L’État-Nation contre l’Union européenne ?

Quoi ? La France, un état fédéral ?

Dans le débat politique autour des langues régionales, certains opposants aux propositions de lois en faveur des langues régionales voient dans ces textes une avancée vers un modèle d’état plus fédéral. Cet argumentaire est celui de parlementaires ou encore de certains journalistes d’opinion, dont certains craignent même une avancée vers un fédéralisme européen. Par exemple, le député Jean-Luc Laurent considérait lors de la discussion de la loi le Houérou pour la promotion des langues régionales que cette loi était un pas vers le fédéralisme :

«Même s’ils s’en défendent, ce projet valorise l’entre-soi et […] le projet d’une France fédérale avec plusieurs langues et plusieurs législations.» [1]

La tribune de Laurent Herblay, ancien porte-parole de Nicolas Dupont-Aignan en 2012, dans le Figaro en juin 2015, intitulée «Charte européenne des langues régionales : Hollande nourrit la guerre contre le français», opère un rapprochement entre la Charte européenne des langues régionales et l’idée d’une Europe fédérale :

«On retrouve avec cette charte, la traditionnelle alliance entre cette Europe et les régions pour affaiblir les États-nations qui lui font encore de la résistance.» [2]

Si les positions des politiques sur la question des langues régionales sont en grande partie transpartisanes, on remarque sur le sujet de la Charte européenne des langues régionales que les partis qui s’y opposent le plus clairement sont les partis véhiculant un message souverainiste. Le fait que l’Union Européenne recommande à ses États membres de ratifier la Charte (qui est un texte du Conseil de l’Europe et non de l’Union Européenne) est alors perçu comme une ingérence sur un sujet de politique nationale. Au contraire, les responsables politiques souhaitant voir la Charte ratifiée voient le caractère uniquement incitatif comme le signe que les textes européens, dont la Charte, ne sont pas très contraignants.

D’un autre côté, on constate que les nombreux partis régionalistes français réunis au sein de la fédération Régions et peuples solidaires s’expriment en faveur d’une République fédérale et d’une construction européenne poussée, comme l’illustrent certains articles de la charte de cette fédération :

«Article 1 : combattre le centralisme parisien et celui de l’Europe des états pour réduire les inégalités de développement qu’ils engendrent ou accentuent au détriment de la plupart des régions et peuples.» [3]

«Article 10 : promouvoir en France et en Europe le fédéralisme à base régionale ou communautaire selon les principes d’autonomie, de coopération et de solidarité.» [4]

Cependant, il ne faut bien entendu pas confondre les mouvements régionalistes très minoritaires et l’ensemble des responsables politiques favorables au soutien des langues régionales qui est bien plus important.

 

Maintenant que nous avons compris les enjeux identitaires qui se cachent derrière la question des langues régionales, allons voir deux grands domaines d’application des langues régionales, deux grands combats, deux batailles historiques : les médias et l’éducation. 

 


[1] LAURENT, Discours lors de la discussion générale de la proposition de loi “promotion des langues régionales”, 13/12/2016

[2] HERBLAY, Charte européenne des langues régionales : Hollande nourrit la guerre contre le français, le Figaro, 05/06/2015

[3], [4] Charte de Régions et Peuples Solidaires