Le socio-économique comme évidence
Depuis les études sur des panels d’élèves réalisées dans les années 90, à savoir Panel 95 et 97, on sait que les groupes d’immigrés et de descendants d’immigrés ont des résultats scolaires moins bons que ceux des natifs. Lorsqu’on étudie ces deux groupes il ressort directement que les descendants d’immigrés ont des conditions socio-économiques inférieures. Depuis les premières études sur les résultats scolaires à celle réalisée par Brinbaum en 2009 [2], on explique les difficultés des immigrés par la position sociale dominée de leurs parents dans la société. En effet les immigrés sont victimes d’inégalités sociales et celles-ci se reflètent à l’école. On observe bien sur ce tableau extrait des travaux de Brinbaum, les réelles différences sociales qui existent.
La limite de l’analyse socio-économique
Bien que le niveau socio-économique apparaît comme la justification des différences de résultats entre immigrés, il n’est pas satisfaisant pour analyser pleinement la situation. En effet, lorsqu’on étudie immigrés et natifs à niveau social égal les conclusions sont différentes. Les enfants d’immigrés ont plus tendance à être orientés en seconde générale ou technologique et à obtenir ces mêmes baccalauréats que les enfants de natifs du même milieu social. [11]. De plus, une étude comparative réalisée par Fouquet Chauprade montre qu’entre 2003 et 2012 le statut social des immigrés s’améliorent mais les résultats diminuent [8]. La condition socio-économique en France ne peut donc pas être vue comme la seule explication.
Lorsqu’on s’intéresse uniquement aux différentes catégories d’immigrés, on observe encore des différences. A niveau social égal, toutes les trajectoires scolaires des immigrés ne sont pas identiques. Il faut donc expliquer les différences de résultats qui persistent. Vu la pluralité qui existent au sein des immigrés, il semble difficile de considérer tout le monde de la même manière. Ainsi Ichou en 2014 se met à arrêter de supposer que le milieu social à la même influence sur tous les immigrés [11]. L’analyse devient plus fine pour étudier les différences. Une des clés de lecture de celles-ci est le contexte prémigratoire de la famille. Il y a plusieurs aspects à considérer.
L’origine prémigratoire
La première chose qu’on peut considérer est le pays d’origine de la famille. Lorsqu’on utilise des catégories d’analyse plus fine que la catégorie « immigrés » on observe que les résultats varient beaucoup [11]. Certains immigrés réussissent presque aussi bien que les natifs, ceux d’Asie du SE et de Chine, et inversement les Turcs ont le plus grand écart avec les natifs. Cela demeure même en pondérant par le niveau social.
Ce n’est pas le pays en tant que tel qui justifie ces écarts mais certaines caractéristiques prémigratoire qui y sont liés, notamment la position sociale d’origine. Les immigrés d’Asie du SE et de Chine avaient des positions sociales plus favorisées dans leur pays d’origine et étaient souvent éduqués [18]. C’est le groupe d’immigrés dans lequel on trouve le plus de pères cadres, de profession intermédiaire ou indépendant [16]. Ce sont eux qui aujourd’hui ont les meilleurs résultats, malgré leur position sociale défavorisée en France. A l’inverse les Turcs sont majoritairement issus de milieu ruraux, sans statut social favorable.
A cela vient s’ajouter le niveau d’étude dans le pays d’origine. Les parents français d’origine ont un niveau scolaire élevé dans l’ensemble. Les immigrés sont moins familiers avec l’école. Il y a là encore des différences au sein même des immigrés, qui se lisent bien selon le pays d’origine. Les parents du Maghreb n’ont souvent pas été scolarisés, contrairement à ceux d’Europe du Sud ou d’Asie du Sud [2].
A cela peut s’ajouter le projet migratoire. En ce qui concerne les Turcs, l’école n’est jamais au centre du projet migratoire alors que certains immigrés d’autres pays viennent en France pour donner à leurs enfants l’opportunité de faire des études. Cela se retrouve alors dans les aspirations scolaires qui divergent selon les pays d’origine. Les élèves originaires d’Asie du SE ont 1.38 fois plus de chances de souhaiter poursuivre après le bac que ceux d’Europe du Sud [16].
Il est donc nécessaire de ne pas se limiter à la simple explication des inégalités sociales. Il y a une pluralité nécessaire dans l’analyse. La notion de prémigratoire et le pays d’origine apparaissent comme quasi-déterminant dans le parcours. Il y a néanmoins d’autre facteurs déterminants dans la justification des inégalités qui ne sont pas de l’ordre des catégories statistiques.