Le témoin d’un modèle non viable
Si le cas de cette petite île de 21 km² perdue dans le pacifique n’est pas le résultat direct de l’obsolescence programmée, il est la preuve que le modèle économique exporté par les pays occidentaux dans les pays en voie de développement peut avoir des conséquences très graves.
Cette île est aujourd’hui :
- dévastée (de la forêt et de la barrière de corail qui l’entourait il ne reste plus rien),
- polluée (les décharges à ciel ouvert parsèment le coeur de l’île),
- incapable de ne plus rien produire (les terres ont été exploitées jusqu’à épuisement) e
- peuplée d’habitants malades (45% des habitants souffrent de diabète après avoir gouté avec excès au modèle de consommation américain) et pauvres,
Cela nous permet de réfléchir aux conséquences de la mondialisation, de nos modes de consommation sur les pays producteurs de matières premières et sur leur environnement. Il peut donner une idée de ce que, à l’échelle de la planète, l’effervescence de notre société de consommation pourrait nous réserver à l’avenir si rien n’est remis en cause …
Retour sur les faits.
Nauru offre un exemple caricatural de la vulnérabilité des économies primaires insulaires. L’île disposait d’importants gisements de phosphates mis en exploitation au début du XXème siècle par les allemands, alors colons de l’île. Lors de l’indépendance, il restait environ un tiers des réserves. L’exploitation s’est faite à un rythme effréné à partir des années 60 jusqu’en 2001. Elle a quasiment cessé intégralement depuis cette date. Lors des années de splendeur, les dirigeants de l’île avaient offert des logements gratuits à la population, et la plupart des Nauruans ne travaillaient pas : les revenus gigantesques tirés de l’exploitation du phosphate ont permis à la population de vivre au dessus des réalités pendant quelques éphémères décennies, se confortant dans un modèle de vie directement importé des pays occidentaux, de l’Amérique et de l’Australie voisines (voitures, télévisions, réfrigérateurs, bateaux, avions). Des investissements gigantesques (compagnie aérienne, investissements immobiliers en Australie) achevaient de dépenser les importants revenus tirés de l’exploitation du phosphate.
Cependant, l’exploitation était menée sans aucune préoccupation de durabilité. Les exploitants (dont le principal : l’Etat Nauruan) plaçaient l’excédent de leurs revenus dans des compagnies en Australie, pensant que leurs rentes seraient suffisantes pour garantir une vie confortable une fois les réserves épuisées.
Le legs est effrayant. 90% de la population insulaire est au chômage, avec les plus forts taux de diabète et d’obésité de la zone Pacifique, sans compter les infections pulmonaires liées aux poussières de phosphates. Toute hypothèse touristique, dans une île rasée, est évidemment à exclure ainsi que toute relance de la pêche côtière (le récif de corail, abritant plusieurs centaines d’espèces endémiques, est mort). L’économie ne repose plus que sur les droits de pêche, le blanchiment d’argent, et l’accueil de demandeurs d’asile en Australie que l’état australien stationne sur l’île en attendant de statuer sur leur intégration. C’est un compromis établi avec l’Australie suite au sauvetage de l’Etat Nauruan de la faillite en 2004, avec l’aide de la Nouvelle-Zélande et du Japon.
Un environnement dévasté, une économie sinistrée et inexistante, une population en grande souffrance, le bilan est tragique. Le cas est bien évidemment singulier, mais la fragilité liée à la mono-exportation d’une ressource non renouvelable existe pour bien d’autres îles et bien d’autres pays asiatiques, africains ou sud-américains . Cet ex-réservoir de phosphate révèle la face cachée de la mondialisation, celle qui est réservée aux pays producteurs de matières premières par les pays développés.
Afin de compléter ce petit aperçu, nous vous proposons de regarder ce reportage d’Arte diffusé en 2006 à la télévision.