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La définition même d’une nanoparticule et d’un nanomatériau

La définition des produits de la nanotechnologie dans l’alimentation est débattue sur deux points : qu’est-ce qu’une nanoparticule, et qu’est-ce qu’un nanomatériau. En effet, les nanoparticules ne sont jamais pures dans un aliment, mais leur incorporation dans un ingrédient forme ce qu’on appelle un nanomatériau, dont on sépare souvent la définition de celle des nanoparticules. et c’est sur ce dernier que l’on légifère.

La définition précise de ce qu’est un nanomatériau est donc un enjeu fondamental du problème. En effet, non seulement elle détermine quels produits seront concernés par les réglementations, mais elle est également nécessaire pour synchroniser les différentes études concernant les effets de ces nanomatériaux sur la santé, qui actuellement peuvent utiliser différentes définitions de leur objet d’études.

Aujourd’hui, bien que des définitions soient adoptées d’un point de vue légal, nous allons voir qu’elles ne font pas l’unanimité.

La définition actuelle

La définition légale utilisée en France et dans la plupart des pays est celle établie par la Commission Européenne :

On entend par «nanomatériau» un matériau naturel, formé accidentellement ou manufacturé contenant des particules libres, sous forme d’agrégat ou sous forme d’agglomérat, dont au moins 50 % des particules, dans la répartition numérique par taille, présentent une ou plusieurs dimensions externes se situant entre 1 nm et 100 nm.

Recommandation de la Commission Européenne du 18 octobre 2011[1]

(pour voir une liste des définitions utilisées dans d’autres pays, se reporter à l’annexe 2 de [2])

Mais il existe certaines variations de cette définition, par exemple celle donnée par l’Organisation internationale de normalisation (ISO : International Organisation for Standardisation) :

 Matériau possédant une dimension externe ou une structure interne ou de surface à l’échelle nanométrique, en entendant par échelle nanométrique une plage de 1 à 100nm.

Norme ISO TS 80004-1 citée dans le rapport
« Évaluation des risques liés aux nanomatériaux » de l’ANSES[2]

Quels problèmes ?

Ces deux définitions sont très proches, mais présentent tout de suite une différence fondamentale : contrairement à la norme ISO, la Commission Européenne ne considère pas comme nanomatériau une substance qui contiendrait 40% de nanoparticules. C’est cet aspect qui permet aujourd’hui à certains industriels de l’agro-alimentaire d’affirmer que leurs produits ne contiennent pas de nanoparticules. En effet, aucun des ingrédients utilisés n’est un nanomatériau devant la loi. Ce problème est dénoncé par Les Amis de la Terre[6], qui jugent ce seuil bien trop élevé. Ils s’appuient notamment sur un rapport du Comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux (SCENIHR), datant de 2010 [4], qui préconisait un seuil de 0.15% seulement.

Outre ce point de désaccord, le site veillenanos[5] en identifie un autre : le seuil de 100nm, bien que largement adopté dans les réglementations existantes[2], reste contesté par des associations comme Agir pour l’environnement ou les Amis de la Terre[6]. Ceux-ci s’appuient de nouveau sur le rapport du SCENIHR[4], qui recommandait de distinguer plusieurs catégories de nanoparticules en fonction de leurs tailles, sans s’arrêter à 100 nm mais en allant jusqu’à 500nm, car « il n’existe pas d’effet de seuil à 100nm pour les effets nano-particulaires ». En clair, 100nm n’est pas une taille miracle à partir de laquelle une particule acquiert des propriétés exceptionnelles : ces propriétés peuvent très bien se manifester bien avant (ce que nous a confirmé Éric Gaffet, chercheur au CNRS avec qui nous avons eu un entretien : selon lui, la définition de la règlementation est assez artificielle).

Cette première définition européenne a mené à la définition des nanomatériaux manufacturés utilisée dans le règlement (UE) No 1169/2011, qui concerne « l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires » : c’est cette définition (ci-dessous) qui est utilisée pour déterminer si la mention « nano«  doit figurer sur l’étiquette d’un produit.

