Prouver l’obsolescence

Comment prouver l’obsolescence programmée ?

Prouver de façon précise et irréfutable l’existence de l’obsolescence programmée, ce serait mettre un terme à la controverse. Or, dans la mesure où il y a un désaccord même sur la définition du phénomène, prouver son existence est plus complexe.

Nous avons recherché les différents moyens mis en évidence par les acteurs qui permettraient de prouver l’existence, ou justement l’absence, de l’obsolescence programmée. La mesure de celle-ci revêt effectivement le costume de la technicité de la controverse.

Il y a un lien indéniable entre la durée de vie des produits, et l’idée d’obsolescence programmée. Dès lors, comment mesure-t-on la durée de vie d’un produit ?

De plus, la connaissance ou la méconnaissance de l’évolution de la durée de vie d’un produit ne suffit pas pour parler d’obsolescence programmée. Il faut également prouver le lien. Comment mettre en évidence de lien de causalité entre l’éventuelle pratique de l’obsolescence programmée et l’éventuelle diminution de la durée de vie des produits ?

MESURER LA DURÉE DE VIE

Enquêter auprès des consommateurs

Dans la mesure où les industriels sont accusés, ils cherchent non pas à prouver l’obsolescence programmée mais justement son inexistence pour se disculper. A ce titre, le GIFAM et le SIMAVELEC ont réalisé des enquêtes auprès des consommateurs pour obtenir ces preuves. Les enquêtes réalisées semblent conforter leur position selon laquelle l’obsolescence programmée n’existerait pas dans leurs domaines respectifs. Cependant, quelle importance peut-on accorder à des enquêtes réalisées auprès des consommateurs? Le mode de preuve est donc ici une enquête de type sociologique.

Le GIFAM a intitulé un communiqué de presse du 21 juin 2011 « Une Etude TNS Sofres sur la durabilité des gros appareils ménagers contredit les idées reçues ». Au sein de cette étude, nous pouvons voir une comparaison entre la durée de vie moyenne des appareils et leur durée d’utilisation moyenne. Nous nous sommes renseignés auprès du GIFAM : si les individus interrogés sont des consommateurs d’appareils toutes marques confondues, l’étude ne concerne donc pas seulement les produits du GIFAM. En moyenne, la durée de vie souhaitée par les utilisateurs était inférieure à la durée de vie réelle moyenne. Peut-on le comprendre comme un gage d’absence de pratique d’obsolescence programmée ? Le lien de causalité semble difficile à prouver.

Cette étude effectue également une comparaison entre la durée de vie d’une machine à laver et d’un réfrigérateur en 1977 et leur durée de vie en 2010. L’étude montre que la durée de vie est sensiblement la même : elle a diminué de 10 mois. Or, compte tenu des innovations techniques, n’aurait-elle pas dû a contrario augmenter ?

Nous devons prendre en compte les modifications des habitudes : les habitudes des consommateurs se sont modifiées en 30 ans et ces appareils sont peut être utilisés plus fréquemment aujourd’hui qu’il y a 30 ans. Dans cette étude, il est également question des motifs poussant l’usager à renouveler ses appareils électroménagers. Il semble qu’il soit amené à les renouveler pour deux raisons, dont l’entreprise ne serait alors pas responsable : d’une part pour des raisons de praticité et d’adaptation à l’évolution des modes de vie, d’autre part pour la recherche de performances meilleures.

Ces enquêtes, sur la durée de vie des produits, posent le problème de la mesure de cette durée de vie.

Comment mesurer la durée de vie ?

Avant de s’interroger quant à la manière de mesurer la durée de vie, penchons-nous sur la définition de celle-ci (extraite du rapport TNS Sofres de 2011).

  • Durée de vie d’un appareil : laps de temps écoulé entre l’achat d’un appareil neuf et son remplacement par un appareil similaire parce que celui-ci était en panne irréparable
  • Durée d’utilisation : ancienneté ou durée de présence au foyer d’un appareil, c’est-à-dire le temps écoulé entre sa date d’entrée dans le foyer et sa date de remplacement

Cette définition de la durée de vie semble soulever une question : dès lors qu’un produit a atteint une panne irréparable, on dit qu’il a terminé sa vie ; qu’en est-il des objets réparables mais dont la réparation est plus coûteuse encore que l’achat d’un produit neuf ?

