Entretien avec Claude Didierjean-Jouveau

Pouvez-vous nous présenter un peu votre parcours professionnel ?

Alors ça dépend ce qu’on entend par professionnel parce que voilà… J’ai toute une activité autour justement de l’allaitement et cetera, et qui n’est pas professionnelle. C’est à dire que je suis animatrice de la Leche League depuis maintenant plus de 30 ans mais c’est bénévole. C’est bénévole. Mon parcours professionnel en tant que travailleur payé pour ça, ça n’a rien à voir. Là, maintenant je suis à la retraite mais j’étais bibliothécaire dans une bibliothèque juste à côté d’ici à Cujas.

Donc il y a vraiment un gap entre votre parcours professionnel et …

Tout à fait, ça n’a rien à voir l’un avec l’autre.

Toutes les occupations que vous avez réalisé par rapport à l’allaitement…

C’est tout bénévole

Vous avez fait la Leche League, vous avez fait…

Oui

Vous avez écrit beaucoup de livre

Oui j’ai écrit pas mal de livre, je suis aussi l’éditrice de la revue qui s’appelle « Allaiter aujourd’hui ». Si vous voulez mon CV, vous allez sur mon site, il y a un onglet qui s’appelle me connaître et vous avez tout là dessus.

J’ai un peu regardé, et vous êtes tombé dedans au moment où vous avez eu des enfants, c’est ce que j’ai vu.

Oui c’est ça

Et vous avez commencé à vous intéresser au sujet de l’allaitement.

Oui c’est ça en fait, j’ai eu mon premier enfant en 1976, à une époque où j’étais un peu sensibilisée à tout ce qui était écologie, euh… nourriture bio…. etc etc. Parce que oui, ça existait déjà à cette époque-là (rire). Même au niveau de la naissance, j’aurais voulu accoucher à la maison à ce moment là. J’ai pas trouvé quelqu’un qui…. je ne connaissais pas, j’étais pas du tout dans des réseaux comme ça et en fait je suis tombée sur un article sur la maternité des Lilas dans le magazine Parents et ça m’a donné envie d’aller là, donc j’ai accouché de mon premier enfant aux Lilas. Par contre le deuxième et le troisième sont nés à la maison.

D’accord donc vous avez trouvé le moyen de….

Oui, oui, oui, et j’ai accouché 3 fois avec la même sage femme. La première fois c’était par hasard parce que c’était elle qui était de garde quand j’ai accouché et puis j’ai appris par la suite qu’elle faisait en plus de son travail aux Lilas quelques accouchements à domicile. Elle n’en faisait pas beaucoup mais enfin elle en faisait quelques uns. Comme on se connaissait déjà du premier accouchement, voila. Donc pour moi c’était clair que j’allais allaiter. Plus pour des questions nutritionnelles en fait au départ. Je n’avais pas de durée d’allaitement particulièrement en vue. Je ne me souviens pas dans tout les cas que je me sois dis « je vais allaiter tant de temps » et tout. En fait, sur les médecins que j’ai vu pour les suivis de mon bébé – j’en ai changé plusieurs fois, ce n’est pas évident d’en trouver un qui nous convienne sur tout les points : sur le plan diagnostic, sur le plan traitement, sur le plan relationnel et tout-, et donc un des médecins que je… que l’on avait consulté avait dit que de toute façon il fallait que l’enfant soit sevré à l’apparition des premières dents. C’est un truc qu’on entend encore des fois. Et donc vers trois mois mon bébé à commencé…

A avoir des dents ?

