Politiques publiques

Quel rôle ont les pouvoirs publics ?

Au travers de nos entretiens avec Air Liquide et Hydrogenics notamment, il apparait qu’aujourd’hui, l’hydrogène est indéniablement une solution d’avenir vers laquelle se tournent les entreprises internationales. Néanmoins, à l’échelle des pouvoirs publics, la question de l’hydrogène est encore controversée. Il n’y qu’à comparer les investissements faits par les différents pays pour s’en rendre compte.

Quel pouvoir de décision les politiques publiques ont-ils en main ?

Certains pays sont très demandeurs en hydrogène : le Japon, la Chine, la Corée du Sud alors qu’en Europe, l’hydrogène ne fait qu’une timide apparition depuis quelques années. Les Etats détiennent un pouvoir de décision important pour le développement de nouvelles technologies à l’échelle nationale. Différentes mesures peuvent servir le déploiement de l’hydrogène.

  • La contrainte : Il s’agit par exemple d’imposer des normes aux entreprises qui développent la filière. Ces normes peuvent être prises par le Parlement Européen ou par l’Etat lui-même. La norme Euro [Rapport 8] par exemple, instaurée en 1991, elle vise à normaliser et réduire les émissions polluantes des véhicules. Les véhicules mis sur le marché doivent être conformes à la dernière norme européenne mise en place. La dernière loi, Euro 6 oriente les motorisations vers un type hydrogène, électrique ou hybride. Le plan Hulot [Presse 5] fixe les objectifs spécifiques à l’hydrogène dans les usages industriels. Ces mesures, comme la loi LOM , peuvent favoriser l’innovation mais aussi nuire à la compétitivité internationale. [Presse 7]
  • L’incitation : il s’agit par exemple de donner des primes à l’achat d’une voiture hydrogène.
  • L’investissement : le déploiement de la filière hydrogène nécessite des fonds d’investissements forts, que les pays de l’Asie du Sud-Est peuvent assumer notamment.

Comment expliquer les différents états d’avancement de la filière dans le monde ?

La réaction des différents pays et les mesures qu’ils prennent peuvent se comprendre et s’expliquer. Selon notre interlocuteur chez Air Liquide, il faut prendre en compte l’histoire et la psychologie du pays. La politique du pays ainsi que d’autres enjeux propres aux pays interviennent.

L’Histoire

Tout d’abord, il faut distinguer deux formes d’innovation. La création consiste en l’arrivée d’un nouvel usage comme le téléphone, alors que la substitution est le remplacement d’un produit par un autre, meilleur, plus performant, plus efficace… En France, implémenter le réseau hydrogène est difficile et lent pour la raison que la forme d’innovation est la substitution et implique donc une transformation profonde du réseau déjà mis en place. La situation en France est contraire à celle de la Chine, pays très demandeur en hydrogène qui ne connait pas de difficulté dans l’implémentation de la filière. En effet, le développement du pays est récent et l’importante croissance démographique implique une demande en véhicules en forte hausse ces dernières années. De fait, l’équipement en voiture hydrogène, dont l’engouement international coïncide avec la période de forte croissance du pays, est par conséquent grandement facilité et dynamisé en Chine.

La psychologie

La psychologie de la population a un rôle indéniable dans le processus de développement. Marianne Julien distingue le comportement du français à celui d’un chinois. En effet, en France l’individualisme prime. L’individu a tendance à se concentrer sur l’assouvissement de ses propres besoins plutôt qu’œuvrer pour le bien commun. Ainsi, malgré des tentatives en France d’implémentation de voiture hydrogène, les habitudes et les usages sont des barrières très difficiles à surmonter.

Choix politiques

Un autre frein au développement des voitures à hydrogène est dû au positionnement des pouvoirs publics en terme d’Economie. Contrairement à la politique interventionniste des pays d’Asie, la politique de l’Europe est libérale. Or le passé nous montre qu’il est parfois nécessaire d’intervenir, comme le montre les lois Euro qui ont contraints les émissions de dioxyde de carbone en Europe à la baisse. De plus, certains choix politiques personnels peuvent favoriser ou freiner l’apparition d’une filière. Notamment, l’une des raisons du timide déploiement de la filière hydrogène en France est dû à l’orientation prise par l’ancien président Nicolas Sarkozy qui préférait la voiture électrique à la voiture hydrogène. Durant son mandat, le développement de la filière hydrogène a connu un arrêt presque net.

D’autres enjeux

De surcroît, dans certains pays comme la Chine une nouvelle fois, la filière est perçue comme une alternative très intéressante aux énergies fossiles. La Chine connaît une pression sur la qualité de son air. Le Japon tente de se dénucléariser après le traumatisme de Fukushima. La Corée du Sud s’est donnée comme objectif d’équiper ses véhicules utilitaires en pile à combustible en 2035. Cependant, des interrogations demeurent au sujet de la volonté de certains acteurs de freiner le développement de l’hydrogène au profit des énergies fossiles [Littérature scientifique 1].