Une controverse peu médiatisée
La controverse autour de l’utilisation des RCT en économie du développement reste très fermée et contenue dans le milieu de la recherche en économie du développement. Le premier vecteur de communication et d’échange sur la controverse reste la littérature scientifique publiée par les différents “camps” de chercheurs. Pourtant la sphère publique est directement concernée par ces travaux : d’abord parce qu’ils se veulent représentatifs d’une économie pourvoyeuse de vérité et propre à guider les politiques publiques (selon l’idée anglo-saxonne d’Evidence-Based Policy.) et que c’est un point central de la controverse (“En effet, selon l’approche théorique, selon la discipline, selon l’objet traité, il est plus ou moins facile de construire des preuves de niveau élevé et le statut de méthode de référence (« gold standard ») des résultats obtenus grâce à des essais randomisés contrôlés est source de nombreuses controverses.” – Laurent), ensuite parce que les financements publics (et donc la société civile) sont bien souvent les bailleurs de fonds de ces expériences, au moins en partie lors de financements multilatéraux. Mais la technicité de l’économie du développement, et la distance vis-à-vis des pays directement concernés n’en font pas un sujet majeur pour le public.
Une communication centrée sur quelques visages
Mais le nouveau “scientific business model” des RCT porté par une nouvelle génération de chercheurs a besoin d’une communication extérieure massive pour répondre à ses besoins de financements auprès de nouveaux acteurs : fondations privées, fonds multilatéraux. En ce sens, la communication, influencée par les racines américaines (MIT, J-PAL) de la recherche dans ce domaine , est basée sur des conférences publiques qui sont l’occasion de vulgariser les solutions apportées par les RCT. Pour créer une dynamique autour de ces recherches en économie du développement, c’est une focalisation autour de quelques visages, académiquement reconnus, co-auteurs de très nombreux papiers : Esther Duflo, Abhijit Banerjee, Abdul Latif Jameel ; reprenant ainsi le modèle qui a fait le succès de la micro-finance avec une communication très focalisée sur la personne d’Amartya Sen. La mise en exergue des RCT repose donc sur ces personnalités et leur communication.
Une communication qui amplifie la controverse
Mais communiquer à l’extérieur de la littérature scientifique force aussi à la vulgarisation des thématiques et des enjeux liés aux RCT, et ainsi à une plus grande polarisation des positions des acteurs au cœur du débat. De plus, l’importante domination des RCT dans les publications scientifiques majeures peut forcer les courants plus minoritaires s’opposant aux RCT à durcir leur critique pour être entendu à dans des sphères plus large et dans la presse économique (Nubukpo).
Ainsi la polarisation et la caricature qui ressort des discours vulgarisés amplifie la controverse et limite les possibilités de rapprochement et de conciliation des différentes théories.
Une communication paradoxale
Comme le souligne Florent Bédécarrats, il est particulièrement intéressant de souligner la volonté de faire apparaître es méthodes des RCT comme simples et vrais, alors que nous l’avons constaté, les biais et les critiques sont simples. Alors que les études par assignation aléatoire durent plusieurs années et demandent des validations et des traitements statistiques importants pour en extraire toute la scientificité, c’est un sentiment de simplicité qui apparaît dans la communication des chercheurs, leurs papiers ou leurs apparitions publics étant l’occasion de faire part de “cautionnary tales”, c’est-à-dire d’anecdotes et de discussions venant du terrain pour schématiser les résultats. Ainsi, la simplicité apparente de la démarche des RCT et la mise en avant de celle-ci correspond à une véritable stratégie de communication, pour mettre en avant les avantages et les qualités de cette technique avec un discours plus simple.