Non pas encore des dents, mais il avait des… Il salivait, il avait tout les signes précurseurs. Il a eu sa première dent à six mois. Je me suis dis « Il faut que je commence à le sevrer là ? » et ça ne m’a pas semblé correct, vraiment je….. Donc je me suis dis « bon bah, on va voir, on continue puis on verra ». Et puis il a commencé à manger autre chose vers cinq mois à peu près, et vers six mois je lui donnais quelque chose à la cuillère et j’ai entendu « Gling » : c’était le bruit de la cuillère sur la dent. Je n’avais pas vu qu’il avait une dent, mais il en avait une. Elle était sortie. Je me suis dis « Mince il n’est pas sevré pour la première dent. Bon tant pis on va continuer comme ça. » Et en fait il a continué à téter jusqu’à vers 17-18 mois à peu près. Mais j’étais vraiment seule à ce moment la puisque je connaissais absolument personne autour de moi [qui faisait ça]. J’avais une connaissance de l’existence de la Leche League qui était vraiment embryonnaire à l’époque, parce que j’avais trouvé un flyer de la Leche League sur un stand qui vendait des porte-bébés au premier salon Marjolaine en 1976 à l’ancienne gare de la Bastille, qui a été remplacé par l’opéra. C’était le premier salon Marjolaine. Donc je connaissais l’existence mais je n’ai pas senti le besoin de les contacter ni rien. J’ai eu aucun problème d’allaitement, ce qui est une chance parce que rétrospectivement je me dis que j’aurais pu en avoir. Et en fait je ne sais pas pourquoi, alors que mon enfant était sevré, que je n’étais pas enceinte du deuxième, je suis allée à une réunion de la Leche League. Je ne sais pas pourquoi, je ne sais plus pourquoi. Longtemps j’ai cru que en fait j’avais reconstruis l’histoire en pensant que j’y étais allée pendant que j’étais enceinte du deuxième, mais j’ai retrouvé une lettre récemment avec le tampon de la poste qui parlait du fait que j’avais été à une réunion de la Leche League et je n’étais pas enceinte. Donc je sais plus (rires). Mais donc je suis allé à cette première réunion. Ça m’a assez intéressée pour avoir envie de continuer à y aller. D’autant que je me suis rendue compte que si moi je n’avais pas eu de problèmes, bah il y avait quand même beaucoup de femmes qui en avaient. Elles venaient, bah pour en parler justement, à ces réunions. Et donc au bout d’un certain temps, j’ai eu envie aussi de devenir animatrice. Ça ne s’est pas fait tout de suite puisque je suis devenue animatrice… Donc ma 1ère réunion c’était en 1979, et je suis devenu animatrice en 86. Mais bon, entre temps j’ai fréquenté les réunions assidûment. Euh… Donc ça c’est pour l’allaitement.
Pour le cododo, en fait mon 1er enfant n’a pas du tout été cododoté. Son père qui est psychologue et moi on était très imprégnés de la doxa psychanalytique, la scène primitive et tout. Il ne faut surtout pas que l’enfant puisse assister par inadvertance à un rapport sexuel entre le père et la mère etc, parce que ça va le traumatiser à mort, ou à vie, enfin bon. Donc dès qu’on est rentré de la maternité, il a été dans sa chambre. Il s’est réveillé bien sûr pas mal de temps la nuit. Donc je me levais, je lui donnais la tétée, je le recouchais, je le berçais… Et ce qui est très marrant, c’est que pendant des mois j’ai rêvé pratiquement toutes les nuits qu’il était dans notre lit et qu’on était en train de l’étouffer. Alors qu’il n’a jamais été dans notre lit. Le deuxième et le troisième sont nés donc à la maison comme je le disais tout à l’heure. Sont nés dans notre lit. Ils y sont restés au moins un certain temps. Bon entre temps effectivement j’avais aussi commencé à fréquenter les réunions de la Leche League où c’est quelque chose qui revient assez régulièrement le fait d’avoir le bébé avec soi la nuit.

Déjà à l’époque…

Oh oui, oui, oui

Parce qu’on trouve assez peu de documents anciens sur le…. On a l’impression qu’en France c’est un sujet qui est pas mal revenu autour des années 2005/2010

Oh oui c’est sûr

Et on ne trouve pas grand chose sur l’avant. 

La Leche League c’est une petite, très petite sous-culture mais qui existait déjà à ce moment là.

D’accord

Mais c’est vrai que moi je m’occupe aussi des relations avec la presse pour l’association, donc je vois très bien l’évolution dans les médias. C’est vrai qu’avant… Moi je verrai plutôt la bascule, pour toutes les pratiques de maternage proximal, que ce soit l’allaitement long, que ce soit cododo, portage et tout, moi je vois ça plutôt au début des années 2000 au fait. Pour plusieurs raisons. Parce que jusque là, je veux dire… on n’en parlait pas. Après on a commencé à en parler, éventuellement pour le critiquer, mais au moins on en parle. C’est quelque chose qui existe manifestement puisqu’on en parle. Avant c’est vrai que… Si on trouvait épisodiquement un article sur des porte-bébés des fois dans les années 90, mais bon. Dans tout les cas, même si dans les médias on pouvait des fois trouver des trucs, dans la pratique c’est vraiment autour de l’an 2000 que ça a commencé vraiment à se répandre.

Est-ce qu’il y a eu un événement, enfin quelque chose ? Un groupe qui….

Un événement, non. Mais moi je relie ça à plusieurs choses. Tout ce qui est par exemple du portage ou de l’allaitement. Il y a le développement d’internet quand même. Ça s’est énormément développé à ce moment la. Il y a eu une explosion de sites, de blogs et tout. Ce qui fait qu’il y a eu un accès à l’information beaucoup plus facile. Même si on peut trouver bien sûr plein de bêtises sur internet, on peut aussi trouver plein d’informations. Et donc c’est devenu beaucoup plus facile, à la fois d’avoir l’information, et aussi de trouver des communautés. Des communautés virtuels : des forums, des listes de discussions et tout, pour justement échanger sur ces sujets, ne plus se sentir complètement seule à faire un truc un peu bizarre qui est vu de façon un peu bizarre par le reste de la société, comme moi j’avais pu me sentir. Bon ça m’avait pas atteint, mais je pense que ça peut atteindre de se sentir vraiment seule à faire un truc. Et c’est ça que m’a apporté aussi les réunions de la Leche League, le fait de rencontrer d’autres personnes qui faisaient la même chose, de pouvoir échanger avec elles. Mais avec internet, cette possibilité d’échange s’est démultipliée parce qu’il y a eu cette possibilité virtuelle. Même si ce n’est pas exactement la même chose que les rencontres en chair et en os, mais quand même.

