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Les nombreux risques sanitaires

« Pour l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), bien qu’aucune donnée impliquant l’homme de façon directe n’existe, les effets sur la santé observés in vitro ou sur l’animal sont interprétés comme la preuve de leur toxicité, et a minima comme suffisants pour justifier un certain nombre de précautions. L’Anses rappelle que  les recherches effectuées ont montré « la capacité des matériaux à franchir les barrières physiologiques ». Parmi les dangers on retrouve des  effets cancérogènes, génotoxiques, une persistance et donc une accumulation dans le corps,  ainsi qu’un impact sur le système nerveux. »

                                                                                                                                  Rédaction de l’encyclopédie « Techniques de l’ingénieur »[1]

Les nanoparticules étant utilisées dans notre alimentation, il est bien sûr essentiel de s’intéresser à leur influence sur la santé. Néanmoins, le nombre d’études faites sur la toxicité des nanoparticules reste faible par rapport aux nombre total d’études sur leurs bienfaits. Par ailleurs, il existe des débats sur les véritables effets des nanoparticules sur le corps humain, controverses alimentées par le fait que la nanotechnologie améliore certaines qualités de l’alimentation, comme la couleur, le goût, la texture, etc. ; l’évaluation des risques des nanoparticules reste cependant insuffisante. Par exemple, certaines études soulignent la basse concentration des nanoparticules utilisées comme additifs alimentaires dans les aliments, quand d’autres étudient la pénétration de ces nanoparticules dans les corps d’animaux, ainsi que leurs risques de toxicité. La divergence des conclusions résulte notamment de la difficulté de transposer à l’homme les résultats effectués en laboratoire, dans des conditions précises, et sur des animaux.

Malgré cela, de plus en plus d’études sont menées sur les risques potentiels des nanoparticules. Ces derniers sont liés à la nature même des nanoparticules. Leurs dimensions nanoscopiques les dotent de propriétés physiques, chimiques ou biologiques particulières, qu’il s’agisse de résistance, d’élasticité, de conductivité ou de réactivité — ce pourquoi elles sont utilisées. Mais leurs propriétés peuvent avoir des effets non recherchés : les nanoparticules inhalées ou ingérées peuvent notamment pénétrer dans les poumons ou dans le sang, et franchir les barrières physiologiques protégeant l’organisme.

Cela peut-il représenter un danger pour le consommateur ? C’est ce que semblent suggérer certaines études scientifiques, qui montrent (dans certaines conditions définies, et sur des animaux de laboratoire) des effets toxicologiques néfastes. Intéressons-nous à quelques aspects abordés par ces études, et qui inquiètent le consommateur (à tort ou à raison ? Aucune étude ne montre pour l’instant de façon sûre de dangers pour le consommateur… voir Une preuve scientifique discutable) : les effets entérotoxiques, immunotoxiques, génotoxiques, cytotoxiques, cancérogènes potentiels et reprotoxiques de ces particules.

Entérotoxicité

L’entérotoxicité concerne tout phénomène en lien avec des troubles digestifs ou des perturbations intestinales. Or, d’après des études in vitro puis in vivo, des chercheurs ont trouvé des nanoparticules provenant d’additifs alimentaires dans l’intestin, le foie, et le sang des animaux de laboratoire. Les nanoparticules, en traversant les parois physiologiques de l’intestin, auraient ainsi un effet entérotoxique. 

Entérotoxicité

– Résultats in vitro (en tube)

L’équipe de Toxalim de l’INRA a déjà étudié l’exposition orale aux nanoparticules de dioxyde de titane (TiO2) par expérimentation sur des animaux en 2014[2]. Le devenir des particules dans l’intestin chez le rat a été étudié par imagerie après une semaine de traitement par de l’E171 (le code de l’additif alimentaire correspondant TiO2).

