Une partie de la classe politique s’est emparée récemment de la question de l’obsolescence programmée. Si la majorité des partis traitent de l’environnement, tous ne font pas référence directement au phénomène d’obsolescence programmée. Le groupe Europe Écologie les Verts avec le projet de loi de Jean-Vincent Placé déposé en mars 2013 a ainsi été le premier à en parler et à proposer des lois pour lutter contre. Toutefois, le Parti Socialiste et le gouvernement ont aussi déclaré s’y attaquer, avec la mise en place de la loi Consommation en mars 2014 défendue par Benoît Hamon.
Jean-Vincent Placé
Sénateur de l’Essonne et président du groupe Europe-Écologie-Les-Verts au Sénat, Jean-Vincent Placé a proposé le 18 mars 2013 un projet de loi au Bureau de la présidence du Sénat afin de lutter contre l’obsolescence programmée.
Selon lui : « Il faut stopper cette arnaque du tout-jetable. Le droit d’utiliser des produits fiables, réparables et durables doit être garanti ».
Il cite l’engagement pris par le candidat François Hollande en 2012 qui prônait « la lutte contre l’obsolescence programmée des produits par l’instauration progressive d’une garantie longue de cinq, puis de dix ans pour les biens de consommation durables ». Jean-Vincent Placé cite une étude TNS-Sofres et Gifam de 2011 qui montre que dans 40% des cas, des appareils sont remplacés alors qu’ils étaient encore en état de fonctionner ou qu’ils seraient techniquement réparables.
Dans sa présentation du projet de loi, il rappelle que les « entreprises peuvent accélérer artificiellement l’obsolescence des produits, afin de favoriser leur renouvellement. Cela peut passer par une innovation technologique ou esthétique, mais également par des procédés techniques visant à concevoir un produit en raccourcissant délibérément sa durée de vie potentielle.». C’est sur ce point que porte sa loi parce qu’il estime que « le renouvellement accéléré des biens contribue fortement à la surexploitation des ressources non renouvelables et mène à une impasse écologique, sociale et économique. ». En outre il considère que les consommateurs qui sont « contraints de renouveler l’achat d’un bien sans aucun bénéfice pour eux subissent une diminution de leur pouvoir d’achat ».
Pour Jean-Vincent Placé,
« la finitude des ressources et les défis énergétiques auxquels nous sommes confrontés, nous imposent de repenser notre modèle économique et nos modes de consommation (…) L’objectif de la loi est donc de « rendre accessible au plus grand nombre les produits ayant une plus longue durée de vie ».
7 articles de loi sont ainsi proposés :
- L’article 1 vise à définir un cadre juridique afin de sanctionner ces pratiques (jusqu’à une amende de 37 500€ et deux d’emprisonnement) et d’offrir un recours aux consommateurs lésés
- L’article 2 étend la durée légale de garantie de conformité à 5 ans (au lieu de 2 ans)
- L’article 3 permet une meilleure lisibilité de la garantie légale de conformité et une meilleure protection de la durée de vie des produit
- L’article 4 vise au développement de la réparation (source d’emplois non délocalisables) par la mise à disposition de pièces détachées
- L’article 5 propose de moduler l’éco-contribution permettant un allongement de la durée de vie des produits
- L’article 6 vise à renforcer l’obligation d’information du consommateur quant au réemploi et au recyclage des déchets
- L’article 7 demande un rapport au Gouvernement sur le développement et les perspectives de l’économie de fonctionnalité en France.
Jean-Vincent Placé demande aussi à ce que les directives européennes soient appliquées (comme la facilité d’extraction des piles et accumulateurs, et le chargeur universel pour téléphone portable).
Sur la base de ses propositions, il a initié, le 23 avril 2013, le premier débat parlementaire organisé dans une Assemblée Parlementaire sur le sujet en attendant le passage de la loi sur la consommation, en septembre 2013 au Sénat, et le groupe écologiste du Sénat souhaite que les mesures qu’ils avancent soient reprises dans le projet de loi sur la consommation que présentera en juin le ministre délégué à l’économie sociale et solidaire, Benoît Hamon.
Benoît Hamon
Ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur et de la recherche, il a été ministre délégué à l’Économie sociale et solidaire et à la Consommation auprès de Pierre Moscovici de mai 2012 à avril 2014 et a proposé la loi Consommation qui a été adoptée en mars 2014. Un des points majeurs de cette loi est l’accès à une consommation durable et responsable, génératrice d’emplois de proximité.
Différentes mesures ont ainsi été adoptées comme l’allongement de la garantie de 6 mois à 2 ans pour tous les produits ou l’obligation d’informer le consommateur sur la disponibilité des pièces détachées.
Cependant, des critiques ou déceptions ont été émises, notamment par des associations écologistes (comme les Amis de la Terre), qui considèrent qu’il a exclu toute sanction et extension de garantie, car il a juste fait appliquer une obligation de garantie déjà existante à 2 ans pour tous les produits. « Cette mesure ne réduira pas les ventes d’extensions de garanties (à plus de deux ans) (…) qui participent largement aux marges des distributeurs » selon la journaliste d’Alternatives économiques, Claire Alet (n°325, juin 2013). Benoit Hamon a d’ailleurs rappelé que « ce produit assurantiel (les extensions de garantie) est aussi une source de valeur importante pour des distributeurs« .
Si l’UFC-Que choisir se réjouit des avancées en matière d’information des consommateurs, des doutes sont émis sur l’impact des mesures contenues dans le projet de loi sur la pratique des industriels et les incitations à allonger la durée de vie de leurs produits. Mais la question de l’obsolescence programmée pourra revenir sous forme d’amendements au cours de l’examen du projet de loi par le Parlement fin juin 2014.