Pour ce qui est de l’allaitement, jusqu’à la fin du siècle dernier, si on s’adressait à des autorités sanitaires, que ce soit au niveau du ministère, au niveau de la CAF ou des choses comme ça, et qu’on parlait allaitement, la réponse standard qu’on recevait c’était « de toute façon en France l’allaitement n’est pas un problème de santé publique, c’est un problème de choix individuel uniquement et on n’a pas à dire quoi que ce soit sur le sujet. » Et je pense que ça a changé également vers cette époque avec le premier plan national nutrition santé. Je ne sais pas si vous voyez ce que c’est… ? Donc le premier PNNS est sorti en 2001 et pour la 1ere fois il y avait les mots « promotion de l’allaitement maternel » dedans, qui jusque là étaient des gros mots. Parler de l’allaitement maternel ; non, non. C’était impossible. Et je pense que entre autre, ça a été causé par le fait qu’à ce moment la…D’ailleurs PNNS était fait pour ça, pour éviter, pour disons… Pour recommander de bonnes pratiques nutritionnelles et éviter une épidémie d’obésité, notamment d’obésité infantile qu’on observait aux US et on avait l’impression que ça allait arriver aussi en France. Et comme il y avait quand même déjà à ce moment là un assez grand nombre d’étude qui montrait que l’allaitement, le fait d’avoir été allaité pouvait engendrer une diminution du risque d’obésité, ils ont mis l’allaitement dans leur plan. Comme je le dis souvent ; « L’allaitement est rentré dans la santé publique en France par la petite porte de l’obésité infantile ». A partir de là, dans tout les autres PNNS qui ont suivis, il y a eu des choses sur l’allaitement, sur les mesures qui pourraient être prises pour faciliter la… Soit le démarrage soit la poursuite de l’allaitement, avec parfois des objectifs chiffrés sur des taux d’allaitement et tout, bon qui n’ont pas vraiment été atteint. Encore dans celui qui va sortir, il y a toute une série de mesures qui sont préconisées pour faciliter l’allaitement en public, l’allaitement après la reprise du travail, des choses comme ça.

Mais vous avez une explication éventuellement pourquoi malgré toute ces recommandations de l’état français, du ministère de la santé, on a un taux d’allaitement qui est aussi bas en France par rapport à d’autres pays.

Alors il faut quand même savoir qu’on vient de plus loin, de plus bas. Disons qu’en 95 on était autour de 45 % d’allaitement à la naissance. En 2010 on était à 69 % presque 70 %. C’est vrai que depuis 2010 ça stagne. Et que si on nous compare aux pays scandinaves… Je n’ai pas vraiment d’explications. Il y a des fois où je me dis qu’il y a un plafond qu’on ne dépassera pas en France, on dépassera jamais les 70 %, j’en sais rien. Sur le taux bas d’allaitement, bon, j’ai un certain nombre d’idées mais qui… Qui peuvent valoir, enfin pour certaines qui peuvent valoir pour d’autres pays où les taux sont plus élevés. Des choses qui sont spécifiques à la France, il y a peut-être l’extension du phénomène de mise en nourrice qui a été beaucoup plus important en France que dans les pays voisins. Alors bien sûr ça ne concernait pas la grosse grosse majorité de la population qui vivait à la campagne, c’est un phénomène urbain. Mais quand même, il y a eu cette idée qu’à la fois on pouvait effectivement se débarrasser de l’allaitement et plus généralement des soins à l’enfant sur une autre personne, et après bon bah quand les biberons ont commencés à être un peu plus sûrs et tout bah ça pouvait être sur le biberon, et le fait que bon cette mise en nourrice s’accompagnait d’une mortalité infantile absolument dingue. Je veux dire les bébés mis en nourrice… Parce qu’il y avait deux sortes de nourrices : il y avait les nourrices « sur-lieu » : les nourrices qu’on faisait venir dans la famille, et ça ça concernait les nobles, les riches, les bourgeois. Et pour ce qui était des plus pauvres, on envoyait l’enfant à la campagne, on appelait les nourrices « au loin ». Et ces enfants envoyés en nourrice au loin mourraient comme des mouches. Déjà il y avait le choc de la séparation, et puis il y avait aucun contrôle jusqu’à une date assez avancée de ce que faisait la nourrice avec l’enfant. Si ça se trouve elle le nourrissait d’eau allongée avec un peu de lait, n’importe quoi. Il n’y avait aucun contrôle pour savoir si elle l’allaitait, si elle en prenait bien soin et tout. Donc il y avait effectivement… Et donc je pense aussi que du coup, il y a eu un peu dans l’inconscient collectif français le fait que l’allaitement, alors un allaitement mercenaire par les nourrices, était associé à la mort de l’enfant finalement. Alors que quand la mise en nourrice à commencer à décroître, au début du XXème siècle, où ça a été remplacé par des crèches, où déjà l’enfant était pas éloigné, ça c’est conclu par un rapprochement mère enfant, enfin parents-enfants et dans le même temps par une baisse de la mortalité infantile pour plein de raisons. On a compris le rôle des microbes et tout ça, le lait qu’on donnait au biberon était mieux contrôlé… Enfin il y a eu tout un ensemble de choses. Bon c’est une des raisons. Après, on observe que en Europe, peut-être même dans le monde, les deux pays où le taux d’allaitement est le plus bas qui sont la France et l’Irlande, sont des pays où l’industrie agroalimentaire et notamment les fabricants de laits infantiles sont très très importants. Donc dans les pays scandinaves, vous n’avez pas de fabricants de lait infantile alors qu’en France vous avez Danone, vous avez Lactalis, bien connu souvent d’ailleurs partout dans le monde hein. Donc c’est peut-être aussi une explication. La troisième explication que je vois c’est la prégnance de la psychanalyse, d’une psychanalyse en particulier sur tout le secteur de la petite enfance, que ce soit professionnel de santé ou travailleur sociaux ou tout ça. Cette psychanalyse insiste énormément sur le risque de la fusion, le fait qu’il faut introduire le tiers, couper le cordon ombilical etc etc. Si vous écoutez la chronique de Claude Halmos dont je vous ai parlé tout à l’heure, c’est exactement cette ligne là. Donc pour ce qui est de continuer l’allaitement au-delà des premiers mois, c’est très très mal vu par tout ce qui est psy. Et le cododo, n’en parlons pas.

