Serge LATOUCHE

 Professeur émérite d’économie à l’Université Paris XI–Orsay, il est l’un des principaux spécialistes de l’obsolescence programmée en France, il bénéficie d’une reconnaissance scientifique (en tant qu’économiste et sociologue) et est très présent sur la question de l’obsolescence programmée (émission sur France culture, conférence au cnam…).

En octobre 2012, il a publié chez Les liens qui libèrent, Bon pour la casse : les déraisons de l’obsolescence programmée.

Ce livre est le résumé de son travail sur ce sujet. Il y mène une analyse historique, culturelle, sociétale et économique de ce phénomène, en essayant de saisir le sujet dans sa totalité en l’abordant sous plusieurs angles ce qui permet de saisir la multiplicité des problèmes soulevés par l’obsolescence et de comprendre ce phénomène.

Serge Latouche commence d’abord par tenter de définir l’obsolescence programmée puis analyse son origine. Il établit ensuite le domaine de l’obsolescence programmée avec la première apparition du jetable, le modèle de Détroit, l’obsolescence progressive et l’obsolescence alimentaire. Il s’intéresse aussi à l’aspect moral de l’obsolescence (son rôle social, l’éthique) et à ses limites.

Selon lui, 3 formes d’obsolescence existent :

  • technique,
  • psychologique,
  • programmée (ou planifiée).

Il définit l’obsolescence programmée comme étant une usure ou une défectuosité artificielle ; le produit est conçu par le fabricant pour avoir une durée de vie limitée (et ce grâce à l’introduction d’un dispositif ad hoc) de manière à en stimuler la consommation renouvelée. Tous les moyens étant bons pour accélérer la consommation, toutes les formes d’obsolescence sont programmées et peuvent donc entrer dans la case « obsolescence programmée » (ou planifiée) au sens large.

Cependant, passer de l’obsolescence programmée théorique à son application pratique n’est pas si simple en raison de la compétition entre fabricants. Il faut donc se trouver en situation de monopole ou créer des formes monopolistiques comme le cartel. (exemple avec Apple ou cartel Phœbus).

L’idéal pour les entreprises est de n’avoir pas besoin d’introduire une pièce défaillante dans le produit, ce qui est rendu possible grâce à la publicité.Grâce à une politique de marque, de design et de publicité, l’industrie automobile faisait la démonstration qu’on pouvait obtenir le même résultat qu’avec l’introduction d’une défaillance technique. » )

L’obsolescence symbolique apparaît alors comme le stade suprême de l’obsolescence programmée. La transformation des mentalités a permis l’obsolescence programmée et les « commerciaux » et la transformation progressive des ingénieurs en designers ont joué un rôle croissant.

Serge Latouche relève plusieurs étapes :

- Le jetable comme première forme d’obsolescence programmée : cols en papier pour les hommes, préservatifs, kleenex…

- Le modèle de Détroit : General Motors, lancer un nouveau modèle tous les ans… politique de marque, de design et de publicité.

- L’obsolescence progressive : acheter pour être dans le coup ou à la mode. Sophistications apportées aux appareils ménagers font partie de la stratégie (pannes partiellement dues à la prolifération d’accessoires qui bloquent totalement le fonctionnement de la machine lorsqu’ils se détraquent. La défaillance d’un accessoire est l’occasion de susciter un nouvel achat.

- Quatrième étape : une deuxième vague du jetable. Pour généraliser le jetable il fallait l’abandon des habitudes d’épargne des consommateurs et un abaissement significatif de la valeur des produits.

Serge Latouche écrit alors que « finalement, l’idéologie du jetable s’insinue partout comme un poison. » et que « Le stade ultime n’est autre que l’obsolescence de l’homme lui-même. ».

Son ouvrage tisse d’ailleurs des parallèles nombreux avec son domaine de prédilection : la décroissance.