Les chercheurs ont ainsi observé la présence des particules dans les plaques de Peyer du jéjunum (partie centrale de l’intestin grêle), dans les cellules épithéliales du côlon (partie du gros intestin), et également dans le foie (dans lequel elles sont parvenues par la veine porte). Les particules traversent les parois de l’intestin (plus particulièrement, elles traversent certaines cellules, les entérocytes, ou les contournent), et passent dans le sang.[3]

– Résultats in vivo (en organisme vivant)

En janvier 2017, l’INRA a publié ses nouveaux résultats sur l’additif alimentaire E171[3]. Les chercheurs ont exposé des rats au E171 (exposition orale), plus précisément à une dose de 10 mg par kilogramme de poids corporel et par jour, ce qui est proche de l’exposition alimentaire humaine (données de l’European Food Safety Agency, septembre 2016). Ils montrent pour la première fois in vivo que le dioxyde de titane est absorbé par l’intestin et passe dans la circulation sanguine. Les chercheurs ont en effet retrouvé des particules de dioxyde de titane dans le foie des animaux.

Les nanoparticules ne restent donc pas dans l’intestin, en attente d’être éjectées de l’organisme, mais se propagent un peu dans le corps, et s’accumulent à certains endroits, notamment dans le foie. Cela inquiète les consommateurs et certains acteurs, comme Agir pour l’Environnement : il n’est pas absurde d’imaginer que cela pourrait avoir des effets néfastes…

Immunotoxicité

L’immunotoxicité définit l’ensemble des effets néfastes sur le fonctionnement du système immunitaire qui résultent de l’exposition à des substances chimiques. Selon certains chercheurs, les nanoparticules dans le corps pourraient exacerber la réponse inflammatoire et ainsi possiblement augmenter la sévérité de maladies. En particulier, la présence de nanoparticules dans les cellules immunitaires pourrait causer un déséquilibre du système immunitaire.

Immunotoxicité

– Un risque inflammatoire

Dans une expérience qui exposait oralement un rat de laboratoire à des nanoparticules de dioxyde de titane, les chercheurs de l’équipe de R. Tassinari ont mis en évidence en 2014 un risque inflammatoire à court terme de ces nanoparticules[2].

Ainsi, même in vitro et en présence d’antigènes bactériens (de type LPS) qui pré-stimulent les cellules immunitaires, les additifs minéraux particulaires (E171, mais aussi E559 et silicate d’aluminium) peuvent agir comme adjuvants pour la libération de médiateurs immunitaires inflammatoires, en particulier chez des patients souffrant de maladie de Crohn[4].

Cela signifie que dans des conditions où une maladie inflammatoire intestinale s’installe ou est installée, la présence de dioxyde de titane, de silice ou de silicate d’aluminium est susceptible, en raison de leurs propriétés d’adjuvants, d’exacerber la réponse inflammatoire. Peut-être serait-ce là la véritable nature du danger : augmenter la sévérité des maladies…

– Conséquences immunitaires et systémique

Par ailleurs, la même expérience a prouvé aussi la présence de dioxyde de titane dans les cellules immunitaires, y compris dans leur ADN. Le prolongement du traitement oral se traduit par une diminution des lymphocytes T régulateurs (Treg, impliqués dans la tolérance orale) et des cellules dendritiques (présentatrices d’antigènes). Il en résulte un déséquilibre immunitaire, à cause d’un effet immunosuppressif au niveau intestinal. Au niveau de la rate se manifeste un effet pro-inflammatoire, en particulier pour certains médiateurs connus comme facteurs de susceptibilité aux maladies auto-immunes.

De même, selon les résultats de l’INRA publiés en 2017 sur l’E171, les chercheurs montrent aussi un déséquilibre des réponses immunitaires, allant d’un défaut de production de cytokines (substances synthétisées par les cellules du système immunitaire) dans les plaques de Peyer au développement d’un terrain micro-inflammatoire dans la muqueuse du côlon. Dans la rate, représentative de l’immunité systémique, l’exposition au E171 augmente la capacité des cellules immunitaires à produire des cytokines pro-inflammatoires, lorsqu’elles sont activées in vitro.