Il se trouve que l’Irlande et la France sont les pays européens où on a le plus d’enfant en Europe. Est ce que vous pensez qu’il y a un lien ou pas ? Est ce que vous pensez que le fait d’avoir un seul enfant c’est plus facile pour pouvoir allaiter longtemps ?

Je ne sais pas, je ne sais pas. C’est aussi des pays catholiques. Cela dit si vous allez en Espagne ou en Italie c’est très catholique aussi et ils ont un taux de natalité très inférieur. Donc… C’est difficile à dire, car je pense qu’il y a plusieurs choses qui se combinent. Et même la France d’un point de vue sociologique, il y a des différences entres les régions. Pour ce qui est du taux d’allaitement, on allaite plus à l’est et au sud qu’à l’ouest et au nord.

Il y a aussi une grande différence sur les âges des mères.

Ah ça je ne savais pas

Le taux d’allaitement est plus important chez les femmes de plus de trente ans. Chez les femmes de moins de vingt ans, il est à moins de 20 %

Ah oui, je croyais que vous vouliez dire qu’il y avait une différence entre les régions sur l’âge au premier enfant. Ah oui, oui, bien sûr c’est clair. Ça c’est vrai dans tout les pays industrialisés : l’allaitement est plus pratiqué dans les CSP+ (catégories socio-professionnelles favorisées), les femmes éduquées, et plus pas les toutes jeunes. Bon je pense que c’est aussi une question d’accès à l’information qui est plus facile pour ces catégories de la population.

Par rapport au cododo, on a trouvé pas mal d’articles qui disait que ce serait dangereux pour le nourrisson. Vous pensez quoi par rapport à ces critiques là ?

Alors le truc euh bon, le cododo ça recoupe plusieurs choses. Ce n’est pas forcément l’enfant dans le lit. L’enfant dans la chambre ou juste à côté du lit ça fait partie du cododo aussi. Le cododo partage de la chambre, vous ne trouverez pas de truc disant que c’est dangereux, et au contraire c’est conseillé, bah justement dans le carnet de santé qui vient de sortir ils en parlent par rapport aux risques de mort subite. Si on parle maintenant du partage du lit, en fait, il y a un certain nombre de conditions à respecter, c’est à dire qu’il ne faut pas cododoter si on fume. Alors si on fume même le partage de la chambre est déconseillé. Dans tout les cas, le partage du lit c’est sûr. Si on a bu, si on a pris des médicaments, des somnifères, enfin tout ce qui peut abaisser son seuil d’éveil, disons si on est obèse. C’est déconseillé aussi de cododoter sur un sofa, enfin sur un canapé ou sur un matelas un peu mou. Il ne faut pas qu’il y ait d’espace entre le lit et le mur où l’enfant pourrait tomber ou se coincer. Il y a un certain nombre de choses comme ça. Et en fait le problème… Il y a eu effectivement des études qui montraient qu’un certain nombre de morts subites – alors mort subite c’est un concept pas évident, maintenant on parle plutôt de mort inexpliquée, parce que on risque aussi de mélanger l’enfant qu’on pose dans son lit et qu’on retrouve mort et le risque d’étouffement, ce qui est un peu différent. Mais souvent c’est un peu mélangé en fait. – Il y a effectivement des études qui montrent un certains nombre de cas d’enfants retrouvés morts dans le lit des parents. Et comme je dis, je veux dire… Mettons même qu’il y en ait 3 %, à mon avis c’est beaucoup moins que ça, ça veut dire quand même que les 97 % autres ils n’étaient pas dans le lit donc… Si on va par là ça serait plus dangereux dans ce cas là. Mais surtout la plupart du temps, on ne prend pas en compte effectivement si les conditions dont je vous ai parlé étaient respectées ou pas. C’est à dire est-ce que effectivement les parents ne fumaient pas, est-ce qu’ils n’étaient pas drogués, est-ce qu’ils n’étaient pas sous somnifères, est ce qu’ils n’avaient pas bu, etc etc. Et en fait, ce qu’on dit c’est que si on élimine tout ces facteurs de risque, on n’a pas plus de risque d’être dans le lit qu’ailleurs. Mais le problème c’est que comme c’est très mal vu par presque tout les professionnels de partager le lit, on en parle pas. On dit simplement « ne mettez pas votre enfant dans votre lit » mais on ne dit pas les conditions de sécurité. Or on sait très bien que les parents vont le faire, seulement ils ne vont pas le dire. Il y avait une étude qui avait été faite en Angleterre il y a quelques années où on avait demandé aux parents à quels endroits leurs enfants passaient la nuit, et ensuite on a installé – on l’avait dit aux parents avant qu’on allait faire ça bien sûr – qu’on allait mettre une caméra infrarouge dans la chambre des parents. Quand on a analysé les vidéos, on s’est rendu compte que la moitié des enfants dont les parents avaient dit qu’ils dormaient dans leur chambre à part passaient toute ou une partie de la nuit dans la chambre des parents voire dans le lit. J’ai trouvé cette étude fascinante, parce que ça veut dire alors que les parents savaient qu’on allait voir ce qu’il se passait, ils étaient tellement conditionnés comme quoi ce n’était pas bien de faire ça, qu’ils disaient que non, ils ne le faisaient pas. Il y a un professeur de médecine de Strasbourg, il y a une dizaine d’années, qui avait envoyé un questionnaire à un certain nombre de pédiatres, une centaine de pédiatres, en leur demandant un jour donné de demander à tous les parents qui venaient en consultation avec leur bébé ce jour-là, des bébés de moins de 6 mois, où est ce que le bébé avait dormi la nuit précédant la consultation. Et là il est arrivé à des taux de partage de la chambre, ce n’était pas 60 %, il faudra que je retrouve c’était dans mon petit bouquin, et de 30 % dans le lit. Voilà, je veux dire…. Moi je trouve ça vraiment à la limite très grave de simplement interdire le truc sans donner les conditions de sécurité. Parce qu’en fait les parents le font ! Quand le bébé se réveille pour la 2ème ou la 3ème fois, et qu’on le prend, finalement on s’endort avec lui en fait. Et on se retrouve avec le bébé dans le lit, voire dans le canapé parce qu’on s’est levé, on s’est mis sur le canapé et on s’est endormi. Voire dans un fauteuil : je connais quelqu’un qui travaillait aux urgences pédiatriques et qui régulièrement voyait des bébés arrivés parce que la mère s’était levée, s’était posée sur un fauteuil pour allaiter le bébé, et le bébé était tombé. Donc voilà.

