Centrale Nucléaire sous le soleil couchant

Peut-on chiffrer le coût de la fermeture de la centrale de Fessenheim ?

Cours Description de controverses, Mines ParisTech

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Les coûts du démantèlement à proprement parler

En quoi consiste un démantèlement ? Les différents acteurs s’accordent-t-ils sur ses différentes étapes ?

Le premier travail afin de déterminer le coût du démantèlement d’une centrale est de fixer clairement les limites du processus étudié. L’OCDE présente neuf catégories sur le démantèlement qui sont, pour le réacteur :

Cette définition n’est néanmoins pas universelle et peut varier d’un pays à l’autre. On note ainsi quelques nuances dans un article slovaque ( Bezak, Peter ; Daniska, Vladimir ; Rehak, Ivan ; Necas, Vladimir. Algorithmisation of nuclear installations equipment dismantling ) destiné à préparer le démantèlement des centrales nationales :

Même si ces deux acteurs semblent s’accorder sur l’essentiel, nous notons par exemple que les activités de recherche et de développement préalables au démantèlement ne sont pas explicitement mentionnées dans le rapport de l’OCDE.

Pour le cas de la France, et notamment de Fessenheim, le combustible usé est exclu du démantèlement et l’ont peut simplifier les tâches ainsi selon Robert LALLEMENT, ancien Directeur de la gestion des déchets et de l’assainissement au CEA :

Nous le voyons bien, des divergences apparaissent dès la définition des étapes du démantèlement.

Comment se répartissent les coûts de ces différentes étapes ?

L’enquête de l’OCDE donne aussi une analyse très intéressante de la décomposition des coûts en ce qui concerne la centrale de Fessenheim.

Cette répartition est très variable selon le type de centrale traité, le tableau ci-après donne une ces mêmes données avec un intervalle. Chose qui montre à quel point les données peuvent changer d’une centrale à l’autre :

Déconstruction25-55%
Déchets17-43 %
Sécurité, surveillance8-13%
Réaménagement du site5-13%
Ingénierie gestion de projet5-24%

Ainsi, l’incertitude porte autant sur les coûts de chacune des activités que sur les activités à prendre en compte sur le démantèlement.

Quels facteurs peuvent expliquer de tels écarts ?

Le type de réacteur concerné est un facteur essentiel à prendre en compte : L’enquête lancée par l’OCDE pour connaître les estimations des coûts de l’opération des divers types a donné les résultats suivants :

Type de réacteurMoyenne (en $/kWe)Écart type
REP320195
VVER330110
REB420100
PHWR-CANDU36070
GCR2500

Encore une fois l’importance des écarts-types révèle l’ampleur de l’enquête et la difficulté de cerner ces coûts incompressibles car ils restent très variables d’une centrale à l’autre.


Marcel Boîteux, dans l’Eloge des écotaxes, éclaire la notion de taux d’actualisation :

« Si l’on a le choix, on préfère très généralement avoir 100 € tout de suite que 100 € dans dix ans. Ne serait-ce que pour placer cet argent en attendant qu’on en ait besoin. Cette « préférence pour le présent », qui caractérise l’attitude d’une collectivité devant le futur, s’exprime par le taux d’intérêt i qui y règne : hors prime de risque, le marché échange, et donc déclare fondamentalement équivalent, 1 euro aujourd’hui, et 1+i euros dans un an, 1 euro aujourd’hui et (1+i)10 euros dans dix ans. Pour un taux i de 7,2 % – élevé aujourd’hui pour un placement sans risque (doublement en dix ans) – le marché échange ainsi 1 euro aujourd’hui contre 2 euros dans dix ans, 4 euros dans vingt ans etc …


Il est à noter que les coûts de démantèlement présentés ici sont indépendants du temps au taux d’actualisation près : que le démantèlement soit effectué maintenant ou dans 50 ans, le coût sera le même. Le taux d’actualisation retenu par tous les exploitants (AREVA, CEA, EDF) est de 5% correspondant à 2% d’inflation et à 3% de taux d’intérêt réel.

En France Seuls deux types de réacteurs sont concernés, les REP et les réacteur à gaz (GCR). Nous voyons bien que le coût de démantèlement des deux réacteurs de Fessenheim de type Réacteurs à Eau Pressurisée sont particulièrement difficiles à estimer.

Le choix d’un démantèlement manuel ou automatisé a aussi une influence considérable sur les coûts de la main d’oeuvre et donc sur les coûts du démantèlement. Une répartition des coûts de main d’oeuvre au cours du démantèlement est proposée par l’article scientifique mentionné plus haut :

Cependant, les coûts de main d’oeuvre sont extrêmement difficiles à estimer. En effet, le choix d’utiliser une main d’oeuvre humaine ou automatisée est fonction de la dangerosité du site à démanteler, qui est particulièrement délicate à estimer.

Une méthode de calcul est proposée par les rédacteurs de l’article Algorithmisation of nuclear installations equipment dismantling de 2010 (Besak, Peter ; Daniska, Vladimir ; Rehak, Ivan ; Nekas, Vladimir) : l’idée est de comparer la somme des doses reçues par les travailleurs à la somme des doses maximales admissibles, ainsi que la dose personnelle reçue à la dose personnelle maximale admissible.

Si un de ces seuils est dépassé, le démantèlement ne peut être entièrement manuel. Cette exposition aux radiations dépend essentiellement de la configuration de chaque centrale, d’où une difficile transposition des coûts. Il est par ailleurs encore nécessaire de s’accorder sur les seuils de tolérance...

L’estimation des coûts de main d’œuvre, qui représente un poste de coût majeur, est ainsi très délicate.

Nous venons d’explorer le coût qui viendrait naturellement à l’esprit lorsque l’on parle de démantèlement d’une centrale : le processus de déconstruction à proprement parler voire, selon certains experts, de réhabilitation du site. Il s’agit à présent d’explorer plus en avant les grands coûts existants et fortement dépendants du scenario de fermeture de la centrale.

Des estimations fortement dépendantes du scénario de fermeture adopté