Historique

  • 1924 : 
Naissance du Cartel Phoebus.                                                
Devant la chute vertigineuse de leurs ventes annuelles, les principaux fabricants d'ampoules décident de mettre en place une entente commerciale connue sous le nom de Cartel Phoebus qui visait à limiter la durée de vie de leurs produits afin de contraindre le consommateur à acheter plus souvent des ampoules. Ce cas est désormais cité comme l'exemple historique illustrant l'existence avérée de pratiques d'obsolescence sur le marché.                         
Toutefois, la réalisation d'une telle entreprise s'explique principalement par la forme structurelle que prenait le marché alors. En effet, pour qu'un tel accord soit efficace et durable, il est nécessaire qu'il n'implique qu'un nombre très limité d'acteurs, soit une situation de marché proche de l'oligopole, comme c'était à l'époque le cas.                                                                  En ce sens, il semblerait délicat d'envisager une situation similaire aujourd'hui. 
  • 1932 :
Au chapitre  « Ending the Depression Through Planned Obsolescence », de son livre The New Prosperity, Bernard LONDON, promoteur américain, parle pour la première fois d’obsolescence programmée comme d'une stratégie commerciale théorisée. Tout cela part d’un constat : alors que la crise bat son plein, que le chômage atteint des records et que l’avenir n’apparait pas moins incertain, la consommation des ménages est en berne, et, conséquence directe, le taux de renouvellement des équipements diminue fortement. C’est dans cette Amérique des Années Noires que Bernard LONDON pose l’obsolescence programmée comme une solution pour stimuler la consommation globale, soutenir l’industrie et permettre de renouer avec la croissance, à la condition nécessaire que cette dernière soit légale et assurée par le gouvernement. Il est toutefois intéressant de noter, qu’à l’aube des années 30, si son enthousiasme était certain, le concept d’obsolescence comme outil à la croissance ne reçut que peu de retour politique.
  • 1950’s :
Les années 50 signent deux nouveautés sur la question de l’obsolescence.                                                                Tout d’abord c’est l’invention de ce qu’on nommera plus tard obsolescence esthétique par le designer industriel américain Brooks STEVENS (1911-1995). Ce dernier se fait le chantre de cette pratique, qu’il cherche à étendre dans toute l’Amérique, et qu’il définissait de la façon suivante : «Planned Obsolescence is instilling in the buyer the desire to own something a little newer, a little better, a little sooner than is necessary ». Cette invention, nourrie d’un fort débat, notamment dans les colonnes de la revue Industrial Design, aura pour conséquence, et c’est le deuxième point, de populariser le terme d’obsolescence programmée qui se développe alors.
  À noter que cette pratique n’est ici relative à aucun jeu sur la qualité du produit, on se débarrasse de produits en parfait état de marche par l’unique recours de la publicité, par la sortie de 'nouveaux' produits,…
De la même manière que le terme d’obsolescence commence à passer dans le langage courant, la fin des années 50 et le courant des années 60 marquent le timide début de l’opposition idéologique autour de la pratique d’obsolescence.
  •  1958 :
Dans The Affluent Society,  l’économiste canadien et professeur à Harvard Kenneth GALBRAITH (1908-2006) est le premier à dénoncer la pratique d’obsolescence. Il encourage les universitaires des pays industriels à interroger les implications de telles démarches notamment sociales, la hausse des investissements privés, jouant à la baisse sur les investissements publics favorisant ainsi l’accroissement ou le maintien de certaines inégalités pendant le boom économique d’après-guerre.
  •  60’s :
L’expression fait désormais partie intégrante de la vie et du langage quotidien. Volkswagen lance même une campagne de publicité (dont on notera le sexisme), sur ce thème.
1964 - Volkswagen - "Tôt ou tard, votre femme conduira, une bonne raison d’avoir une Volkswagen"

1964 – Volkswagen – « Tôt ou tard, votre femme conduira, une bonne raison d’avoir une Volkswagen »