Est-ce que vous connaissez d’autres critiques, pas forcément sur le cododo, mais sur le maternage proximal, sur l’allaitement prolongé ou le portage ?

Oh oui, oui, oui, mais c’est beaucoup des critiques psys. Parce que je veux dire, on ne peut pas trouver vraiment de critiques sur l’aspect nutritionnel. C’est des critiques sur le fait que l’enfant va pas devenir autonome, le fait que la mère est esclave de l’enfant, ou bien qu’elle fait ça parce qu’elle a besoin de ça …. Il y a un article qui est paru en 2008 dans une revue de psychanalyse qui s’appelle le divan familial. Si vous voulez je vous enverrai le passage, parce qu’il est symptomatique vraiment de tout ce qu’on a dans la tête d’un point de vue psy à propos de l’allaitement long. C’est hallucinant ce qu’il y a dans cet article, que la mère fait ça juste pour lutter contre la dépression, parce qu’elle a des problèmes narcissiques, parce que elle a un truc vampirique par rapport à l’enfant. Je veux dire… Un film d’horreur, un film gore.

Et par rapport à l’allaitement long, vous, vous pensez qu’il y a une limite à ne pas franchir ? On a vu pas mal de chose sur des enfants de 10 ans qui sont allaités ou très âgés.

C’est très très très très rare. Ça fait le buzz sur internet. La plupart moi des enfants que je connais qui ont été allaités assez longtemps ils arrêtaient avant 5 ans et souvent entre trois et quatre ans.

Avec l’entrée à l’école.

Souvent oui, et à un moment où… Comment dire… Où ils peuvent être eux-mêmes conscients du regard de la société sur le truc. Avant 3 ans je crois qu’ils se rendent absolument pas contre, mais après 3 ans bah justement, effectivement, s’ils sont à l’école ils se rendent bien compte que leurs petits copains tètent plus quoi. Alors il y en a qui s’en foutent du regard de la société et qui vont continuer. Souvent dans ce cas la c’est fait dans l’intimité de la famille, mais en général ça s’effiloche.

Et sinon en général… Enfin je crois que c’était sur votre site que vous parlez de la « crise Badinter » et qu’est ce que vous pensez en général de ce qu’elle dit à ce sujet ?

