Si les aspects sociaux, culturels et ethniques sont souvent utilisés pour reconnaître les phénomènes d’exclusions et d’inégalités à l’école, l’aspect psychologique, lui est bien moins souvent pris en compte dans les études.
La transition que doit effectuer le jeune étudiant -entre son pays d’origine et celui qui l’accueil ou simplement entre l’éducation que ses parents lui inculquent et celle de l’éducation nationale- crée dans son fonctionnement intérieur des changements psychologiques majeurs qui peuvent s’accompagner d’un certain déséquilibre qui nécessite un support psychologique [10]. Il ne s’agit d’ailleurs pas seulement d’un travail purement psychologique ou psychiatrique mais ethnopsychiatrique.
L’ethnopsychiatrie est l’étude des cultures par le biais de la psychologie/psychiatrie. Les sociétés occidentales ont tendance à placer l’individu au dessus de tout, par exemple dans la médecine ou la guérison doit se faire de façon personnelle et interne au patient. Ainsi, dans l’ethnopsychiatrie, la prise en compte des racines sociales et culturelles permet de mettre en contexte les difficultés rencontrées par le jeune et les contourner en créant de nouveaux liens entre son environnement et lui. En effet, dans les sociétés orientales, ce sont les liens avec les autres, avec l’extérieur, qui permettent la guérison. On cherche alors à guider le jeune dans une acceptation et intégration à la nouvelle culture, sans pour autant que les liens extérieurs avec les autres ne soient brisés. Le travail d’ethnopsychiatrie consiste donc, en tenant compte des aspects psychologiques et psychiatriques qui sont forts, liés au changement de culture du jeune, à donner au futur élève les clefs pour intégrer sa culture d’accueil et faire de lui non pas un migrant temporairement présent sur le sol français, mais un étudiant riche de deux cultures différentes et complémentaires.
Dans un entretien avec un chercheur de l’INED nous avons compris comment l’aspect psychologique ressortait fortement lorsque les élèves étaient eux même un produit direct de l’immigration, au lieu d’être des descendants de migrés. Il est alors complexe d’étudier le problème d’un point de vue global, étant donné qu’il est intrinsèquement psychologique et donc lié à une personnalité particulière, plus qu’à un groupe d’individus homogène. Les résultats d’une chercheure de la Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education de Genève avec laquelle nous nous sommes entretenus montrent que les élèves ségrégés ethniquement étaient davantage heureux que lorsqu’ils étaient en groupes mixtes. Ce résultat alarmant montre à quel point les acteurs dans les inégalités à l’école ont des intérêts et des envies mitigés
Créer une rupture de culture entre les deux que connaît le jeune étudiant pour l’immerger totalement dans la culture française est nocif dans sa construction personnelle et son insertion dans la société. De nombreux efforts sont mis en place pour au contraire valoriser l’usage de la langue d’origine et la richesse de sa culture propre. C’est l’exemple de certaines classes, les ELCO créées dans les années 1980 qui permettent aux élèves issus de l’immigration de bénéficier d’une éducation qu’ils auraient eue dans leur pays d’accueil. Au départ, ce concept se basait sur la vision éphémère de l’immigration post deuxième guerre mondiale. Ces classes existent encore aujourd’hui mais n’ont plus la même portée. Pour créer un équilibre chez l’étudiant, selon le site de l’éducation nationale : “la maîtrise de la langue maternelle est un préalable nécessaire à la réussite d’une langue seconde.”. Il s’agit donc de construire un pont entre les deux cultures, et l’élèves est censé pouvoir avancer avec ses repères bien établis.
Pour comprendre les problématiques soulevées par les inégalités à l’école, il est souvent important de considérer l’aspect psychologique sous-jacent. Celui-ci est rarement mis en avant de façon explicite, mais il est nécessaire pour traiter le problème de façon individuelle, par opposition à l’approche sociologique qui place l’individu dans un groupe.