercheur au CNRS avec qui nous avons eu un entretien, il n’y a pas de raison scientifique de définir ainsi les nanoparticules : pourquoi par exemple s’arrêter à 100 nm, pourquoi pas 110, ou 200 ? Il n’y a pas de réel changement des propriétés physiques qui correspondrait au seuil de 100 nm. Mais la réglementation a besoin d’une définition, d’où la nécessité de trancher. Ainsi, la définition officielle adoptée en France est celle du Règlement européen concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires (INCO), mise en place en 2011, pour réglementer notamment la déclaration et l’étiquetage des nanomatériaux [2].

Des propriétés physico-chimiques prometteuses :

Les nanomatériaux ont, par leur très petite taille, des propriétés physico-chimiques particulières et différentes des substances « classiques ». L’Association de veille et d’information civique sur les enjeux des nanosciences et des nanotechnologies (AVICENN) l’explique sur son site d’information VeilleNanos [3]. Les nanoparticules ont une plus grande surface spécifique (i.e. la superficie de la surface réelle, divisée par la masse ou par le volume) que les particules classiques, ce qui les rend plus réactives (comme le résume l’association Agir pour l’Environnement dans son dossier de presse du 27/10/2016 [4] : « Le principe est simple : plus une particule est petite, plus elle est réactive »). Des matériaux peuvent aussi acquérir de nouvelles propriétés à l’échelle nanométrique : par exemple, l’or est totalement inactif à l’échelle micrométrique alors qu’il devient un excellent catalyseur de réactions chimiques lorsqu’il prend des dimensions nanométriques [1].

Ce sont ces propriétés qui sont exploitées dans l’industrie, dans tous les domaines : automobile, cosmétique… et en particulier, agro-alimentaire.

Les nombreuses usages et bénéfices des nanoparticules dans l’alimentation

Les nanoparticules utilisées dans l’alimentation le sont de deux manières : dans les aliments eux-mêmes (en particulier, les additifs alimentaires), et dans les emballages. Chaque sorte de nanoparticule a un rôle précis et permet d’améliorer la qualité du produit (au sens large : aliment et emballage) d’une certaine façon. Étant données leurs nombreuses propriétés intéressantes dans ce secteur, il est compréhensible que les industriels aient voulu les utiliser pour améliorer leurs produits. À l’origine, les nanoparticules ont en effet fasciné de nombreux secteurs par leurs potentialités, même si aujourd’hui, elles ne sont plus vues du même œil vue l’incertitude qui plane autour de leurs risques sanitaires potentiels.

Les scientifiques qui ont participé au forum NanoRESP en octobre 2015 [5] ont rappelé à cette occasion plusieurs avantages des nanoparticules — qui sont bien réels, mais dont le caractère essentiel est questionné par certains. Les deux nanoparticules suivantes sont beaucoup utilisées dans les additifs alimentaires :

  • Le dioxyde de titane TiO2 (dont le « code » officiel en tant qu’additif est E171) est un agent blanchissant pour les confiseries et gâteaux. C’est une des substances dont on parle le plus dans la discussion autour des nanoparticules : elle est en effet beaucoup utilisée dans l’alimentation (notamment dans les bonbons).

  • Le dioxyde de silicium SiO2 (E551) est un agent anti-agglomérant pour les préparations en poudres (sel, sucre, soupes…), et un modificateur de viscosité pour la sauce tomate, les vinaigrettes, etc.

Applications des nanoparticules dans l’alimentation (hors emballages)

Dans ce même forum, Régis Lebossé, membre du Laboratoire national de métrologie et d’essais (LNE), et Caroline Locre, du Centre technique de Papier (CTP), mentionnent les atouts des nanoparticules pour les emballages alimentaires. En améliorant ces emballages, elles permettent entre autres de lutter contre le gaspillage en multipliant les petits contenants et les portions individuelles, de favoriser le recyclage, et de développer la fonctionnalité de ces emballages (résistance, praticité…). Par exemple :

  • les nanoparticules d’argent ont des propriétés anti-microbiennes et anti-fongiques ;

  • le nitrure de titane dans des films de LDPE (polyéthylène de basse densité) apporte des propriétés mécaniques, des propriétés de barrières aux gaz et des propriétés optiques ;

  • les nanoparticules de zéolite (silicate d’alumine) stabilisent et protègent de l’oxydation les films d’EVOH (ethylène alcool vinylique), matériau très utilisé dans l’emballage rigide alimentaire pour ses propriétés barrières aux gaz.