Comment dire… Alors déjà la façon dont elle présente le fait d’allaiter longtemps – elle parle d’allaiter 2 ans en général – qui rend la femme esclave de l’enfant, on a l’impression qu’elle imagine un enfant de deux ans allaité comme un nouveau né, avec sa mère coincé sur son canapé, scotché sur son canapé, l’enfant au sein et puis on fait plus rien. On ne fait rien d’autre que ça. A l’époque où elle a publié son premier bouquin où elle parlait de ça qui s’appelait Fausse Route, je l’avais contacté justement pour lui dire que la façon dont elle parlait de l’allaitement et de la Leche League, parce qu’elle parlait déjà de la Leche League à ce moment là dans Fausse Route, ce n’était pas vraiment la façon dont je voyais les choses et que je l’invitais à venir à une réunion de la Leche League pour qu’elle se rende compte. Elle avait répondu que voilà qu’elle était trop occupée, voilà. Et donc quand… je crois que c’était en 2003 qu’est parue Fausse Route. Donc quand elle a publié Le Conflit en 2010, où là la Leche League avait le droit à 50 pages montrant tous les dégâts qu’elle avait fait un peu partout que ce soit chez les écolos, les féministes, l’OMS , l’UNICEF, les professionnels de santé, on avait l’impression qu’on était une pieuvre qui s’infiltrait partout, donc je lui ai réécris en lui disant « Voila, je vous avais à ce moment la proposer de venir vous rendre compte, mais bon manifestement vous l’avez pas fais c’est dommage parce que peut-être vous n’auriez pas dit en gros les bêtises que vous écrivez là ». Je n’ai pas dit les bêtises mais bon. Et en fait comme j’avais vu qu’elle habitait rue de Vaugirard et que moi je travaillais là, je lui ai dis « bah écoutez, si vous voulez on pourrait se rencontrer ». Et la elle a dit « oui », donc on s’est rencontré, on a pris un pot à la mosquée, et je me suis rendu compte de, comment dire, de l’aplomb qu’elle pouvait avoir pour affirmer des trucs faux. Alors j’avais déjà vu que dans certaines interviews à la télé ou à la radio où elle disait que les femmes qui ne voulaient pas allaiter maintenant dans les maternités devaient acheter le lait en poudre. Alors que ce n’est pas vrai, ce n’est pas vrai. Mais elle le disait avec un tel aplomb que je pense que la plupart des gens qui ont entendu ça ont été persuadés, s’ils n’étaient pas au courant de la chose, que c’était vrai, que les pauvres femmes qui ne voulaient pas allaiter elles devaient en plus acheter le lait pendant le séjour à la maternité. Sinon quand je l’ai rencontrée, elle m’a dit « Mais moi je suis pas du tout contre l’allaitement, mais voilà jusqu’à un certain point. » Et elle pour elle c’était pareil, l’apparition des dents. Et alors je lui ai dit « Mais vous qui êtes historienne, vous avez déjà sûrement vu des manuels de puéricultures du XIXème, même du début XXème où on parle d’allaitement au moins jusqu’à 18 mois. » Et la elle me sort un truc, alors là je suis restée bouche-bée : « Ah mais oui, mais à l’époque les premières dents apparaissaient à 18 mois. » Ah bon. Voilà. Je lui ai dit, écoutez, ça m’étonne vraiment, j’étais sûre que non. Il se trouve que je connaissais une anthropologue qui travaille justement sur la dentition d’enfant enterrés dans un cimetière près de Grenoble entre le XIIIème et le XVIIIème siècle je crois. Et en fait on peut en analysant les dents connaître le régime alimentaire d’un enfant et savoir combien de temps il a tété et tout ça. Et donc j’ai écris à cette anthropologue en disant « Il y a quelqu’un qui me soutient – je n’ai pas dis qui – que au XIXème siècle les premières dents apparaissaient à 18 mois, qu’est ce que vous en pensez ? » Elle m’a renvoyé toute la documentation montrant que c’était une absurdité. Je le savais mais bon. J’ai fait suivre ça à Elisabeth Badinter mais je n’ai pas eu de réaction. Mais voilà, je veux dire, elle peut affirmer des trucs, je veux dire, son livre, je pense que vous l’avez lu

On est en train

Vous êtes en train. Pour moi c’est un pamphlet ce livre. C’est pas un livre scientifique, d’ailleurs elle a pratiquement aucune référence bibliographique, et la seule chose qu’elle a comme référence quand elle parle de la Leche League, elle dit qu’il y a les 10 commandements de la Leche League, elle fait référence à un site américain qui n’a rien à voir avec la Leche League. Ça aussi je lui ai dit. Elle m’a dit : « Ah bon, je corrigerai quand ça sera réimprimé ». Je n’ai pas vérifié, parce qu’il a dû être réimprimé je suppose.

Et par rapport à toute sa pensée sur le fait que le maternage proximal et le fait qu’une mère travaille ça ne va pas ensemble?

Bah là aussi, si elle connaissait un peu les statistiques elle verrait que dans presque tous les pays industrialisés, les bébés allaités encore à six mois sont majoritairement des bébés de femmes qui travaillent. Alors je ne dis pas que ça serait pas plus facile pour tout le monde si effectivement le congé maternité était un peu plus long, hein, mais je veux dire les femmes qui reprennent le travail quand le bébé a… Si elles reprennent juste à la fin du congé maternité à 2 mois et demi, ce n’est pas toujours évident. Mais si elles le reprennent à 4 mois ou 5 mois je veux dire, le nombre de femme qui continuent l’allaitement soit en donnant simplement la tétée quand elles sont avec lui, soit éventuellement en tirant leur lait, mais même sans tirer leur lait c’est tout à fait possible, elles peuvent continuer comme ça pendant très longtemps. Donc oui, ça rejoint ce que je vous disais tout à l’heure sur l’idée qu’elle a de l’allaitement long de la femme coincée sur son canapé à ne rien faire d’autre. Ce n’est pas du tout comme ça que vivent la plupart des femmes qui allaitent chez nous.

Il y a pas mal d’études sur le baby blues et l’impact psychologique sur les mères, et il y en a quelque unes qui montrent que le taux de dépression est plus importante chez les femmes qui allaitent plus longtemps et qui essaient de mettre en pratique le maternage proximal, intensif ?

Je ne sais pas, je peux vous montrer plein d’études qui montrent aussi l’inverse.

D’accord. D’ailleurs en général, même des études pour le maternage proximal, il y en a beaucoup ou pas énorme ?

Il n’y en a pas tant que ça. Sur l’allaitement au delà d’un an par exemple il n’y a pas grand chose, que ce soit sur l’impact sur la santé de l’enfant ou de la mère, que ce soit sur la composition du lait à ce moment là et tout. Il y a quelques études mais il n’y en a pas énormément. Il n’y a pas grand chose effectivement sur ces pratiques au delà de un an, que ce soit sur l’impact sur l’enfant ou l’impact sur la mère.

Et aussi sur le portage par exemple ?

Pareil, il y a des études mais c’est plutôt sur des bébés. En règle générale, il n’y a pas grand chose au delà des douze premiers mois.

Au niveau du portage, c’est une des pratique du maternage qui est la moins controversée de ce qu’on peut voir, c’est assez ancré dans la société le fait d’avoir un porte bébé.

