Du point de vue de l’enfant

« Dès la naissance se crée une rencontre privilégiée faite d’échanges entre vous et votre enfant, par les regards, l’odeur, le toucher, la voix : prenez l’habitude de prendre votre bébé dans vos bras et de lui parler. » – Carnet de Santé 2018 [1].

Le maternage proximal a pour but de créer des liens avec l’enfant de façon à ce qu’il se sente rassuré et que son éducation se déroule dans un climat de confiance. Selon le pédiatre et théoricien du maternage intensif William Sears, les enfants qui n’ont pas d’attachement et de sentiment de sécurité en présence de leurs parents ne grandissent pas bien. Ils seraient plus tristes et auraient moins de joie de vivre [2], contrairement à ceux élevés selon ces principes qui feraient preuve de plus de compassion et d’empathie. Une équipe de l’Université de Toronto aurait montré dans une étude que la quantité de temps passé avec son enfant n’aurait pas de lien avec le bien-être de ce dernier [3], ce qui s’oppose aux postulats de l’« intensive mothering ».

    Une des pratiques qu’englobe le maternage proximal est le portage. Selon le Ministère des Solidarités et de la Santé, il favorise un contact physique important entre l’enfant et sa mère, où le toucher et l’odeur occupent une place des plus essentielles. Cependant, même les acteurs qui promeuvent le portage (AFPB [4]) mettent en garde les mères quant à la posture de l’enfant si celui-ci est porté grâce à une écharpe : une mauvaise position pourrait endommager sa colonne sous son poids ou déformer son bassin par l’écartement de ses jambes [5]. De même, des organismes comme le Centre National de Formation au Portage des Bébés [6] travaillent en collaboration avec des professionnels (notamment l’équipe du professeur Jean-Charles Picaud des services de néonatalogie de la Croix Rousse à Lyon) pour former des agents hospitaliers au portage. Ils proposent aussi des formations pour encourager les femmes qui souhaitent porter leur enfant en écharpe, tout en évitant de porter l’enfant dans des mauvaises postures.

 

Exemple d’une bonne et d’une mauvaise position de portage

Source : International Hip Dysplasia Institute

    Parmi les autres pratiques que regroupe le maternage intensif, on retrouve notamment l’allaitement prolongé. Il existe un consensus au sein des organismes publics nationaux et internationaux chargés des politiques de santé autour de l’allaitement pendant les trois premiers mois qui suivent la grossesse. L’OMS recommande fortement l’allaitement pendant des durées au moins égales à deux ans car celui-ci possède des effets notables sur la santé de l’enfant :

« Le lait maternel est le premier aliment naturel pour les nourrissons : il fournit toutes les calories et les nutriments dont l’enfant a besoin pendant les premiers mois de la vie […] Il favorise le développement sensoriel et cognitif et protège le nourrisson contre les maladies infectieuses et chroniques. L’allaitement exclusif au sein diminue la mortalité infantile imputable aux maladies courantes de l’enfance, comme les diarrhées ou les pneumonies, et il accélère la guérison en cas de maladie. » [7]

Toujours selon l’OMS, les enfants en surpoids ont plus de risques de développer un diabète de type 2, de l’asthme ou de l’hypertension en grandissant. L’allaitement permettrait de palier à cela : « En plus d’apporter au nourrisson tous les nutriments nécessaires au cours des six premiers mois de sa vie, et de le protéger contre les maladies infantiles fréquentes (diarrhée, pneumonie), de plus en plus de données probantes indiquent que l’allaitement au sein pourrait avoir des bienfaits à plus long terme, tels que la réduction du risque de surpoids et d’obésité pendant l’enfance et l’adolescence. » [8]. Une étude publiée dans la revue médicale scientifique The Lancet [9] déclare que l’allaitement sauverait 800 000 vies d’enfants à travers le monde. Les organismes de santé les plus importants sont unanimes quant à l’allaitement pour des durées d’environ deux ans. Téter permettrait aussi de calmer l’enfant même lorsqu’il devient plus âgé [10]. À l’échelle internationale, l’allaitement prolongé ne semble pas soulever de méfiances du point de vue de la santé de l’enfant. En France des voix pointent néanmoins des risques pour le développement de l’enfant : selon Françoise Dolto, « il faut castrer la langue du téton pour que l’enfant puisse parler », et l’allaitement ralentirait l’accès au langage pour l’enfant. La France est d’ailleurs un des pays européens où les mères allaitent le moins longtemps. Selon la pédiatre Marie Thirion et la psychologue Valérie Piloti, cela s’explique par une vision incestueuse de l’allaitement [11]. Pour pallier à cette vision, des professionnels de santé tentent de faire changer les mœurs quant à cette pratique et les craintes qui lui sont associées, dont le docteur Marie Thirion.

    Le cododo est une pratique qui semble plus controversée. Dormir au contact de son enfant, notamment dans le même lit, est déconseillé par l’UNICEF : « Ne dormez jamais sur un canapé ou un fauteuil avec votre bébé ». Plusieurs organismes et professionnels de santé mettent en garde les parents contre le risque d’étouffement de leur enfant. Partager son lit augmenterait fortement les risques que l’enfant dorme sur le ventre ou sur le côté, ou bien que celui-ci suffoque sous une couverture ou sous un oreiller. De plus, de nombreux professionnels de santé avancent l’argument selon lequel le cododo dans le même lit favoriserait le risque de mort subite pour le nourrisson [12]. L’UNICEF nuance en expliquant que cette étude se base sur des données incomplètes et ne prend pas en compte de nombreux facteurs (prise de drogue et consommation d’alcool des parents).

