Au delà de la vente, dans le contexte très concurrentiel qui caractérise le monde de la distribution -notamment depuis l’explosion des ventes par internet-, il s’agit aussi de fidéliser le consommateur à un distributeur.
Sur ce point, laisser penser que les fabricants recourent à des pratiques d’obsolescence sur leurs produits serait une manière de créer un lien fort entre consommateurs et distributeurs, en plaçant ce dernier dans une position de conseiller omniscient qui pourrait permettre au consommateur de ne pas tomber dans l’illusion d’un produit de bonne qualité, et ce notamment en lui vendant des extensions de garantie. Cela n’est pas sans faire échos à l’accusation souvent proférée envers les réparateurs après-vente qui déclarent irréparable un produit qui pourrait l’être pour un coût inférieur à un remplacement à neuf.
Cette idée qu’existerait un intérêt des distributeurs à faire croire que l’obsolescence existe, est notamment défendue par l’économiste Alexandre DELAIGUE dans un article paru le 26 juin 2013 dans ParisMatch où il déclarait que selon lui :
« les distributeurs jouent sur le mythe de l’obsolescence programmée pour fourguer des assurances inutiles »
C’est d’ailleurs sur cet intérêt que le débat de l’obsolescence trouverait son fondement, puisque si l’obsolescence est encore aujourd’hui évoquée alors même qu’elle n’existe plus, cela ne serait imputable qu’aux pressions commerciales exercées par les distributeurs sur la scène publique.
En d’autres termes, c’est également la position qu’a tenue Monsieur Bernard HEGER, délégué général du Syndicat des Industries de Matériels Audiovisuels Électroniques (SIMAVELEC) lors d’un entretien qu’il nous a accordé en mars 2014 :
« Le distributeur son rêve c’est d’avoir le monopole d’un client […] d’autant plus qu’avec internet les consommateurs ont tendance à aller sur internet […] Avec l’extension de garantie le consommateur est toujours lié avec le distributeur […]. Imaginez, je suis distributeur je veux un lien avec le consommateur, je vais le voir et je lui dit « Attendez, moi, je le connais le constructeur, il fait de l’obsolescence programmée : dans deux ans votre produit il ne va plus fonctionner. Mais si vous prenez cette assurance pendant trois ans nous, on vous couvre tout ». C’est une espèce de consensus avec le consommateur, d’assurance, et ils peuvent être amenés à jouer dessus. »
Outre l’idée que les distributeurs agiraient sciemment dans ce sens, Dimitri Peucelle, directeur général de Dyson France, apporte un témoignage d’une dimension légèrement autre dans un entretien accordé au Monde en novembre 2013. En effet, en sortant un aspirateur garantie 5 ans, quand ses concurrents n’en proposaient que 2 ou 3, Dyson dû faire face à l’opposition assez violente des distributeurs qui voyaient, du fait de ce changement, leurs propres extensions de garantie devenir obsolètes. Cette opposition obligeât le groupe à commercialiser son produits par ses propres moyens, faute de pouvoir trouver des distributeurs prêts à le faire pour lui.
Au delà du cas particulier, ce témoignage souligne la position très précaire qu’occupent les distributeurs et leur dépendance vis-à-vis des éventuelles fluctuations dans la qualité des produits qu’ils proposent. Il y aurait ainsi un désintérêt absolu de la part des distributeurs à agir contre l’obsolescence fut-elle avérée ou supposée.
Toutefois, l’absence de réaction officielle à ces propos de la part des distributeurs ne nous permet pas à ce jour de confirmer ou d’infirmer catégoriquement la véracité de cette thèse.