Qu'en est-il par rapport aux autres types d'énergies, notamment les énergies dites renouvelables?
Ayant déjà évoqué précédemment (aspect économique) le fait que la raréfaction des ressources fossiles (et donc l'augmentation du coût de l'énergie extraite de celles-ci) est un point qui pourrait favoriser le développement du nucléaire, il reste d'une part à voir si le nucléaire devient pour autant compétitif par rapport à ces ressources fossiles; et d'autre part à le comparer aux énergies "propres".
Pour ce qui est du premier point, il semblerait que le charbon ait un coût moindre mais que dès qu'on met 50 dollars [de taxe par] tonne de CO2 par exemple, le charbon coûte plus cher
21 . A ce propos, il est très intéressant de noter comment les économistes calculent leurs scénarios prévisionnels, l'anecdote qui suit montrant bien la difficulté de telles prévisions: je leur disais : « c'est un mystère pour moi, vous faites un scénario où vous montez la tonne de CO2 à 100-150 dollars, et le nucléaire ne se développe pas dans votre prospective ». On reste à quelques TWh. Et ils disent : « ah oui mais c'est normal parce que [...] si on met le vrai coût du nucléaire, on aurait une modélisation qui collerait pas à la réalité d'aujourd'hui, parce qu'on ne fait pas du nucléaire pour d'autres raisons que le coût:[...] l'acceptabilité sociale, [...] le Three Mile Island, etc. » Donc on met un coût fictif: c'est un curseur qui permet d'expliquer que le nucléaire est à un niveau très faible aujourd'hui, et on laisse le coût pour la suite, donc on modélise la non-acceptabilité supposée depuis 40 ans de nucléaire par un coût fictif, et après on dit « vous voyez le nucléaire ne se développe pas » ! Ah oui, mais on oublie de dire qu'on a mis le prix pour qu'il ne se développe pas
. 21 C'est donc le fait que les aspects économiques et d'acceptation vis-à-vis du grand public sont profondément enchevêtrés qui expliquent la difficulté de prévoir le futur et donc de déterminer si le nucléaire va être rentable ou non (ne serait-ce que pour savoir si les investissement effectués aujourd'hui trouveront un marché lorsque la technologie sera prête). Cela est d'autant plus gênant qu'il est alors très difficile d'établir un débat public sur des bases communes acceptées par tous.
D’un point de vue plus quantitatif, il est intéressant de pouvoir comparer les prix des deux types de technologie. Là-encore, il faut bien avoir à l’esprit que les chiffres sont à prendre avec des pincettes puisqu’ils peuvent aboutir à des conclusions opposées. Il reste tout de même intéressant d’étudier les affirmations des différents protagonistes : en Octobre 2003, le rapport Birraux [aboutit] à une bonne compétitivité de l’EPR : 30,9 € / MWh pour 10 tranches ou 33 € / MWh pour 4 tranches contre 35,1 € / MWh pour un cycle combiné à gaz (hypothèse médiane du prix du gaz)
20. Bien évidemment, tous ces chiffres sont antérieurs au début des travaux donc ne prennent absolument pas en compte les retards que nous connaissons à l’heure actuelle. Un communiqué AFP de Novembre 2008 souligne que La nouvelle estimation des coûts contredit tout cela : en 2005, EDF pensait que le MWh extrait des tuyaux de Flamanville se fixerait aux alentours de 46 €. Jeudi, le groupe a déclaré qu'il faudrait plutôt tabler sur 54 € : une rentabilité pas si compétitive que ça face aux centrales utilisant des sources d'énergie fossile dont les coûts oscillent entre 50 et 60 € le MWh
13.19. Ces conclusions sont contestées par Pierre Gadonneix cité dans un Figaro du même mois qui prétend que [l'augmentation de 20%] des coûts du prototype de l'EPR est parfaitement raisonnable. Si l'on prend en compte l'inflation et le fait qu'un certain nombre de prestations sont indexées sur le prix des matières premières, ce renchérissement n'a rien d'exceptionnel. A titre de comparaison, sur la même période 2005-2008, les coûts de construction d'une centrale à gaz se sont appréciés de plus de 40% et ceux d'une centrale à charbon de plus de 50%. En effet, la construction de ces deux types de centrales est beaucoup plus sensible à l'inflation des matières premières. L'alourdissement de la facture de Flamanville se traduit certes par une augmentation du prix de revient du MWh d'origine nucléaire (de 46 à 54 euros) mais dans le même temps les coûts de production d'une centrale thermique ont grimpé de près de 30%. A l'arrivée, la compétitivité du nucléaire est parfaitement préservée et même renforcée
2.2. Si tout le monde accepte l’idée que l’allongement de la durée des travaux est d’autant plus grave sur le calcul économique que celui-ci est basé sur le principe de la valeur actualisée, les conclusions pour savoir si la rentabilité est assurée ou non divergent.
