Tout d'abord, pour être réaliste et crédible notamment en vue d'une éventuelle exportation, l'EPR se doit d'être économiquement intéressant. Il est vrai que la raréfaction des ressources fossiles entraîneront une inévitable augmentation du prix de l'énergie et que la lutte contre le réchauffement climatique pourrait favoriser les énergies dites « décarbonatées », ce qui pourrait s'avérer favorable au développement du nucléaire. Cependant, les arguments mettant en défaut la compétitivité économique de l'EPR ne sont pas à négliger. Le Réseau Sortir du Nucléaire affirme qu'il s'agit d'une erreur de stratégie industrielle car cette voie n'aurait pas de marché véritable comme le montrerait le fait que l'Allemagne, pourtant impliquée dans la conception de l'EPR n'en commandera pas, et que les ventes à l'étranger ne dépasseraient pas quelques unités (à cause notamment du délai de construction bien trop long) 19.3.2. Le développement énergétique actuel de la Chine permet tout de même de douter de ce dernier argument.
Cela dit, il faut quand même avoir à l'esprit que même si le marché était suffisamment porteur, cela ne suffirait pas à assurer un bel avenir à l'EPR. En effet, il semblerait que ce réacteur ne soit pas l'unique modèle existant parmi les réacteurs de génération 3: il y a l'EPR, il y a des bouillants, il y quand même des réacteurs sino-russes ou russo-chinois qui sont annoncés à des coûts assez compétitifs, mais avec des niveaux de sûreté qui sont moins bons.
Il est donc question de savoir comment le marché va se répartir entre les différents modèles existants ou envisageables. A moyen terme, est-ce que le monde va faire de l'EPR, ou du russe, ou des deux ? A priori ce serait plutôt les deux. Ça dépendrait de l'équilibre entre l'économie et le niveau de sûreté.
Pourtant il est à noter que les deux réacteurs ont des destins assez liés puisque si vous avez un problème sur un réacteur russe, même en Corée du Sud, c'est pas sûr que les gens commencent à acheter de l'EPR pour autant
21. Effectivement, on conçoit assez bien qu'un accident sur un réacteur quelconque pourrait ralentir considérablement le développement de l'ensemble des réacteurs atomiques, quel que soit le niveau de sûreté mis en ouvre. En outre, il est clair que la décision d'adopter la technologie EPR dépend d'autres paramètres indépendants comme la sûreté mais également l'acceptation locale et globale du public (ce qui est assez lié).
La question est donc de savoir quel(s) marché(s) sont les plus susceptibles de faire appel à la technologie EPR. En fait, ce type de réacteur est plutôt haut de gamme, dans la mesure où il a une capacité de 1650 MW ce qui est plutôt conséquent. Cela conviendrait donc plutôt aux zones où l'on a plutôt besoin dans des régions densément peuplées comme en Chine par exemple. Pour d'autres types de marché, il paraît beaucoup moins intéressant: il y aura sans doute besoin de réacteurs plus petits, notamment pour des pays un peu émergents, les pays de l'Est par exemple, je ne suis pas sûr qu'ils aient besoin de réacteur de 1 650 MW .
Exemple:la Syrie, ils avaient calculé qu'un EPR, ça faisait exploser leur besoin en électricité !
21.
Cependant, il reste un avantage assez important à entreprendre la construction de réacteurs dont la puissance est élevée: le prix moyen par mégawatt installé diminue avec le nombre de mégawatt. En résumé,plus il est puissant, moins il est cher [.]. Donc si on crée l'EPR à 1 000 MW, il coûterait aussi cher en schématisant - c'est pas vrai mais bon - c'est pas linéaire
21.
Il est vrai qu'on entend souvent dire:"on a voulu faire trop compliqué, c'est trop cher, c'est trop long à installer". Moi j'ai un collègue au CNRS - il pensait que le nucléaire ne se développerait pas parce que c'est trop lourd, et puis quand il a vu le réacteur russe, il a dit " ah finalement si, le nucléaire va pouvoir se développer, mais pas avec l'EPR "
21. Comme quoi les avis ne sont pas immuables...
En outre, il est intéressant de noter que, comme le souligne le Réseau Sortir du Nucléaire, « le coût du nucléaire est largement sous-estimé dans la mesure où il n'intègre que très partiellement les risques d'un accident majeur, les coûts de gestion des déchets nucléaires et du démantèlement des centrales nucléaires ». Il précise même que « démanteler la totalité de centrales nucléaires devrait coûter autant que leur construction » 19.3.2. Pourquoi ne les prend-on pas en compte dans tous les calculs économiques dans ce cas ? Dans la mesure où la durée des centrales actuelles est prolongée, on peut se demander si c’est dans le but de repousser leur démantèlement ou si elles sont vraiment capables de continuer à fonctionner en toute sécurité. En fait, comme nous l’a expliqué Sylvain David, il faut bien comprendre que les coûts de démantèlement n’interviendront qu’un très grand nombre d’années après leur construction si bien que leur coût actualisé devient presque négligeable par rapport aux coûts des travaux initiaux.