10 – Conséquences économiques des régulations

Peut-on évaluer le coût des perturbateurs endocrinien ?

Evaluer le coût de ces substances chimiques en terme de santé publique est une tâche particulièrement compliquée. En effet, comme nous l’avons déjà mentionné précédemment, il est difficile d’estimer précisément la contribution de l’exposition aux perturbateurs endocriniens dans le déclenchement d’une maladie.
De nombreuses études ont cependant été réalisées sur le sujet, comme le mentionne l’étude d’impact commanditée par la Commission Européenne et publiée en 2016. Ces études se basent, pour la grande majorité d’entre elles, sur les conclusions du rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé (State of the Science of Endocrine Disruptors) pour identifier les maladies pouvant être déclenchées ou aggravées par une exposition aux perturbateurs endocriniens (diabète, obésité, troubles du neurodéveloppement…).

Prenons l’exemple de l’étude « Burden and Disease Costs of Exposure to Endocrine-Disrupting Chemicals in the European Union » (Trasande and al, 2015). En analysant notamment les données fournies par des études génétiques et les relations dose-réponses reliant l’exposition aux perturbateurs endocriniens et leurs effets sur la santé, les chercheurs responsables de l’étude ont estimé que la contribution des perturbateurs endocriniens sur de nombreuses maladies comme l’obésité, le diabète, l’infertilité, la baisse de QI ou la cryptorchidie (cf Pathologies potentielles) était probablement supérieur à 20%. Le coût des perturbateurs endocriniens pour l’ensemble de la population européenne serait alors de l’ordre de la centaine de milliards d’euros par an.

Toutes les études mentionnées dans l’étude d’impact de la Commission Européenne estiment que le coût de l’exposition aux perturbateurs endocriniens serait supérieur au milliard d’euros par an pour l’Union Européenne. Elle conçoit néanmoins que les conclusions de ces diverses études doivent être analysées et traitées avec grande précaution compte tenu des incertitudes sur les méthodes de calcul employées et les données utilisées.

 

Quelles pourraient être les conséquences de la régulation de ces substances sur l’industrie et l’agriculture ?

De très nombreuses substances chimiques sont utilisées par les industriels ou les agriculteurs, que ce soit pour combattre les ravageurs et les espèces indésirables aux plantes ou améliorer la conservation de produits alimentaires et cosmétiques. Parmi ces substances, le plus souvent peu coûteuses et faciles à produire, certaines sont suspectées d’être des perturbateurs endocriniens. De nombreuses questions se posent alors : Comment évaluer le rapport bénéfices/risques que présentent ces substances ? Existe-t-il des alternatives moins nocives à celles-ci ?

En effet, sans alternative viable, l’interdiction de certaines substances pourrait avoir des impacts économiques pour les entreprises utilisant ces produits. Des emplois, des usines ainsi que des exploitations agricoles pourraient être en jeu.

Dans son étude d’impact, la commission européenne s’intéresse particulièrement au marché des pesticides et des biocides. Elle estime que la mise en place de critères d’identification des perturbateurs endocriniens aurait un impact sur la compétitivité et l’innovation des industries concernées. Elle admet cependant manquer d’informations pour mesurer précisément cet impact. Enfin, compte tenu notamment du nombre d’acteurs concernés, la commission juge qu’une régulation plus permissive à l’égard des perturbateurs endocriniens serait également plus favorable à l’innovation et la recherche dans ces deux secteurs.

La FNSEA a également fait conduire une enquête par le cabinet de consulting Steward Redqueen afin d’évaluer l’impact d’une législation basée sur le danger sur l’agriculture. Elle nous a fait parvenir cette enquête et nous allons donc en donner les principaux résultats.
Selon cette enquête, près de 75 substances (dont 80% sont des perturbateurs endocriniens suspectés) sur les 400 communément utilisées pourraient être retirées du marché. L’étude s’est donc attachée à montrer la valeur de ces 75 substances pour l’agriculture européenne en se concentrant sur sept cultures de base au niveau européen (pommes de terre, vin, maïs, blé, orge, sucre de betterave et colza) et 24 cultures spécifiques dans neuf pays membres.

L’enquête a montré que l’interdiction de ces 75 substances diminuerait la rentabilité moyenne des exploitations européennes de près de 40% et que 1,2 millions d’emplois (relatifs aux cultures de base) seraient menacés. Les rendements de nombreuses cultures diminueraient également drastiquement en cas de législation (jusqu’à -30-40% pour les pommes de terre et le sucre de betterave, -92% pour les carottes ou encore –65% pour les poires). Enfin, l’Union Européenne pourrait être amenée à importer plus de produits de l’étranger (produits pouvant être soumis à bien moins de contrôle et de régulation) car elle ne serait plus auto-suffisante pour de nombreuses cultures de base. Ces nouvelles importations augmenteraient les émissions de gaz à effet de serre de près de 49 millions de tonnes équivalent CO2.

Pour le président de la Commission Environnement de la FNSEA, l’urgence est de développer la recherche scientifique pour trouver des alternances. Tant que des solutions n’ont pas été trouvées pour remplacer ces substances chimiques, il estime qu’une politique de gestion du risque est plus adaptée. A titre d’exemple, la FNSEA a collaboré avec le ministère pour améliorer les protections individuelles des agriculteurs, ceux-ci étant les plus exposés à ces produits chimiques.

 
Sources :

  • Jean-Yves Paillé (2016) Pourquoi le coût économique des perturbateurs endocriniens est-il si important ? La Tribune. Repéré à http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-environnement/pourquoi-le-cout-economique-des-perturbateurs-endocriniens-est-il-si-important-608757.html
  • Attina,T., Hauser,R., Sathyanarayana,S., A.Hunt,P., Bourguignon,J., … Peterson Myers,J. (2016). Exposure to endocrine-disrupting chemicals in the USA : a population-based disease burden and cost analysis. The Lancet Diabetes & Endocrinology, 4(12), 996-1003. http://dx.doi.org/10.1016/S2213-8587(16)30275-3
  • Trasande,L., Zoeller,R.T., Hass,U., Kortenkamp,A., Grandjean,P., … Myers,J.P. (2016) Burden and Disease Costs of Exposure to Endocrine-Disrupting Chemicals in the European Union. Andrology, 4(4), 565-572. Doi: 10.1111/andr.12178
  • European Commission (2016) Impact Assessment: Defining criteria for identifying endocrine disruptors in the context of the
    implementation of the plant protection products regulation and biocidal products regulation. Repéré à https://ec.europa.eu/health/sites/health/files/endocrine_disruptors/docs/2016_impact_assessment_en.pdf
  • Steward redqueen (2016) Cumulative impact of hazard-based legislation on Crop Protection Products in Europa