En plus d’être stockées dans l’organisme et de s’y propager, les nanoparticules de dioxyde de titane (notamment) provoqueraient ainsi un dérèglement du système immunitaire, ce qui représenterait un danger sanitaire important. Celui-ci est apparemment montré de façon claire pour le rat, dans les conditions du laboratoire.

Génotoxicité

Les études que l’on a vues jusqu’à maintenant s’intéressent à un dérèglement général de l’organisme, en particulier du système immunitaire. Mais les nanoparticules pourraient agir sur l’ADN lui-même. La génotoxicité décrit ainsi la propriété d’agents chimiques à endommager l’information génétique au sein d’une cellule, ce qui provoque des mutations. Or, des études sur les nanoparticules d’argent (AgNP) et plusieurs nanomatériaux à oxyde de métal ont montré une altération de l’ADN, des ruptures chromosomiques et une augmentation du taux de mutation. On change ainsi de nature des nanoparticules (l’argent et plus le dioxyde de titane) : celle-c présenteraient donc des risques non seulement à cause de leur taille, mais aussi à cause de leur nature chimique.

Génotoxicité

– Génotoxicité de l’AgNP :

Un groupe du département de chimie de l’Université nationale de Singapour a étudié en 2009 la génotoxicité de nanoparticules d’argent dans les cellules humaines[5]. Il s’est intéressé à l’endommagement de l’ADN par l’AgNP (en utilisant un dosage de comète et un test de micronoyau bloqué par cytokinesis). Une altération de l’ADN a alors été observée, altération étendue et dépendant de la dose. En outre, les résultats du dosage du micronoyau bloqué par les cytokinesis montrent des ruptures chromosomiques dans les cellules traitées par l’AgNP, ruptures qui sont absentes des cellules non traitées. L’étendue du dommage à l’ADN était aussi beaucoup plus élevée dans les cellules cancéreuses, et des nombres significatifs de micronoyaux étaient formés dans des cellules cancéreuses. L’AgNP a donc des conséquences destructrices sur l’ADN…

– Génotoxicité de nanomatériaux à oxyde de métal :

L’équipe de Robert Landsiedel a fait en 2010 un test sur les nanomatériaux à oxyde de métal en relation à la sécurité humaine[6]. Parmi eux, Wang et al. ont révélé des effets génotoxiques de particules très fines de TiO2 lorsque les cellules étaient exposées à des concentrations élevées de ces particules (130 mg.ml-1). Xu et al. ont démontré que différentes particules de TiO2(5 et 40 nm de taille) augmentaient le taux de mutation dans les embryons primaires de souris de manière dépendante de la dose. Enfin, Yang et al. ont montré que la génotoxicité des nanoparticules sur l’ADN pourrait principalement être due à la forme des particules plutôt qu’à leur composition chimique : les nanoparticules ont en effet des propriétés très différentes, notamment physiques : leurs formes varient d’une substance sur l’autre…

Résultat de recherche d'images pour "morphologie et la viabilité des cellules"

L’ADN nucléaire d’une cellule d’eucaryote est situé dans des chromosomes au sein du noyau.

Cytotoxicité

La cytotoxicité est la propriété d’une substance à être toxique pour les cellules, éventuellement jusqu’à les détruire. Cela ne s’attache plus à l’ADN spécifiquement, mais aux cellules entières. Des études ont été faites pour des nanoparticules de différentes compositions chimiques : les effets sur la morphologie et la viabilité des cellules varient selon la composition chimique. Le mécanisme connu commun à l’endommagement cellulaire des protéines, de la chaîne respiratoire mitochondriale, etc., est la production de dérivés réactifs de l’oxygène et le stress oxydatif.