Nanomatériau manufacturé :

Tout matériau produit intentionnellement présentant une ou plusieurs dimensions de l’ordre de 100 nm ou moins, ou composé de parties fonctionnelles distinctes, soit internes, soit à la surface, dont beaucoup ont une ou plusieurs dimensions de l’ordre de 100 nm ou moins, y compris des structures, des agglomérats ou des agrégats qui peuvent avoir une taille supérieure à 100 nm mais qui conservent des propriétés typiques de la nano-échelle.
Les propriétés typiques de la nano-échelle comprennent:

  • Les propriétés liées à la grande surface spécifique des matériaux considérés
  • Des propriétés physico-chimiques spécifiques qui sont différentes de celles de la forme non nanotechnologique du même matériau

Règlement (UE) No 1169/2011[7]

On remarque ici que comme la réglementation est fondée sur la définition précédente, elle ne concerne que des matériaux « produits intentionnellement ». Ainsi, toutes les nanoparticules qui sont présentes dans un ingrédient à cause de son procédé de fabrication, mais non exploitées en tant que telles, ne sont aujourd’hui pas concernées par l’obligation d’étiquetage (cf Réglementation et transparence).

Comment cela a-t-il évolué ?

Il est écrit dans la recommandation de la Commission Européenne qui fixe la définition d’un nanomatériau :

La définition établie aux points 1 à 5 sera réexaminée, pour décembre 2014, à la lumière de l’expérience et des évolutions scientifiques et techniques. Ce réexamen devra particulièrement se focaliser sur la question de savoir s’il y a lieu de relever ou d’abaisser le seuil de 50 % fixé pour la répartition numérique par taille.

Recommandation de la Commission Européenne[1]

Or, encore aujourd’hui en 2017, il n’y a toujours eu aucun amendement à cette définition. Il convient toutefois de rappeler qu’il est très difficile de relier les nanoparticules alimentaires à des troubles de santés, tant les moyens d’exposition sont nombreux et difficilement quantifiables (cf. Une preuve scientifique discutable). Or, tant qu’un risque avéré pour l’homme causé par ces nanoparticules n’aura pas été prouvé, il semble que la situation restera à l’état actuel.


Références :

[1] Journal officiel de l’Union Européenne (2011, 18 octobre)  Recommandations de la commission du 18 octobre 2011 relative à la définition des nanomatériaux, 3 pages. disponible sur http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32011H0696&from=FR [Consulté le 15/06/2017]

[2] Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. (2014) Évaluation des risques liés aux nanomatériaux. Enjeux et mise à jour des connaissances, 196 pages. Disponible sur https://www.anses.fr/fr/system/files/AP2012sa0273Ra.pdf [Consulté le 15/06/17]

[4] Scientific Committee on Emerging and Newly Identified Health Risks SCENIHR. (2010) Scientific Basis for the Definition of the Term “Nanomaterial”, 43 pages. disponible sur http://ec.europa.eu/health/scientific_committees/emerging/docs/scenihr_o_030.pdf   [Consulté le 15/07/2017]

[5] Association de veille et d’information civique sur les enjeux de nanosciences et des nanotechnologies Avicenn. (2011) Adoption de la nouvelle définition des nanomatériaux par la Commission européenne : premières réactions et analyses. [en ligne] in Veillenanos.fr. Disponible sur http://veillenanos.fr/wakka.php?wiki=DefinitionNanomateriauxCommissionEuropeenneOctobre  [Consulté le 15/06/2017]

[6]Les Amis de la Terre. (2011) La Commission européenne invente la « nano-réglementation ». [en ligne] in amisdelaterre.org, disponible sur  http://www.amisdelaterre.org/Nanotechnologies-la-Commission.html  [Consulté le 15/06/2017]

[7] Journal officiel de l’Union Européenne. (2011, 25 octobre) Règlement (UE) No 1169/2011 (2011), 46 pages. Disponible sur http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2011:304:0018:0063:fr:PDF  [Consulté le 15/06/2017]