Une utilité discutée au vu des risques potentiels

Cependant, malgré toutes ces propriétés bénéfiques sur les produits, des études scientifiques ont mis en évidence des effets néfastes de l’ingestion de nanoparticules, dans certaines conditions. Elles n’ont rien prouvé aujourd’hui qui puisse être généralisé de façon catégorique à l’homme, mais elles inquiètent consommateurs et associations, qui en viennent à s’interroger sur l’utilité de ces nanoparticules. Ainsi, selon l’ONG Agir pour l’Environnement, il est tout à fait possible de se passer de dioxyde de titane »[4], qui est « loin d’être essentiel ! Il s’agit essentiellement de rendre plus « attractif » un produit […] ou allonger sa durée de conservation. »[6].

Comme nous l’a signalé Éric Gaffet au cours d’un entretien, il s’agit de mener une étude bénéfices/risques. Avant de décider de continuer à utiliser les nanoparticules, ou au contraire de les supprimer ou de les remplacer par autre chose (ce qui pourrait être possible mais pas forcément immédiat), il convient de s’interroger sur leur utilité réelle, leurs bénéfices pour les aliments et pour la production, et leurs dangers éventuels, qui effraient le consommateur.

Une industrie des nanoparticules bien active

L’utilisation des nanoparticules dans l’industrie alimentaire a connu un fort essor depuis quelques années, étant donnés tous leurs avantages pratiques et économiques, et leurs nombreux effets bénéfiques. D’après Avicenn (site VeilleNanos[3]), près de 1500 laboratoires et entreprises ont déclaré en 2014 avoir importé, produit ou distribué des nanomatériaux en France en 2013. Plus précisément, cela correspond à 54 producteurs / fabricants, 209 importateurs et 1403 distributeurs, tous domaines confondus. Si ces particules s’avèrent finalement être toxiques, il faudra modifier de façon importante le système de production du secteur agro-alimentaire, et de nombreux autres secteurs, pour réussir à s’en passer.

 

 

Références :

[1] INRS (2014, 11 aout). dossier Nanomatériaux, nanoparticules  [en ligne]. in INRS Santé et sécurité au travail. Disponible sur : http://www.inrs.fr/risques/nanomateriaux/terminologie-definition.html  [Consulté le 25/05/2017]

[2] Journal officiel de l’Union européenne (2011, 25 octobre). Règlement (UE) N°1169/2011 de Parlement européen et du Conseil , 46 pages. Disponible sur : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2011:304:0018:0063:FR:PDF  [Consulté le 15/06/2017]

[3] AVICENN, VeilleNanos: Les enjeux des nanosciences et des nanotechnologies [en ligne]. Disponible sur : http://veillenanos.fr/wakka.php?wiki=NanoTechnologies  [Consulté le 09/06/2017]

[4] Agir pour l’Environnement (2016, 27 octobre). Dossier de presse « Nanoparticules de dioxyde de titane (E171) dans les bonbons : Une présence massive et inquiétante – Des risques à ne pas faire courir aux enfants. » Disponible sur : http://www.agirpourlenvironnement.org/DossierPresse_nanodioxydetitanebonbons_APE.pdf  [Consulté le 17/04/2017]

[5] Houdeau E., Ropers M.-H., Lebossé R., Locre C. (2015, 14 octobre), Compte rendu du forum « Les nanomatériaux dans l’alimentation. Quelles fonctions et applications ? Quels risques ? » in Forum NanoRESP. Disponible sur : http://www.nanoresp.fr/wp-content/uploads/2015/11/CR_NanoRESP_Nanoalim_141015_FIN.pdf  [Consulté le 17/04/2017]

[6] Agir pour l’Environnement (2016, 15 juin). Dossier de presse « Les nanoparticules dans l’alimentation : dangereuses, inutiles et incontrôlées… un moratoire s’impose ! ». Disponible sur : http://www.agirpourlenvironnement.org/sites/default/files/communiques_presses/160613_Dossier_de_presse_Enquete_Nano.pdf  [Consulté le 16/06/2017]

Images :

Avicenn.  Une échelle : le nanomètre [schéma explicatif] in VeilleNanos.fr

Anses (2014)  Applications des nanoparticules dans l’alimentation (hors emballages), [tableau]. Disponible sur : http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/Rapport_public_format_final_20131125.pdf   Cité par [Houdeau E., Ropers M.-H., Lebossé R., Locre C. (2015, 14 octobre), Compte rendu du forum « Les nanomatériaux dans l’alimentation. Quelles fonctions et applications ? Quels risques ? » in Forum NanoRESP. Disponible sur : http://www.nanoresp.fr/wp-content/uploads/2015/11/CR_NanoRESP_Nanoalim_141015_FIN.pdf  [Consulté le 17/04/2017]  ]