« Repenser la pauvreté », c’est ce que proposent Abhijit Banerjee et Esther Duflo, deux chercheurs en économie du développement au MIT (Massachussets Institute of Technology) dans le livre du même nom. Ils y décrivent une nouvelle approche de la discipline reposant sur les évaluations d’impact par assignation aléatoire, ou Randomized Controlled Trials (RCT). L’évaluation permet de tester des programmes d’aide au développement afin de juger de leur efficacité. Le but est de mieux cibler la lutte contre la pauvreté, dont les résultats ont été jusqu’à présent mitigés. Les travaux, menés depuis une dizaine d’années, et dont de nombreux exemples seront présentés, visent à mettre en évidence les mesures répondant le mieux aux différentes problématiques du développement.
Les RCT correspondent à une méthodologie précise, que nous définirons et illustrerons immédiatement par un exemple, à savoir l’évaluation d’un programme de bourses au mérite au Kenya. La mise en place de cette méthodologie sur le terrain vise à mesurer l’effet du programme sur les populations concernées. Mais comment mesurer cet effet ? Quels sont les écarts entre le protocole et l’expérience effectivement menée sur le terrain, et comment les expliquer ? La validité des résultats observés lors de l’expérience est un point de controverse.
Les résultats observés lors de l’évaluation d’impact permettent d’apprécier l’efficacité d’un programme sur la population soumise à l’expérience. Comment ces résultats doivent-ils être utilisés par les décideurs politiques et institutionnels ? Il est nécessaire de s’intéresser aux différents écueils qui interviennent lorsque l’on veut étendre un dispositif qui a été jugé localement à une échelle globale. La question de la généralisation des résultats, déterminante lorsque l’on veut prendre des décisions politiques à partir de l’évaluation, est un autre point largement débattu.
Cette nouvelle approche de l’économie du développement, incarnée par un réseau de chercheurs, le J-PAL, pour Abdul Latif Jameel Poverty Action Lab, dont nous détaillerons les caractéristiques, a connu un essor rapide et continue de convaincre de plus en plus de chercheurs et d’institutionnels. Il est intéressant d’analyser l’émergence d’un tel mouvement au sein d’une discipline comme la science économique, les réactions qu’elle engendre, et la manière dont elle questionne la science économique même.
Le travail qui suit tente d’apporter des éléments d’analyse et de compréhension de ces différents points, qui constituent autant de déclinaisons de la question suivante : dans quelle mesure les expériences par assignation aléatoire permettent-elles de mieux apprécier les politiques à mettre en place afin de lutter contre la pauvreté ?
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