  • 1960 :
Vance Packard publie le livre The Waste Makers. Si GALBRAITH a permis d’établir une considération de l'obsolescence par le monde universitaire principalement américain, V. PACKARD, lui, insiste sur la dimension éthique qui est ignorée dans le recours à de telles pratiques et souligne l’ensemble des problèmes tant sociaux qu'environnementaux qui se développeront si la pratique venait à s'étendre. Dans un contexte encore florissant où les considérations environnementales étaient totalement absentes, il est le premier à souligner le coût monumental que représente la pratique d’obsolescence en terme environnementaux, avec la question de la gestion des déchets, en terme de liens sociaux, avec une déconnexion croissante des individus, et en terme de croissance et d’économie structurelle qui seront désormais caractérisées par un état permanent et croissant de dette et de déficit. Il est également le premier à établir les nuances entre obsolescence technique, qu’il qualifie d’obsolescence de fonctionnalité, et l’obsolescence esthétique qu’il qualifie de psychologique.
  • 1967 :
Ce mouvement contestataire se poursuit et s’affirme dans les années 60 notamment grâce à Lewis MUMFORD (1895-1990), historien et philosophe américain spécialiste des problématiques liées à l’avènement de la société industrielle. Dans son ouvrage Le Mythe de la machine (1967), il considère les effets de la pratique pour la « satisfaction humaine » et l’image d’une société. Ce qu’il appelle la mégatechnique qui regroupe l’ensemble de la technologie moderne pousse à une production effrénée peu encline à s’arrêter aux considérations climatiques, et renforcée par des dispositifs tels que le crédits à la consommation, les designs défectueux et voués à une mort certaine et surtout prématurée, les lanceurs de mode et surtout la publicité, montrant par là même que l’explosion de la notion d’obsolescence et de sa pratique du moins en terme esthétique n’est pas le fruit du hasard et n’aurait pas pu se produire quinze ans plus tôt. Ce sont les conditions biens particulières des Trente Glorieuses qui ont permis l’avènement d’un tel fonctionnement et « sans l’incitation constante de la publicité », explique t-il, « la production ralentirait et se stabiliserait à la demande de remplacement normal ; de nombreux produits pourraient atteindre un plateau de conception efficace qui n’exigerait que des modifications minimes d’année en année ».
  • 2007 :
Giles Slade revient sur l’histoire américaine sous l’angle de l’obsolescence : 
Dans son ouvrage publié en 2007 Made to Break: Technology and Obsolescence in America Giles Slade replace l’obsolescence et l’accumulation de déchets au cœur de l’histoire des Etats-Unis. Selon lui, l’invention des marques et de la publicité a joué un rôle crucial dans le développement de la société de consommation américaine actuelle. 
C'est notamment cet ouvrage qui inspirera 3 ans plus tard le documentaire "Prêt à jeter" réalisé par Cosima Donnoritzer et diffusé sur Arte en 2011.
  • 2010 :
. Les Amis de la Terre et le CNIID co-publient un rapport mettant en lumière l'ampleur que le problème aurait dans le secteur particulier des produits de haute-technologie. 
  • 2011 : 
. Diffusion de l'enquête "Prêt à jeter" sur Arte : ce documentaire joue un rôle clé dans la naissance du débat sous sa forme contemporaine et politisée : c'est notamment à cette date que l'opinion publique commence à être très clairement intégrée aux débats qui s'ouvrent alors à d'autres perspectives que les seules considérations économiques.  
Les associations de consommateurs commencent à s'emparer du sujet et à faire entendre leur voix.
Il est intéressant de noter que le nombre de recherches relatives au sujet de l'obsolescence programmée a explosé sur les moteurs de recherche à cette période précise en France, en Allemagne et en Espagne, pays où fut diffusé le documentaire.
  • 2012 :
. Première prise de position d'une figure politique sur le sujet dans sa forme contemporaine. Éva JOLY, candidate Europe Écologie les Verts aux présidentielles milite pour l'interdiction de la pratique. 
. ADEME publie en juillet une « Étude sur la durée de vie des équipements électriques et électroniques »
.Serge LATOUCHE écrit et publie Bon pour la casse : les déraisons de l'obsolescence programmée. Fervent opposant à la société de consommation et militant actif d'une décroissance généralisée revient sur les origines et les conséquences qu'auraient une pratique d'obsolescence programmée.
  •  2013 :
. Projet de loi d’Europe Écologie les Verts porté par Jean-Vincent PLACÉ qui milite notamment pour une augmentation de la garantie des produits et une transparence dans la fabrication et la structure des objets afin de faciliter les réparations par les particuliers eux-mêmes. Ce projet, après avoir été refusé, est en partie relayé par la loi Consommation portée en deuxième lecture au Sénat par Benoit Hamon en juillet.  

À l’international 

Google trend, réalisé en février 2014

Google trend, réalisé en février 2014

Nous avons voulu faire la comparaison avec d’autres pays européens et les Etats-Unis afin de voir les évolutions.

Nous avons donc tapé sur Google trends

  •  « obsolescence programmée » pour la France
  • « obsolescencia programada » pour l’Espagne
  • « planned obsolescence » pour les Etats-Unis
  • « geplante obsoleszenz » pour l’Allemagne.

On constate la même évolution pour l’Allemagne, la France et l’Espagne : un pic à partir de 2011. Ceci s’explique une nouvelle fois par le documentaire d’Arte. En effet, il est franco-espagnol, et vu qu’il a été diffusé sur Arte il a aussi été diffusé en Allemagne. Le documentaire a donc été diffusé dans ces trois pays en même temps et a entrainé le même intérêt, initiant cette controverse sur le plan médiatique.

Toutefois, on observe sur ce graphique de Google Trends que l’intérêt pour cette recherche est plus ancien aux Etats-Unis.

De plus, nous avons comparé le nombre d’articles de presse publiés dans le monde et ayant dans leur développement les termes « obsolescence programmée ». Nous avons regroupés nos résultats sous la forme du graphique suivant :

Nombres d’articles traitant (ou s’approchant) du sujet de l’obsolescence programmée dans le monde en 2012 et 2013.

On constate que, au prorata du nombre d’habitants et du nombre de lecteurs, la presse francophone est la première à se saisir du sujet (nous n’avons pas pu quantifier précisément les résultats en langue espagnole et allemande d’où l’absence de comparaison). Le débat est néanmoins aussi présent outre-manche et outre-atlantique. En Asie du sud-est, région qui connait un très fort développement économique, la question se pose très peu et reste cantonnée à la sphère scientifique. En Afrique, la question ne se pose pas.

Le sujet de l’obsolescence programmée est à la fois assez récent et très présent surtout en Europe et aux USA, c’est-à-dire dans des pays très développés où ce genre de problématiques peuvent surgir. En outre, il apparaît que les réactions des pays soient différentes face à ce sujet.