Cytotoxicité

- Effets de l'AgNP sur la morphologie et la viabilité des cellules :

L’expérience menée en 2009 par l’équipe du département de chimie de l’Université nationale de Singapour, dont nous avons parlé plus haut (elle visait à étudier la génotoxicité de nanoparticules d'argent pour les cellules humaines), s'est d'abord intéressée à la cytotoxicité.

L'effet premier de l'exposition des cellules à ces nanoparticules, est l'altération de leur forme ou de leur morphologie dans une culture monocouche. Les observations microscopiques des cellules traitées ont montré des changements morphologiques distincts qui indiquaient nettement les cellules malsaines. Et les nanoparticules seraient bien a l'origine du problème : les taches orange foncé observées sur la surface d'une cellule pourraient être dues à l'adsorption de nanoparticules sur la surface de la cellule. [6]

Puis, les essais de viabilité sont des étapes essentielles dans l'étude de la toxicité, car ils montrent la réponse cellulaire à un agent toxique. Les résultats sont divers. D'abord, le contenu ATP des cellules n'a pas été significativement affecté à 24 h d'incubation en présence de nanoparticules. Puis une expérience de l’équipe de Robert Landsiedel, menée en 2010 sur des nanomatériaux à oxyde de métal, aboutissent à différnets résultats. La réoxydation dans des cellules cancéreuses de souris a diminué de manière significative lorsque les cellules ont été exposées au ZnO, alors qu'une exposition à d'autres nanoparticules d'oxyde métallique telles que Fe3O4, TiO2, Al2O3 et CrO3 n'a eu aucun effet mesurable sur les cellules. [21] Par ailleurs, Lin et al. ont rapporté que les nanoparticules de SiO2 réduisent la viabilité des cellules dérivées du carcinome bronchiolo-alvéolaire humain de manière dépendante du temps et de la dose.

- Stress oxydatif de AgNP :

Également selon les résultats de l’équipe de R. Landsiedel, le stress oxydatif (i.e. l'agression de la cellule par des espèces réactives oxygénées ou oxydantes) induit par les nanomatériaux est une voie essentielle par laquelle ces nanomatériaux induisent des dommages cellulaires.

Les études ont clairement montré que la composition chimique des nanoparticules est le facteur qui influence de façon la plus décisive la formation des dérivés réactifs de l'oxygène (DRO) dans les cellules épithéliales pulmonaires. [22]

Le rôle de la taille, de la forme et de la composition des particules pour induire un stress oxydatif a été évalué notamment pour le dioxyde de silicium SiO2, l'oxyde de zinc ZnO et les nanotubes de carbone. Les effets étaient différents : le ZnO induisait significativement plus de dégâts oxydatifs que les autres nanomatériaux. Comme le SiO2 et le ZnO avait une forme cristalline et une taille similaires, cela confirme que la toxicité ne dépend pas que des propriétés physiques des nanoparticules, mais peut être aussi attribuée à leur composition chimique. [23]

Dans l’expérience étudiant la génotoxicité des nanoparticules d'argent sur les cellules humaines, en 2009, le stress oxydatif avait des effets spécifiques dans les cellules : notamment, l'ADN et les protéines avaient subis des dommages oxydatifs. L'analyse a montré une augmentation significative de la production de peroxyde d'hydrogène et de superoxyde dans des cellules traitées avec 25 et 50 g / mL de nanoparticules d'argent AgNP.

- Chaîne respiratoire mitochondriale, synthèse d'ATP et production des dérivés réactifs de l'oxygène (DRO) :

La même expérience sur la génotoxicité des nanoparticules d'argent mentionnée plus haut, a montré que la racine du dysfonctionnement mitochondrial en toxicologie est la production de dérivés réactifs de l'oxygène, et le stress oxydatif subséquent. Le stress oxydatif est ainsi un mécanisme commun au dommage cellulaire causé par les nanoparticules.