Le GIFAM explique que la mesure de la durée de vie passe par des questions posées aux consommateurs : on leur demande quand l’objet neuf a été acheté et quand l’appareil n’était plus réparable. Une moyenne des réponses obtenues est ainsi réalisée.

Le sondage est-il le seul moyen de mesurer la durée de vie d’un appareil ? Le GIFAM explique qu’une étude accélérant la durée de vie des produits est extrêmement compliquée à mettre en place.

LA PREUVE PAR L’OBJET ou L’EXEMPLE

En ce qui concerne l’obsolescence esthétique, les quantités d’objets jetés alors qu’ils sont toujours en état de fonctionner permettent de prendre conscience de l’ampleur du phénomène.

Dans certains cas précis, il semble que des techniques soient mises en œuvre pour accélérer le besoin de renouvellement. À ce sujet les Amis de la Terre dénoncent, les fraudes réalisées par Apple en dépit des textes de lois. Par exemple, un consommateur ne peut pas ouvrir un Iphone pour changer la batterie ou toute autre pièce. De même, Apple a été vivement critiqué par les écologistes car la connectique de l’Iphone 5 est différente de celle des modèles précédents, obligeant le consommateur à renouveler tous les chargeurs.

En outre, de nombreux exemples sont utilisés dès que l’obsolescence programmée est abordée, notamment les imprimantes et les ampoules.

  • Le cas des imprimantes :

Le documentaire d’Arte (Prêt à jeter) débute par le cas d’une imprimante qui refuse d’imprimer et affiche le message suivant : « une pièce de l’imprimante ne fonctionne plus, veuillez-vous adresser au fabricant ».

(extrait documentaire Arte Prêt à jeter)

Après plusieurs démarches, l’individu auquel appartient cette imprimante, découvre près plusieurs démarches (d’abord au près d’un réparateur qui lui conseille d’en acheter une nouvelle, puis grâce à des recherches sur des blogs sur internet) qu’il s’agirait en fait d’une puce placée dans l’imprimante qui enregistre le nombre d’impressions faites par l’imprimante et qui, au bout d’un nombre pré-déterminé par le fabricant, se bloque automatiquement . Il est alors impossible de passer outre ce message d’erreur sauf en changeant totalement de matériel ou en téléchargeant un logiciel sur Internet extrêmement difficile à trouver et souvent dans des langues étrangères.

Dans le documentaire, cet élément est utilisé comme étant une preuve solide de l’existence de l’obsolescence programmée.

  • Le cas des ampoules et du cartel Phoebus

Prêt à jeter raconte également l’histoire de la Centennial Light. L’ampoule installée en 1901 dans une caserne de pompiers en Californie,  brille encore aujourd’hui.

Ampoule

Capture d’écran documentaire Arte Prêt à jeter

Il est d’ailleurs possible de la voir en continu grâce à une webcam.

Dans ce documentaire, une autre preuve avancée est celle du Cartel Phoebus qui serait l’une des premières applications systématiques de l’obsolescence programmée à grande échelle.
Le rapport du CEC rappelle ainsi que dans les années 1920, la durée moyenne des ampoules à incandescence était d’environ 2500 heures. Peu nombreux sur le marché, les fabricants avaient mis en avant la durée de leurs ampoules comme argument de vente. Mais une telle durée, relativement longue pour l’époque, fît chuter les ventes de ces fabricants, puisque la population renouvelait moins souvent leurs achats. Par conséquent, le 23 décembre 1924, les grands fabricants d’ampoules en Europe se sont réunis pour former un cartel. L’objectif de ce cartel : baisser la durée de vie des ampoules et empêcher l’arrivée sur le marché de nouveaux concurrents.

Cependant, le cartel Phoebus n’est pas représentatif. Premièrement, mettre en place un cartel est difficile et deuxièmement, les entreprises cherchent à échapper à la concurrence souvent en se différenciant, et parfois en s’entendant, mais pour augmenter les prix.

Dr Goulu dans son site web a en outre dédié une page à « La véritable histoire de l’ampoule de Livermore » (qui continue de briller depuis plus de 100 ans), dans laquelle il montre que cet exemple historique et classique de preuve de l’obsolescence programmée est faux, car on sait notamment grâce à l’apport de la physique que la durée de vie de l’ampoule correspond à un optimum pour le consommateur.