Oui, mais aussi c’est assez rare de voir des bébés portés au delà des premiers mois. Souvent parce que le porte-bébé n’est pas vraiment physiologique et que du coup… Je veux dire allaiter un enfant de plus de six mois avec un porte bébé pas vraiment adapté, ce n’est pas confortable pour le porteur. Ça finit par faire mal au dos, des choses comme ça.

Mais du coup paradoxalement parce que c’est mieux accepté, on trouve beaucoup moins de documents dessus, d’informations dessus.

D’informations pour ou contre ?

Pour, notamment sur ce qui est physiologique, sur ce qui est adapté, ce qui ne l’est pas.

Si vous allez sur internet vous trouverez plein de chose, vous trouverez plein d’atelier.

On en parle beaucoup moins que l’allaitement.

Il y a énormément d’ateliers, plus ou moins payants d’ailleurs, pour apprendre à porter avec tel ou tel porte-bébé. Il y a plein de tutos, de vidéos. Au niveau livre, il y en a aussi quand même. Mais c’est vrai que mon petit livre jouvence sur le portage, ça a été le premier qui est paru en français, et c’était en 2005 je crois. Mais depuis quand même il y en a eu un certain nombre qui sont parus. Et vous avez plein d’associations locales de parents qui proposent des cours de portage ou des monitrices de portages qui proposent des ateliers. S’il y en a quand même beaucoup. Mais disons au niveau littérature c’est vrai qu’il y a moins de choses. C’est beaucoup plus des choses pratiques, des choses pratico-pratiques, oui. Et effectivement, il n’y a pas trop de controverse sur le sujet, à part de dire que ça va faire mal au dos à la mère.

Et sinon, aussi, il y a des gens qui défendent le maternage proximal qui disent que ça serait mieux de dire parentalité proximale.

C’est vrai.

Par rapport justement à la place du père, parce que l’allaitement ce n’est pas quelque chose qui peut concerner le père et même le cododo, c’est vachement lié à l’allaitement. Il y a aussi des débats de charge mentale, quelle est la place du père, c’est peut-être plus dur de s’impliquer. De s’imposer lorsque la mère prend en charge l’allaitement, ça impose forcément charge mentale plus importante sur la mère.

Oui, oui c’est vrai. Après ça ne dure qu’un temps parce que l’allaitement exclusif c’est juste les premiers mois.

Mais est ce que vous ne pensez pas que cela peut avoir une influence sur l’après, étant donné que les pères n’ont pas une place équivalente.

Je ne sais pas, moi j’ai beaucoup d’exemple où le père a vraiment une place importante, parce qu’il y a beaucoup d’autres choses à faire, même avec un bébé dans les premiers mois, que de le nourrir. Le portage par exemple c’est clair que le père peut en prendre sa part, voire même plus que sa part. Ou le fait de bercer, de dormir, de donner le bain… Enfin il y a plein de choses que le père peut prendre en charge. Et effectivement, même si on parle d’allaitement exclusif, ce n’est qu’un temps et après le père peut donner les solides, il peut voilà. Par contre j’ai vu moi parfois des mères qui arrêtaient d’allaiter sous la pression du père parce que le père voulait prendre sa part et qui se retrouvait à donner tous les biberons. Le père donnait pas plus en charge après. J’en ai vu des cas comme ça.

Et dans les familles monoparentales, comme il n’y a pas de personne tierce…

En général il y a toujours une personne, ça peut être un homme, ça peut être…. Je veux dire, après qu’il y ait des relations mères-enfants pathologiques, que ce soit famille monoparentale ou pas d’ailleurs, ça existe bien sûr, ça je ne peux pas le nier. Il peut y avoir effectivement des cas où cette relation pathologique suppose un allaitement prolongé, suppose un cododo et cetera. Mais voilà, d’ailleurs je pense que c’est le problème des psys : c’est qu’ils ne voient que ces cas la. Quand tout se passe bien, que tout le monde est heureux, épanoui, on ne va pas voir le psy. Donc c’est vrai qu’ils ont du coup une version biaisée. En plus c’est ce qu’ils ont appris dans leurs études, mais surtout quand ils ont effectivement des cas d’allaitement long et de cododo dans leurs cabinets c’est justement parce qu’il y a quelque chose qui cloche. Quand rien ne cloche, il ne le voit pas. Et d’ailleurs le peu de littérature psy qui existe sur ce sujet là, à part l’article dont je vous ai parlé tout à l’heure et dont je vous enverrai des extraits, mais sinon c’est des études de cas. Ce n’est pas des études portant sur la comparaison entre cinquante enfants allaités longtemps et tout ça et cinquante autres enfants pas allaités longtemps, pas cododotés, et caetera. Ça à ma connaissance, ça n’existe pas. Pas dans la littérature psy en tout cas.

Pour revenir à la Leche League, vous avez été présidente…

Oui, dans les années 90, oui.

Qu’est ce que vous faisiez en tant que présidente ?

Il y avait à la fois le fait d’être un peu une référente pour les animatrices. Ça c’était le côté disons interne à l’association. Et puis il y avait le côté externe, c’est à dire représentante de l’association à l’extérieur. Je pense que c’est ce que font tout les présidents d’associations, rien d’extraordinaire, rien de spécial (rires).

Et il y a des choses qui vous ont marquées pendant cette expérience ?

Pas plus pendant cette période là. A part du point de vue de l’allaitement général, c’était une période très plate, parce que comme je disais ça a vraiment décollé vers la fin des années 90. Oh j’ai été présidente jusqu’en 97.

