Lorsque nous avons commencé notre travail d’enquête, notre objectif n’était pas -et n’est toujours pas- de proposer une réponse au débat qui agite la sphère médiatique depuis plus de 3 ans maintenant. L’idée était davantage de regrouper les diverses opinons et théories qui existaient sur la question, en vue de dresser une cartographie de la situation, de faire dialoguer entre eux les acteurs qui parlaient de la même chose, sans pour autant en exclure les autres, le tout pour pouvoir présenter aux internautes une vision la plus complète et fidèle à la réalité possible, sans prise de position de notre part.
Les fortes évolutions qu’ont connu nos propres positions sur le sujet sont d’ailleurs les témoins du caractère assez délicat de la question. Tous, nous avons débuté nos travaux de recherches et de documentation emplis de tenaces certitudes qui nous poussaient à vouloir apporter la preuve que ce nous pensions alors était LA réalité. Mais très vite, nous nous sommes aperçu que les choses étaient bien plus complexes et subtiles que cela, et que beaucoup de liens qui nous apparaissaient comme évidents étaient en réalité plus obscurs ou obscurcis à tort voire parfois totalement absents de la controverse médiatique. Le rendu final qu’est ce site vise à faciliter le chemin de l’internaute parmi l’ensemble des opinons et des thèses qui s’affrontent sur la scène publique -ou du moins a la prétention de le faire- en lui proposant un ensemble de clés de lecture et de compréhension des enjeux du débat dans un soucis accru d’exhaustivité, sans pour autant tomber dans l’illusion de la perfection.
Notre démarche s’est divisée en trois étapes principales :
- un premier travail de collectes d’informations, de lectures d’ouvrages spécialisés, de visionnage de films et de témoignages, d’études de données statistiques,… qui s’est étalé sur près de 3 mois et a continué tout au long de l’enquête.
- dans un second temps -qui est en réalité venu se superposer au premier- nous avons établi une carte des acteurs qui jouaient un rôle majeur dans la controverse afin de mettre en lumière les relations qui les unissaient et les intérêts qui pouvaient être les leurs lorsque l’on parlait d’obsolescence. C’est cette carte qui nous a entre autres, permis de définir le cadre de la partie quel acteurs ?, que vous pouvez retrouver dans les onglets de navigation. Cette étape a notamment été cruciale pour la réalisation des entretiens que nous avons pu réaliser avec
Monsieur Damien Chicaux du syndicat d’industriels GIFAM,
Monsieur Bernard Herge, délégué général de du syndicat SIMAVELEC,
Monsieur Serge Latouche économiste, et
Madame Camille Lecomte de l’Association Les Amis de la Terre,
que nous tenions a remercier chaleureusement pour leur précieuse coopération.
- la dernière étape de notre travail a consisté en l’élaboration et la mise en forme de ce site web, version finale de nos mois de recherches et d’analyse.
En parallèle à toutes ces étapes, a été effectué tout un travail de quantification visant à mieux connaitre les flux en tout genres relatifs à la question de l’obsolescence programmée. C’est ainsi que nous nous sommes intéressés aux fréquences de recherches sur les moteurs de recherches au cours des 20 dernières années, ainsi qu’aux tendances nationales ou encore de la localisation géographique des acteurs et des spécialistes qui font la controverses. Tout cela nous a permis de mieux cerner le sujet, de lui donner un poids numérique sous ses différents aspects (nombre de personnes qui se sont effectivement intéressées au sujet, types de médias qui proposent des articles sur la question, etc) et ainsi de faire la part des choses et de justifier des choix (pourquoi ne nous sommes nous pas plus penchés sur les cas étrangers, les témoignages de consommateurs d’autres pays, …).
Voici ci-dessous un exemple des cartes, plus ou moins significatives, que nous sommes parvenus à faire grâce à l’exploitation de données issues d’articles scientifiques recensés sur le site Web of Science.
A première vue, cette carte peut paraître un peu obscure à un œil non avisé. C’est pour cela qu’il convient de vous donner les clefs de sa fabrication, et de la lecture que nous en avons faite.
Nous avons analysé un corpus d’une centaine d’articles, datant de 1968 à 2013, répondant à une même équation de recherche : « planned obsolescence ». Les mots issus de cette analyse sont les termes que l’on retrouve le plus dans ces articles : sur cette carte, plus un terme, (ou un groupe de terme) est écrit d’une taille importante, plus il apparaît fréquemment dans les articles scientifiques. De plus, les liens de couleurs représentent le voisinage de ces termes entre eux : si deux mots sont de la même couleur (« Time inconsistency » et « durability » au centre de la carte en jaune par exemple), ou reliés par un lien, c’est qu’ils se trouvent utilisés plusieurs fois, et en même temps, dans de nombreux articles. Les différents groupes colorés permettent donc de saisir les thèmes majeurs que les articles scientifiques qui ont employé l’expression « planned obsolescence » au cours de leur argumentation, ont traité depuis 1968.
Nous voyons ici clairement apparaître en gros caractères les principaux thèmes :
- en jaune au centre, on retrouve le sujet de la durabilité des biens, avec notamment les termes « durable goods », « time inconsistency », « durability », mais aussi en plus petit, « design lifetime » et « quality uncertainty ». C’est le sujet le plus débattu dans les articles scientifiques quand on parle d’oboslescence programmée, ce qui n’est pas très étonnant.
- En revanche, quand on va vers la gauche, vers le groupe des termes écrit en rouge, on s’aperçoit que le second pôle d’études scientifiques se porte sur un l’aspect financier et marchand de la controverse (nous figurant bien que le sujet est très économique), avec les termes : « structured finance », « swaps », « trade fund », « financial innovation », « durable-goods monopoly ».
- En descendant vers le bas, le pole vert, avec des termes tels que « product life cycle », ou « market strategy », ou encore « innovation » et product development », évoque le sujet de l’ingénierie, de la conception des produits, et de l’innovation technologique. Il est évidemment très en lien avec les deux poles précédent.
- Plus à droite, en bleu, les termes « externalities », « information goods », « price discrimination », « software », ou encore « price competition », « market segmentation », « compatibility », rappellent le champ assez vaste du marché, avec ses coûts (pour le producteur et le consommateur), mais aussi l’utilité qu’il confère au consommateurs.
Ces quatre thèmes regroupent la plupart des sujets explorés par les articles scientifiques recensés dans web of science. Il y a cependant de nombreux autres sujets périphériques, parfois très pertinents, et parfois beaucoup moins. Entre autres, on remarque le thème de l’écologie ou du développement durable, de l’obsolescence de l’homme, de la standardisation et de la consommation.
Tout cela nous a permis de cerner les objets de débats scientifiques autour de la controverse.