Faut-il imposer la mixité sociale dans les classes ?
Cette question relève d’une des problématiques majeures de l’immigration qui dépasse largement le cadre seul de l’école. C’est la notion d’appartenance à une nation qui est en jeu puisque les migrants accueillis en France le sont dans une logique d’intégration. Ainsi, c’est à l’école républicaine qu’incombe le rôle de faire rencontrer les cultures et faire d’un jeune migrant un citoyen et non une personne en marge de la société. Cependant, le constat de leurs résultats plus faibles par rapport aux natifs renforce l’impression qu’ils ne sont pas partie de la nation, auprès des natifs mais aussi auprès des immigrés eux-mêmes.
Le modèle scolaire ne semble pas fonctionner comme on a pu le voir dans une précédente analyse (cf Dispositifs éducatifs) où nous avons observé qu’il est courant que certains lycées sous la pression de parents d’élèves refusent de recevoir des migrants. Ils sont considérés comme étant de niveau faible ou encore fauteur de troubles. Bastenier explique dans L’école en France devant la société ethnique que les parents préfèrent placer leurs élèves dans des établissements selon leur « bord ethnique » plus que leur « bord socio-économique » [1]. Il existe un véritable problème de composition des classes à l’école. Les élèves migrants sont donc souvent regroupés entre eux, dans les banlieues, dans des établissements de ZEP où est placé en eux peu d’espoir de réussite scolaire, notamment de la part des professeurs. Leur moral et bien-être s’en trouve impacté puisqu’il y a un sentiment de dévalorisation et d’impossibilité de réussir dans le parcours scolaire. Lors d’un entretien avec une chercheuse à l’université de Genève, elle nous explique qu’il est constaté que les élèves migrants se sentent moins bien s’ils sont dans des lycées composés uniquement de migrants que dans des lycées ordinaires.
Qu’en est-il donc de l’avancée des mesures ?
Ces conclusions sur la ségrégation scolaire en France ont été mises en évidence après les attentats de 2015 puisque les terroristes ont eu une éducation en France. Le collectif s’est alors mis d’accord sur l’instauration de politiques déségrégatives pour « une égale qualité de l’offre pour tous », et de ce fait favoriser la mixité sociale. La Loi de la Refondation de 2013 de l’Ecole de la République de 2013 inscrit la mixité sociale comme objectif à atteindre mais sa définition est floue. Le gouvernement et la presse encouragent ces initiatives, mais qui restent encore très rares et localisées. Ceci est dû principalement à l’absence de données statistiques sur la composition ethnique des classes, sujet vraisemblablement très sensible en France contrairement à d’autres pays comme les Etats-Unis où la mixité sociale a une application concrète car quantifiée au préalable.
En effet, la même année, le CNESCO mène une enquête afin de tenter de quantifier la mixité sociale en France et en mesurer les effets sur la qualité de l’offre d’enseignement. Elle déplore “qu’au niveau national, aucun appareil national complet de mesure statistique des mixités sociales et scolaire n’a vu encore le jour, plongeant le pays dans une cécité collective sur les évolutions de la ségrégation dans les écoles françaises”. Il existe à ce jour encore de nombreux moyens de ségrégation en formant des classes de niveaux, favorisés notamment par le choix d’option (classes bilangues, latin/grec…). Cette enquête donne des éléments d’argumentation pour la mixité sociale à l’école : une étude [26] auprès de directeurs d’établissements montrent qu’ils considèrent que le professeur est plus efficace en présence d’une classe hétérogène.
Deux exemples de politique de constitution de classes :
– Le CNESCO met en avant les initiatives locales comme l’exemple du collège Vauquelin dans un quartier ségrégué de Toulouse recrute aussi ses élèves dans les quartiers favorisés. Pour ce faire, il fait des campagnes d’information auprès des parents en situation aisée pour qu’il n’ait pas de vision négative du collège uniquement car il y a un grand nombre d’élèves immigrés.
– Un article de France Bleu, 10 avril 2019, fait écho du mécontentement de parents d’origine étrangère dénonçant le manque de mixité sociale dans une école en Ardèche [23]. Ils dénoncent les dérogations faites par d’autres parents pour éviter cette école en particulier. Par ailleurs, la suppression de classes internationales dans des lycées de quartiers défavorisés réduit considérément la mixité sociale. Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres stratégies de parents d’élèves : dérogations, choix d’options, triche sur l’adresse de domicile…