7 – Interprétation des résultats

Bien que l’on connaisse, en théorie, le mode d’action des perturbateurs endocriniens, il est très difficile de mettre en évidence ces substances. Quand bien même on parvient à définir des protocoles expérimentaux pertinents, encore faut-il pouvoir en tirer des conclusions adéquates. Cette dernière étape est cruciale, mais illustre à elle seule les difficultés techniques posées par les perturbateurs endocriniens. Ainsi, les premiers résultats significatifs concernant ces substances ne sont apparus qu’en 2012 avec la publication d’un rapport de l’OMS. Depuis cette date, les conclusions tirées au sujet de l’impact des perturbateurs endocriniens se multiplient, mais se contredisent, et soulèvent un débat majeur.

 

Pourquoi les résultats dont nous disposons donnent-ils lieu à une telle controverse ?

D’une part, d’après L., chercheur en toxicologie à l’Inserm, les perturbateurs endocriniens sont souvent désignés comme étant responsables de pathologies dont ils ne sont pas les seules causes. Le système endocrinien peut en effet présenter d’autres failles, et certaines pathologies (comme les cancers ou les maladies de Parkinson et d’Alzheimer) peuvent également s’expliquer par des antécédents familiaux, ou par le vieillissement. Le rôle des perturbateurs endocriniens serait donc à nuancer.

D’autre part, le rapport de l’OMS suggère que les études scientifiques concernant l’impact des perturbateurs endocriniens sont souvent biaisées : « There is always a potential bias toward positive study findings, i.e. finding of adverse effects rather than reporting no effects. (notre traduction : Il y a toujours cette envie de mener des études concluantes, dont l’objectif est bien de détecter les effets nuisibles d’une substance que d’en nier la dangerosité.) […] However, there is also, unfortunately, a possibility of the opposite kind of bias that might be in the best interests of a producer to show that its product is safe, and therefore a negative test result is desirable (Cependant, la tendance opposée existe également, et satisfait les intérêts d’un producteur, déterminé à prouver que son produit ne présente aucun risque. Dès lors, l’incapacité à démontrer les risques liées à ce produit devient souhaitable.) . »

Ces études, pouvant s’inscrire dans le cadre de lobbying, aboutissent en effet à des résultats purement contradictoires. A titre d’exemple, l’étude AGRICAN (Agriculture-Cancer) menée par le Centre François Baclesse, l’Université de Caen-Normandie, et l’INSERM remet en question l’impact nocif des perturbateurs endocriniens chez les agriculteurs, pourtant particulièrement exposés à ces substances (pesticides). Si l’OMS décrivait une hausse des maladies endocriniennes (comme le diabète), cette enquête montre au contraire que les décès causés par ces pathologies sont moindres chez les agriculteurs que chez le reste de la population (près de 33% d’écart pour les hommes, et 30% pour les femmes). Le protocole à l’origine de ces résultats n’a toutefois pas été validé par l’ANSES.

 

L’OMS insiste sur la perfectibilité des protocoles actuellement utilisés pour caractériser les perturbateurs endocriniens « Significant knowledge gaps exist as to associations between exposures to EDCs [endocrine disruptors] and other endocrine diseases. (Les connaissances manquent pour relier l’exposition aux perturbateurs endocriniens et les pathologies endocriniennes.) » Les futures avancées technologiques cloront-elles les différents débats nourris par ces interprétations de résultats divergentes ? Rien n’est moins sûr !

 

Sources :

  • Bergman A., Heindel J., Jobling S., Kidd K. and Zoeller R. (2012) –State of the Science of Endocrine Disrupting Chemicals
  • Centre François Baclesse, l’Université de Caen-Normandie, et l’INSERM (2014) – Enquête AGRICAN, Agriculture & Cancer