Face aux nombreuses critiques qui nourrissent la question de l’obsolescence programmée, certains acteurs prennent les devants, et, en cherchant à dépasser le débat, proposent des alternatives à la pratique. C’est ainsi qu’est apparue la notion d’obsolescence déprogrammée qui vise à revendiquer une transparence dans l’élaboration des produits, un accompagnement dans sa fin de vie ainsi que toute une stratégie de long terme qui poserait un frein à la consommation frénétique. L’idée est d’inventer des appareils qui durent et sont fait pour durer, suivant la logique qu’acheter plus cher ne signifie pas nécessairement dépenser plus.
Ce concept historiquement né d’une initiative des fabricants est désormais repris à des échelles locales notamment par des associations citoyennes. Celles-ci le voient surtout comme une manière de dépasser le conflit « pratique/recourt juridique » et d’agir très concrètement. Maintenant, il s’agit se réunir et de réinventer le produit de demain, entre consommateurs à l’instar du festival Make It Up ou de La Fabrique d’Objet Libres, ou encore sous l’initiative des fabricants eux mêmes, par l’achat de produits étudiés dans ce sens, ou en suivant les processus de recyclage mis en place par la plupart. Par ailleurs, de plus en plus d’initiatives personnelles s’institutionnalisent et fournissent la matière première à un projet d’auto-entreprenariat, à l’instar de la start-up Bill’iz.
Du côté des fabricants, les deux exemples les plus parlants sont ceux de Dimitri Peucelle représentant directeur général de l’entreprise Dyson-France et de Jean-Pierre Blanc directeur général de Malongo. Tous deux refusent la catégorisation des entrepreneurs dans le camp des méchants qui n’ont que faire des préoccupations écologiques.
Ainsi Dimitri PEUCELLE reconnait l’existence de l’obsolescence dans l’industrie mondiale. Son travail pour un allongement de la durée de ses produits, passe par une hausse de la qualité qui peut aussi conduire à une forme d’économie de production (son credo le lean-engineering). Toutefois, en échos aux propos tenus dans la partie sur les distributeurs, on remarque la difficulté de s’opposer aux règles et accords tacites qui règnent sur les marchés par ailleurs terriblement imbriqués entre eux. Changer quelque chose dans les produits proposés sans l’assentiment des autres filières ou des collaborateurs apparait ainsi terriblement délicat.
Jean-Pierre BLANC quant à lui, combien l’idée de la « non obsolescence », qui repose sur une garantie de réparation auprès du consommateur, est intimement liée pour lui au lancement sur le marché d’un produit écologique, français et donc plus cher. Si son bilan général est plutôt bon et présente un chiffre d’affaire aujourd’hui confortable, cela n’a été rendu possible que par un investissement initial, d’une part conséquent, mais d’autre part soutenu par un crédit impôt recherche. Lutter contre une prétendue obsolescence nécessite donc une certaine organisation, et surtout des moyens.
Pratiquer l’obsolescence déprogrammée lorsque l’on est entrepreneur, n’est pas chose aisée, et nécessite un investissement lourd, des débouchés et une image de marque relativement solides ainsi que des collaborateurs fiables, ce qui n’est pas à la portée de tous.
Par ailleurs, on remarque aussi certaines critiques de cette démarche lorsqu’elle est le fruit d’une initiative entrepreneuriale, notamment de la part des autres producteurs, mais également des économistes et associations environnementales. Elles soulignent l’hypocrisie à annoncer agir pour le bien collectif sans avoir recours à l’obsolescence contrairement aux concurrents, alors que nous n’avons en réalité pas les moyens de savoir s’ils tiennent les promesses qu’ils vendent ou se contentent simplement de pratiquer une obsolescence réduite par rapport aux autres. Le tout est proposé sous couvert de pouvoir très fortement augmenter leurs prix puisque la machine Malongo, par exemple, coûte jusqu’à trois fois le prix d’une machine d’entrée de gamme. Cette stratégie visant à accuser facilement la concurrence fut soulignée par Bernard Heger, délégué général de SIMAVELEC, lors d’un entretien qu’il nous avait accordé en mars 2014. Il qualifiait cette position – tout en niant l’existence d’une pratique d’obsolescence- : « de facile [et] bien basse » qui n’était rien que moins qu’une stratégie de « marketing intérieur » .