- Effet d'AgNP sur le cycle cellulaire :

Cette équipe a aussi conclu que le stress oxydatif dans les cellules traitées par des nanoparticules d'argent indiquait la possibilité d'un endommagement de l'ADN, ce qui sera mis en évidence dans la progression du cycle cellulaire. Les résultats de l’influence sur le cycle cellulaire signifie donc un endommage à l’ADN.

Pour conclure sur la cytotoxicité, toutes ces études montrent les effets de certaines nanoparticules sur les cellules, effets qui varient en fonction de la nature de ces particules et de la dose utilisée, mais qui sont souvent néfastes. Le stress oxydatif des cellules est une manière d'endommager apparemment privilégiée par les nanoparticules.

Potentiel cancéreux

Nous en venons bien sûr au cancer : la génotoxicité et la cytotoxicité sont liées à un dérèglement du fonctionnement normal des cellules. Il est donc naturel de se demander si les nanoparticules ne pourraient pas avoir un effet cancérigène.

Un cancer (ou tumeur maligne) est une maladie caractérisée par une prolifération cellulaire (tumeur) anormalement importante au sein d’un tissu normal de l’organisme, de telle manière que la survie de ce dernier est menacée. Toutes ces cellules dérivent d’un même clone, cellule initiatrice du cancer qui a acquis certaines caractéristiques lui permettant de se diviser indéfiniment.

Or, le dioxyde de titane (TiO2) a été classé en 2006 comme cancérigène possible pour l’homme (groupe B2) par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) (quelle que soit sa granulométrie, et pas uniquement sous forme nanoparticulaire). De plus, plusieurs études suggèrent des effets cancérigènes sur les animaux de laboratoire. Plus généralement des études montreraient un effet initiateur et promoteur des nanoparticules pour le cancer.

Potentiel cancéreux

- Effets initiateurs et promoteurs des stades précoces de la cancérogenèse colorectale :

Selon les très récentes études publiées par l'INRA en 2017, dans un groupe de rats sains exposés à l’additif E171, 4 animaux sur 11 ont spontanément développé des lésions pré-néoplasiques (i.e. "avant la croissance" : lésions qui apparaissent avant la tumeur ; ce sont donc des marqueurs d'un possible développement cancéreux) sur l’épithélium intestinal. Les animaux non exposés n’ont présenté aucune anomalie à la fin des cents jours de l’étude. Ces résultats indiquent un effet initiateur et aussi promoteur de l'E171 sur les stades précoces de la cancérogenèse colorectale chez l’animal.

- Adduits d'ADN et cancer :

L'équipe de R. Foldberg a étudié en 2009 la cytotoxicité et la génotoxicité des nanoparticules d'argent dans la lignée cellulaire de cancer du poumon humain[24]. Les chercheurs ont étudié la modification de l'ADN par l’adduit (i.e. fixation sur l'ADN) d'ADN volumineux, qui a été observé après exposition à des produits chimiques et des particules, par exemple des "particules fines", de diamètre compris entre 1,0 et 2,5 micromètres (Sorensen et al., 2003). Si ce n'est pas réparé, des adduits d'ADN volumineux pourraient provoquer des mutations conduisant au cancer (Smith et al., 2000). Ils ont constaté une augmentation du niveau d'adduit d'ADN volumineux après exposition à des nanoparticules d'argent pendant 24 h (résultats qui dépendent de la dose).

Cela signifierait donc que l’exposition à des nanoparticules AgNP pourrait causer un cancer.

Reprotoxicité [7]

Enfin, la reprotoxicité concerne tout phénomène de toxicité (substances, rayonnements…) pouvant altérer la fertilité de l’homme ou de la femme, ou altérer le développement de l’enfant à naître (avortement spontané, malformation…). Des études ont trouvé une internalisation des nanoparticules dans des cellules germinales, chez les hommes et les femmes, ce qui suggère une risque, par exemple une perturbation de la maturation ovocytaire. De plus, une diminution de la fertilité sur plusieurs générations après une exposition chronique aux nanoparticules de titane a déjà été observée.