7 règles de sécurité pour cododoter

    Enfin, certains psychanalystes, comme Claude Halmos ou Sylvain Missonier avancent que le cododo pourrait même être malsain, voir incestueux. Selon eux, le cododo empêche l’enfant de grandir et de devenir autonome. [14]

    Face à ces oppositions au cododo, la psychologue Catherine Marchi le conseille car il est profitable pour l’enfant et est, selon elle, un choix instinctif [15], pour la mère comme pour l’enfant, qui ont tous les deux besoin de la présence de l’autre après la naissance. C’est aussi la principale raison pour laquelle des mères aiment dormir dans le même lit que leur enfant, en plus de la facilité que cela procure pour allaiter l’enfant. C’est aussi pour cela que La Leche League encourage le partage de son lit avec son enfant. L’Universitaire et docteur en anthropologie James J. McKenna nomme cela le « breast-sleeping », et soutient les bienfaits de la proximité entre mère et enfant qui en découlent.

    Le cododo regroupe aussi le sommeil dans des lits séparés mais situés dans la même chambre. Cela est fortement soutenu par l’American Academy of Pediatrics, selon laquelle cette habitude diminuerait de 50% les risques de mort subite chez le nourrisson. Il n’existe pas de controverse au sein même des professionnels de santé. Cependant, les mêmes inquiétudes liées à la vision incestueuse du sommeil dans un lit commun se retrouvent pour le sommeil dans la même chambre. 

[1] Ministère de la Solidarité et de la Santé. (1er avril 2018). Carnet de Santé. Dicom. Disponible sur http://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/carnet_de_sante-num-.pdf [consulté le 30/03/18]

[2] FREEMAN H. (30/07/2018). Attachment parenting: the best way to raise a child – or maternal masochism? The Guardian. Disponible sur https://www.theguardian.com/lifeandstyle/2016/jul/30/attachment-parenting-best-way-raise-child-or-maternal-masochism [consulté le 30/03/2018]

[4] Porter en toute sécurité. Association française de portage des bébés. Disponible sur https://www.afpb.fr/portage-et-securite [consulté le 06/04/2018]

[5] FRISBEE S.J. et HENNES H.. Adult-worn child carriers: a potential risk for injury. BMF Injury Prevention. Publié le 1er mars 2000. Disponible sur : http://injuryprevention.bmj.com/content/injuryprev/6/1/56.full.pdf. [Consulté le 18/05/2018]

[6] Sertelon I. Formateur. Centre National de Formation au Portage des Bébés. Mis à jour en 2018. Disponible sur cnfpb.fr/formateur/ [Consulté le 8/06/2018]

[7] « OMS | Allaitement maternel » WHO. Disponible sur. http://www.who.int/maternal_child_adolescent/topics/child/nutrition/breastfeeding/fr/ [Consulté le 8 juin 2019]

[8] « OMS | L’allaitement maternel exclusif pour réduire le risque de surpoids et d’obésité pendant l’enfance » WHO. Disponible sur http://www.who.int/elena/titles/breastfeeding_childhood_obesity/fr/ [Consulté le 8 juin 2019]

[9] Breastfeeding: achieving the new normal. The Lancet. [en ligne]. 30 janvier 2016. Vol. 387. Page 404. Disponible sur : https://www.thelancet.com/pdfs/journals/lancet/PIIS0140-6736(16)00210-5.pdf [consulté le 18/05/2018]

[10] Le Vif. Le maternage intensif, un choix éducatif controversé. [en ligne]. Modifié le 05/06/2012. Disponible sur : http://www.levif.be/actualite/sciences/le-maternage-intensif-un-choix-educatif-controverse/article-normal-164897.html. [Consulté le 07/04/2018]

[11] THIRION M. et PILOTI V. Allaitement long et identité sexuée : état des lieux des discours en France. Editions Eres. Avril 2011. Pages 67 à 75

[12] DE LAITRE M. pour Parents.fr. Nouvelle controverse autour du co-sleeping. [en ligne] mis à jour le 15 février 2017. Disponible sur : https://www.parents.fr/bebe/sante/nouvelle-controverse-autour-du-co-sleeping-79765. [Consulté le 18/05/2018]

[13]  » Le Co-sleeping et le SMSN (Syndrome de la Mort Subite du Nourrisson) : une étude alarmiste mais très incomplète  » CoFAM. Disponible sur https://www.coordination-allaitement.org/s-informer/publications-cofam/autres-publications-cofam/64-article-le-co-sleeping-et-le-smsn-syndrome-de-la-mort-subite-du-nourrisson-une-etude-alarmiste-mais-tres-incomplete [Consulté le 20 juin 2018]

[14] Sousa, Alain. « Dormir avec bébé : les avantages et risques du cododo (ou cosleeping) ». Doctissimo, 8 novembre 2017. Disponible sur http://www.doctissimo.fr/html/grossesse/bebe/eveil/articles/11250-cododo.html. [Consulté le 11 juin 2018]

[15] MARCHI C. pour Parents.fr. Vrai/Faux sur le cododo. [en ligne] mis à jour le 18 avril 2018. Disponible sur : https://www.parents.fr/bebe/eveil-et-developpement/vrai-faux-sur-le-cododo-13882. [Consulté le 18/05/2018]