Votre téléphone portable n’est pas de la dernière génération, il n’est plus compatible avec de nouvelles applications, sa batterie dure de moins en moins longtemps, il est moins réactif, plus lent … Vous décidez d’aller chez un réparateur qui vous explique que votre modèle a deux ans, que l’on ne trouve plus les pièces de remplacement pour celui-ci et que par conséquent il ne va pas pouvoir vous changer la batterie.
En outre, il vous explique que cela coûterait bien plus cher que d’en acheter un nouveau (gratuit avec un nouvel abonnement) plus performant (avec plus de mémoire, un meilleur appareil photo, plus de fonctionnalités …). Vous n’hésitez alors plus, vous achetez un nouveau téléphone portable et jetez l’ancien …
Vous avez ainsi été confronté à plusieurs phénomènes d’obsolescence programmée que l’Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME) définit comme étant
« le stratagème par lequel un bien verrait sa durée normative sciemment réduite dès sa conception, limitant ainsi sa durée d’usage pour des raisons de modèle économique ».
Ces techniques peuvent notamment inclure l’introduction volontaire d’une défectuosité, d’une fragilité, d’un arrêt programmé, d’une limitation technique, d’une impossibilité de réparer ou encore d’une non-compatibilité logicielle.
C’est dans le cadre des Controverses Sociotechniques de l’École des Mines ParisTech avec le Centre de Sociologie de l’Innovation que ce sujet récent de controverses, qui a investi de nombreuses sphères et impliqué des acteurs multiples, nous a été proposé. Nous avons donc été amenés à réaliser des recherches sur ce thème puis à rencontrer plusieurs acteurs clés. Au sein de ce site web, nous exposerons le résultat de notre travail, en tentant de proposer un panorama complet de ce sujet et de présenter l’ensemble des nœuds qui sont au cœur de ce débat.
Si l’obsolescence programmée recouvre un spectre de pratiques assez large, le critère déterminant reste la programmation de la durée de vie (et donc la planification volontaire de la mort du produit).
Certains considèrent donc que l’on peut ranger dans la catégorie de cette obsolescence planifiée plusieurs types de morts prématurées d’appareil ou d’objet de consommation. C’est le cas de l’économiste Serge Latouche qui en compte trois : l’obsolescence technique, l’obsolescence symbolique et puis l’obsolescence programmée. Selon lui, les trois sont planifiées dans le but d’accélérer et de pousser la consommation et peuvent donc être considérées comme étant de l’obsolescence programmée, puisqu’elles nous font jeter des biens souvent encore utilisables. Il parle d’ailleurs de « véritable symbiose » entre ces trois types et voit dans l’obsolescence psychologique le « stade suprême de l’obsolescence programmée », car il est plus le plus insidieux et le plus difficile à contrôler.
Cependant, d’autres acteurs de cette controverse récusent cette définition trop large qui inclut l’obsolescence psychologique, esthétique, ou encore l’obsolescence écologique (comme les « primes à la casse » qui incitent à changer prématurément de voiture) et ne reconnaissent l’obsolescence programmée que comme la technique visant à introduire volontairement une défectuosité, ou bien une fragilité, un arrêt programmé, une limitation technique ou encore une impossibilité de réparer. Nous voyons donc bien à travers ce premier désaccord que la définition de l’obsolescence programmée fait elle même déjà l’objet de discussions et que selon la définition son existence diverge. Au cours de notre développement dans ce site web, nous exposerons donc les raisons du désaccord autour de la définition et ses enjeux.
Toutefois, cette controverse ne s’arrête pas à cet aspect définitionnel. La mesure de ce phénomène pose elle aussi problème. Comment mesurer la durée de vie des produits et les effets d’une pratique d’obsolescence programmée ? Il apparaît en outre un aspect moins théorique lié à ce phénomène : les conditions d’existence d’une telle pratique. Nous pouvons en effet nous demander dans quelle mesure une entreprise peut employer l’obsolescence programmée : est-ce une bonne stratégie ? Peut-elle vraiment se le permettre ? Quelles peuvent être les répercussions en terme d’image pour une marque ?
Les conséquences environnementales dont cette pratique semble être une des causes constituent également un autre aspect majeur de la controverse. Du moins, elles constituent un argument non négligeable pour certains acteurs qui cherchent attaquer les responsables de cette désuétude programmée. Quelles sont-elles, et sont-elles réellement imputables à ce phénomène ?
Enfin, le rôle et la place du consommateur dans la pratique de l’obsolescence programmée sont aussi source de débats et apparaissent importants pour traiter de manière complète ce sujet.
Ce site web a pour but de présenter les nœuds de cette controverse, les différents acteurs qui y participent et les alternatives envisageables face à l’obsolescence programmée.