Reprotoxicité

- Effets sur la lignée spermatique et le testicule :

Le terme général de reprotoxicité désigne deux aspects : la toxicité développementale et la toxicité sur la reproduction. Les études in vitro ont montré que les nanoparticules peuvent être internalisées par différents types de cellules du testicule.

Parmi les découvertes, Braydich- Stolle et al.[8] ont décrit la présence de nanoparticules d’aluminium dans le cytoplasme des spermatogonies, sans pénétration nucléaire. Komatsu et al.[9] ont montré une internalisation par endocytose de nanoparticules de titane au niveau du cytoplasme de cellules de Leydig. Enfin, Wiwanitkit et al.[10] ont mis en évidence une internalisation de nanoparticules d’or dans les spermatozoïdes humains. Les nanoparticules semblent donc pouvoir pénétrer dans différentes cellules germinales de l'homme.

- Effets sur les cellules gonadiques féminines :

Hou et al.[11] ont étudié chez le rat l’effet des nanoparticules de dioxyde de titane sur le développement in vitro des follicules prénataux. Ils ont décrit des anomalies morphologiques des follicules, ainsi qu’une diminution du taux d’ovocytes matures dans les follicules exposés par rapport aux contrôles non exposés.

Après exposition in vivo de souris aux nanoparticules de titane par voie orale, plusieurs études[12] ont montré une bio distribution des nanoparticules au niveau ovarien, une diminution de la fertilité et une augmentation du taux d’œstradiol et du nombre de follicules aréiques. Sur un modèle de crustacé (Daphnia magna), Jacobasch et al.[13] ont observé une diminution de la fertilité sur plusieurs générations après une exposition chronique aux nanoparticules de titane.

En 2012, Xu et al.[14], ont montré que des quantums dots (QDs) conjugués à la transferrine affectaient la maturation ovocytaire, interféraient avec le processus de maturation ovocytaire et perturbaient le signal entre les cellules germinales et les cellules somatiques gonadiques. L’équipe de Wang[15] a également retrouvé une diminution du taux d’ovocytes matures dans les follicules exposés in vitro par rapport aux contrôles non exposés, et une accumulation des QDs dans les cellules folliculaires.

Cependant, les travaux réalisés sur la reprotoxicité de nanoparticules métalliques ont donné des résultats contrastés : après exposition in vivo de rats à des nanoparticules de zinc, Ensmaeillou et al.[16] n’ont pas décrit de perturbation des taux de FSH (hormone folliculo-stimulante), de LH (hormone lutéinisante) et œstradiol circulants. Néanmoins, Tiedemann et al.[17] ont décrit l’internalisation de nanoparticules d’or dans les ovocytes porcins après exposition in vitro, mais une accumulation des nanoparticules d’argent et d’alliage or-argent dans les cellules du cumulus, sans pénétration ovocytaire. Seules les nanoparticules d’Argent et celles d’alliage or-argent comportant plus de 80 % d’argent altéraient la maturation cumulo-ovocytaire in vitro.

Enfin en 2014, l’équipe de F. Greco a étudié l’impact génotoxique de l’exposition in vitro aux nanoparticules de dioxyde de cérium sur les ovocytes et les cellules folliculaires de souris par le test des comètes[18]. Ils ont montré d’une part, un effet génotoxique sur les deux types cellulaires expliqué par une génotoxicité directe mais aussi indirecte, et d’autre part une endocytose des nanoparticules de dioxyde de cérium par les cellules folliculaires seulement[19].

Les risques sont donc multiples : les nanoparticules, à cause de leur taille, peuvent traverser les parois de l'intestin et se répandre dans l'organisme. Elles perturbent alors le système immunitaire, et altèrent les cellules jusqu'à l'ADN. Elles pourraient donc favoriser le développement de cancers. Elles pourraient enfin avoir des effets néfastes sur la reproduction. Pourquoi diable alors les utiliser, étant donnés tous ces risques apparemment prouvés scientifiquement ?