Et quelles sont les moyens dont dispose la Leche League pour faire passer ses idées outre les réunions des animatrices ?

Donc les réunions, le téléphone : on peut téléphoner. On peut envoyer des mails pour avoir des réponses. On a donc deux revues : Allaiter aujourd’hui qui est pour les parents et les Dossiers de l’allaitement qui est pour les professionnels de santé. Et puis on a un forum, on a un groupe Facebook, une page Facebook et puis un site. Le site est quand même très très riche. Il y a plusieurs milliers de pages. Je crois que c’est 7000 pages. Il est très fréquenté, ça tourne autour de 10000 visites par jour.

Vous ne faites pas de campagne de pub en dehors de ça ?

Non, non. La Leche League n’a jamais eu pour but de promouvoir l’allaitement. Je veux dire, nous on est là pour aider les femmes qui ont fait le choix d’allaiter. Donc bon des fois il y a des accusations comme quoi – c’est ce que dit Badinter d’ailleurs et pas que elle – qu’on voudrait forcer toutes les femmes à allaiter, qu’on voudrait les forcer à allaiter pendant deux ans ou plus, etc. Je veux dire, même si on voulait on aurait du mal parce que les femmes qui s’adressent à nous c’est les femmes qui veulent allaiter. Les femmes qui ne veulent pas allaiter on ne les voit pas. Elles ne vont pas s’adresser à la Leche League. Le but de la Leche League c’est vraiment ça, c’est ce qu’on appelle l’aide de mère à mère, c’est à dire d’une femme qui a allaité ou qui allaite à une femme qui veut allaiter ou qui allaite. Et ça a toujours été ça depuis le début et ça le reste. Donc non on ne fait pas de campagne ni publicitaire ni autre.

Tout a l’heure vous disiez que c’était aussi pendant cette période, quand vous avez commencé à aller à la Leche League, que vous avez commencé à entendre parler du cododo, de ces autres pratiques. Vous pensez que le fait d’allaiter incite beaucoup plus à pratiquer le cododo, le portage ?

C’est sûr, c’est sûr, c’est sûr. Ça va bien ensemble tout ça. Et d’ailleurs c’était des sujets qui étaient discutés au sein de la Leche League. C’est là où j’ai commencé aussi à voir les premiers… Bah en fait quand je vous parlais du premier salon Marjolaine en 1976 où j’avais trouvé un dépliant Leche League sur un stand, c’était un stand qui vendait des porte-bébés qui s’appelaient Snuggly qui étaient des porte-bébés canadiens, qui étaient vraiment justement des porte-bébés comme maintenant les Ergobaby, je sais pas si vous voyez ce que c’est. C’est pas des portes bébés en écharpe, il n’y a pas à faire des nœuds, ils sont tout fait disons, mais c’est des porte-bébés physiologiques, où le bébé contrairement aux kangourous classiques le bébé est assis dedans et a les jambes pliés. Il n’a pas les jambes qui pendouillent en équilibre sur ses organes génitaux, ce qui n’est quand même pas très physiologique. Donc voilà, j’ai connu le portage avec l’allaitement, en lien avec la Leche League dans tout cas. Et il y a des… Je peux vous envoyer éventuellement des pages d’un des premiers livres de la Leche League, parce qu’il y a eu plusieurs éditions : une datant des années soixante où vous avez des dessins de portage. Je vais noter peut-être d’ailleurs pour ne pas oublier de vous envoyer tout ça.

Est ce que vous savez si selon les cultures il y a des différences par rapport à tout ce qui est allaitement mais aussi le traitement des bébés ?

Ça c’est sûr, ça c’est clair. Et d’ailleurs très souvent, les quelques professionnels qui sont disons favorables à ce genre de pratique, c’est souvent parce qu’ils ont été en contact avec ces autres cultures. Je pense par exemple à Edwige Antier.

Je crois qu’elle a vécu en Nouvelle Calédonie.

Oui et au Vietnam aussi je crois. Et souvent effectivement, c’est des gens qui ont vécu au moins leur enfance où ça se pratique de façon… Où on se pose pas la question quoi, c’est comme ça. On ne théorise pas non plus dessus d’ailleurs.

Il y a William Sears qui a écrit des livres dessus dans les années 80, qui a commencé à introduire le sujet de l’attachment parenting. Est ce que vous pensez que ça a changé le regard un peu des gens étant donné que vous avez commencé à vous intéresser à la question avant ?

C : Je ne sais pas parce que ça fait partie… Je veux dire les livres de Sears c’est les livres que l’on trouvait à la Leche League. Sa femme était animatrice de la Leche League. Il dit qu’il a appris tout ça par sa femme en fait. Donc pour moi ça fait partie du tout, oui.

Parce qu’on en entend pas mal parler sur internet comme étant le « père », comme étant celui qui a théorisé tout ça. Ses livres ont vraiment fait un boom sur les pratiques.

Oui c’est vrai, ses livres ont permis de populariser là, mais ce n’est pas lui qui a inventé ça. Comme il dit, il a trouvé ça par l’intermédiaire de sa femme à la Leche League, parce que tout ça c’était dans le premier livre de la Leche League qui date des années soixante. Et ce n’est pas la Leche League qui a inventé tout ça non plus. Mais dans l’art de l’allaitement maternel, le livre de la Leche League j’ai trouvé dès la première édition des trucs comme je vous l’ai dit sur le portage, sur le cododo, des trucs sur l’allaitement long bien sûr aussi.