En ce qui concerne la comparaison avec les énergies renouvelables, Greenpeace affirme que " selon l'étude Eole ou Pluton publiée en décembre 2003, l'investissement de ces 3 milliards d'euros dans un programme de développement de l'énergie éolienne permettrait de créer 5 fois plus d'emplois, de produire plus de deux fois plus d'électricité sans produire de déchets nucléaires !" 19.3.2. Nous avons trouvé intéressant de soumettre cet argument lors de notre interview avec Sylvain David, chercheur au CNRS et voici la réponse: On installerait autant de GW, ce qui est un petit peu différent. Si vous regardez, une éolienne, ça tourne 20% du temps - donc si vous voulez installer 1 GW éolien, c'est aussi cher qu'un GW nucléaire sauf que ça fait 5 fois moins d'énergie - et d'autre part, on oublie aussi de dire qu'une éolienne, ça dure 20 ans, et que donc en fait il faut en construire 3. Parce que les matériaux s'usent, la durée de vie c'est en gros 20 ans. Alors que le réacteur, il est fait pour 60 ans. Après, avec les taux d'actualisation etcetera, tout cela est distordu, du fait que vous deviez payer le réacteur en entier à instant t, vous empruntez [ce qui coûte donc plus cher que de l'argent à dépenser dans le futur], mais le fait est que l'on compare tout le temps dans les médias les GW éoliens et [...] nucléaires - et là, il y a un bon facteur 4 sur l'énergie réellement produite. Sans parler que c'est intermittent, bref, c'est pas comparable
21.
Autre argument classique: au début du nucléaire, on pensait qu'on aurait du mal à atteindre des rendements élevés et que ce serait très compliqué à faire, donc si on investissait de la même manière dans le solaire (par exemple), on s'apercevrait peut-être d'ici 10 ou 20 ans qu'on peut effectivement produire beaucoup plus que ce qu'ils considèrent à l'heure actuelle. Voici la réponse: D'abord moi je ne suis pas du tout pour opposer renouvelable et nucléaire. [...] Il faut faire du stockage CO2, du renouvelable et du nucléaire[...]. La compétition nucléaire-renouvelable, stockage, économies [d'énergie] tout ça, pour moi c'est vraiment des discussions du passé. Les personnes qui vous font croire qu'on va sauver le monde avec les renouvelables seules, ou avec les économies seules, ça c'est pas vrai
21. Il ne s'agit pas uniquement de savoir quelle est la meilleure solution mais également de voir si celle-ci peut satisfaire à elle-seule l'intégralité des besoins énergétiques.
Il subsiste encore une question épineuse et tout à fait spécifique au nucléaire: celle des déchets radioactifs et de qui en découle. S'il est clair que l'on ne sait toujours pas les traiter, il est légitime de se demander si cet aspect est aggravé ou bien amélioré par ce nouveau type de réacteur. La question est posée à Sylvain David: au niveau rendement, ici c'est 35% qu'ils annoncent au lieu de 33-34, on gagne un point de rendement. C'est pas révolutionnaire, [...] peut être 10% de moins de déchets à tout casser.
Est-ce positif dans le cadre de la gestion des déchets? C'est pas fait pour ça, c'est pas le but. Le but c'est d'optimiser l'opération du réacteur
21. De même, il est tout à fait pertinent de s'interroger sur les risques d'accident et donc sur la sûreté .