 

Références :

[1] Loubens, A. (2014), L’ANSES s’alarme de la toxicité des nanoparticules. [en ligne] in Technique De L’ingénieur. Disponible sur https://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/articles/lanses-salarme-de-la-toxicite-des-nanoparticules-24635/#pub [consulté le 09/06/2017]

[2] Houdeau, E., Ropers, M-H., Lebossé, R., et Al. (2015), Compte rendu du forum « Les nanomatériaux dans l’alimentation. Quelles fonctions et applications? Quels risques? », 18 pages. . Disponible sur http://www.nanoresp.fr/wp-content/uploads/2015/11/CR_NanoRESP_Nanoalim_141015_FIN.pdf [consulté le 15/06/2017]

[3] Institut National de la Recherche Agronomique INRA (2017), Additif alimentaire E171 (2017): les premiers résultats de l’exposition orale aux nanoparticules de dioxyde de titane. [en ligne] in INRA Science & Impact. Disponible sur http://presse.inra.fr/Communiques-de-presse/Additif-alimentaire-E171 [consulté le 09/06/2017]

[4] Tassinari R et al. (2013), Oral, short-term exposure to titanium dioxide nanoparticles in Sprague-Dawley rat: focus on reproductive and endocrine systems and spleen. in Nanotoxicology,  8(6):654-62.

[5] ,, G., (2009). Cytotoxicity and Genotoxicity of Silver Nanoparticles in Human Cells. in ACS Nano, 3 (2):279–290.

[6] Landsiedel, R., Ma-Hock, L., Kroll, A., et Al. (2010). Testing Metal-Oxide Nanomaterials for Human Safety. in Advanced Materials, 22(24):2601-2627.

[7]Greco F. , Courbière B. ,Rose J. Rose, et Al. (2014), Reprotoxicité des nanoparticules. in Gynécologie Obstétrique & Fertilité, 43 (1) 49–55.

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[12] Gao G., Ze Y., Li B., et al.(2012) Ovarian dysfunction and gene-expressed characteristics of female mice caused by long-term exposure to titanium dioxide nanoparticles. in Journal of Hazardous Materials 243: 19–27.

[13] Jacobasch C., Volker C., Giebner S., et al.(2014) Long-term effects of nanoscaled titanium dioxide on the cladoceran Daphnia magna over six generations. in Environmental Pollution, 186: 180–6.

[14] Xu G., Lin S., Law W-C., et al.(2012) The invasion and reproductive toxicity of QDS-transferrin bioconjugates on preantral follicle in vitro. in Theranostics, 2(7):734–45

[15] Wang X., Yong K-T., Xu G., et al. (2010) The Invasion and Reproductive Toxicity of QDs-Transferrin Bioconjugates on Preantral Follicle in vitro. in Theranostics. 2012; 2(7): 734–745.

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[21] Jeng H. A., Swanson J. (2006), Toxicity of metal oxide nanoparticles in mammalian cells. in Journal of Environmental Science and Health A, 41(12):2699-711.

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[23]Yang H., Liu C., Yang  D.,et Al. (2008) Comparative study of cytotoxicity, oxidative stress and genotoxicity induced by four typical nanomaterials: the role of particle size, shape and composition. in Journal of Applied Toxicology, 29(1):69–78.

[24] Foldbjerg E., Anh Dang D., Autrup H. (2009) Cytotoxicity and genotoxicity of silver nanoparticles in the human lung cancer cell line, A549. in Archives of Toxicology 85:743–750.

Images:

Wikipédia (2015), L’ADN nucléaire d’une cellule d’eucaryote est situé dans des chromosomes au sein du noyau [Dessin scientifique], CC BY-SA 3.0 . Disponible sur  https://fr.wikipedia.org/wiki/Acide_d%C3%A9soxyribonucl%C3%A9ique#/media/File:Eukaryote_DNA-fr.svg  [Consulté le 18/06/2017]