Une production à bas coûts ?

L'électrolyse est-elle rentable ?

 

Coûts de production

Produire de l’hydrogène à partir de l’électrolyse est très coûteux. Le coût de production varie énormément en fonction du nombre d’heures de fonctionnement, avec une efficacité optimale à 7000 heures annuelles. En conséquence, un kilo d’hydrogène coûte entre 3.5€ et 5€, soit 200€/MWh thermique et ce en considérant que toute l’électricité utilisée provient des énergies renouvelables. Ce coût est basé sur une analyse économique globale (coût capital, coûts opératoires et maintenance) de l’électrolyseur, du stockage et des installations de production d’électricité renouvelable. Pour avoir une station de recharge en hydrogène, un moyen de stockage souterrain doit aussi être aménagé pour stocker l’hydrogène. [Site 1]

Ce mode de production est encore en plein développement et des améliorations conséquentes sont à prévoir pour les futures années. Le projet national HyFrance3 prévoit un coût de production entre 0.5€ et 0.7€ le kilo d’hydrogène. Cette prévision concerne une production massive d’hydrogène en région PACA ou Rhône-Alpes avec un champ d’éolienne et un stockage en cavité profonde. Elle a été effectuée dans le cadre de la mission du projet, qui vise à effectuer l’ « Evaluation technico-économique du développement d’une filière hydrogène en France et de ses impacts sur le système énergétique, l’économie et l’environnement ». [Rapport 1]

L’AFHYPAC, H2life, Nicolas Hulot à travers le ministère de la transition énergétique, Air Liquide et d’autres industriels orientés énergies renouvelables soutiennent ces prédictions. Ils se basent sur ces chiffres pour leurs investissements long terme.

Cependant, il existe des voix dissonantes qui remettent en cause la justesse de ces prédictions. Etienne Beeker a établi un rapport pour France Stratégie en aout 2004 dans lequel il remet en cause la rentabilité, même à long terme de l’hydrogène. [Rapport 3] Selon ce rapport, la recherche fondamentale pour la production et la transformation de l’hydrogène n’est pas encore mature. Il faudra bien plus d’efforts avant que cette énergie puisse être employée de manière rentable. En septembre 2018, lors d’une conférence en question / réponse entre Beeker et François le Naour, représentant de l’AFHYPAC, le représentant de France Stratégie a maintenu sa position. [Vidéo 2] L’hydrogène sera peut être à termes rentable mais en l’état actuelle des choses ce n’est pas le cas. De plus, il remet en question la fiabilité des estimations sur les coûts d’investissement et de rentabilité.

Malgré ce possible manque de rentabilité au niveau de la production hydrogène, de nombreux acteurs, principalement publics, investissent dans la création de station à hydrogène. L’Union européenne, la France et des collectivités locales effectuent ces investissements. La raison est double. Premièrement, cela incite les filières hydrogène à se développer, injecte de l’argent dans cette économie et permet ainsi la recherche et le développement de cette technologie. Le pari est bien évidemment qu’à terme celle-ci soit rentable mais pour cela, des projets de recherche doivent être financés. Deuxièmement, pour pouvoir lancer le marché de l’hydrogène, il faut que les consommateurs puissent avoir à disposition des stations de recharge d’où l’intérêt de produire de l’hydrogène, pour l’instant pas encore rentable. Cet aspect est plus détaillé dans la partie « Infrastructures ».

 

Capacité de stockage

Il existe cependant un intérêt non négligeable à la production d’hydrogène : sa capacité de stockage. En effet, les énergies renouvelables sont aussi très souvent intermittentes. Or, l'électricité est très difficile et coûteuse à stocker. Au contraire, une fois stocké, l’hydrogène peut être utilisé en différé selon la demande en énergie. Ce vecteur d’énergie peut donc compenser l’intermittence de la production d’énergie renouvelable en convertissant le surplus en hydrogène. Cela permettrait d’optimiser les rendements et donc les coûts. De plus, le stockage d’hydrogène permettrait d’en vendre lors des pics de consommation, ce qui impliquerait un bénéfice supplémentaire.

L’exploitation des surplus d’électricité du réseau électrique pour produire de l’hydrogène et le stocker est déjà utilisée pour les applications « power to gas ». Celles-ci consistent à faire réagir de l’hydrogène avec du dioxyde de carbone pour produire un méthane de synthèse. Ce gaz est une source d’énergie exploitée à travers sa combustion. Plusieurs industriels exploitent et promeuvent cette solution, parmi lesquels McPhy, qui produit électrolyseurs, stations de recharge, moyens de stockage ; et GRTgaz, l’un des premiers transporteurs européens de gaz naturel.

Encore une fois, Beeker conteste la rentabilité de cette solution. Il utilise pour cela le retour d’expérience des Allemands. Ceux-ci sont précurseurs dans l’utilisation de cette technologie en raison de leur part importante d’énergie renouvelable dans leur mix énergétique. Les rapports émis attestent de la non-rentabilité actuelle de la technologie power to gas et projettent qu’elle ne le sera pas avant plusieurs décennies. [Presse 3]