Sophie Bourges d’Ecologie Sans Frontière, juriste et coordinatrice de l’ONG Rassemblement Pour la Planète et membre du groupe d’experts juridiques chez Ecolo Ethik écrit dans l’Express le 17 mai 2013 :

« Travaux scientifiques à l’appui, c’est à Bruxelles que la décision controversée a finalement été prise début janvier: le Règlement de la Commission européenne n°56/2013 autorise la réintroduction des farines animales issues de viande de porc et de volaille dans l’alimentation des poissons d’élevage, et ce dès le 1er juin 2013. « Controversée »? Oui cette mesure l’est, et pour preuve le texte ne parle pas de farines mais de « protéines animales transformées » (PAT). Blanc bonnet, bonnet blanc. On parle bien de ces mêmes farines qui ont fait trembler le monde dans les années 90. »

Cette citation donne la couleur du débat. La crise de la vache folle a marqué les esprits des consommateurs, créant la désapprobation des consommateurs quant à l’autorisation de l’utilisation de PAT pour la pisciculture. Le doute qui entoure la décision de l’UE n’est pas infondé. Ce ne sont pas les résultats scientifiques qui sont mis en cause mais la gestion des nouvelles PAT demande des contraintes que certains pays ne se voient pas encore capable d’assumer.

A ce titre, malgré l’autorisation concédée par la Commission Européenne aux Etats membres de l’Union Européenne pour nourrir les poissons d’élevage aux farines animales, la France et l’Allemagne restent opposés à cette décision au moins temporairement. Ils qualifient eux-mêmes leur position comme celle d’un moratoire nécessaire avant la prise d’une décision quelle qu’elle soit.

En effet, dans chaque pays, la législation sur l’usage des farines animales porte sur leur division en catégories selon les qualités d’animaux (type de mort, probabilité de maladie, etc.) à partir desquelles elles sont fabriquées ainsi que sur les modes de transformation, stockage et transport. Elle définit aussi certaines interdictions liées à leur utilisation (en matière d’alimentation en agriculture par exemple). Ainsi, si l’interdiction est levée à l’échelle européenne, chaque pays est libre de conserver son ancienne législation sur l’usage des farines animales. C’est le cas de la France et de l’Allemagne.

De plus cette décision a été prise pour ces deux pays malgré l’interdiction pour eux de faire du protectionnisme au sein de l’UE ce qui signifie que certains poissons nourris aux farines animales seront consommés dans ces pays sans que les consommateurs le sachent forcément. Steven Luguet, responsable communication de SARIA Industries, producteur de protéines animales transformées, nous le dit d’ailleurs clairement dans son interview :

« Il faut savoir que 90% des poissons consommés en France sont importés. Il n’y a pas de loi française qui domine les lois européennes. »

C’est pourquoi une telle décision met clairement en avant la présence d’autres acteurs qui exercent une sérieuse contre-influence sur les Etats concernés en soulevant certains arguments et certaines limites n’ayant pas été présentées par la Commission Européenne lors de sa prise de décision bien qu’elle en ait tenu compte.

Quels sont ces acteurs qui exhibent de nouveaux éléments intervenant dans la controverse ?

Prenons l’exemple français. Nous pourrons ainsi mieux nous ancrer dans le contexte décisionnel et les interactions au sein du pays sans pour autant restreindre la diversité des arguments utilisés et des acteurs concernés.

Ces derniers sont en réalité de deux types : d’une part des groupes d’experts scientifiques sur les questions sanitaires et logistiques (notamment en France l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire Alimentation, Environnement et Travail couramment appelée ANSES) et d’autre part certains lobbyistes et experts de la crise de la vache folle (comme Jean-Louis Thillier). Par ailleurs, l’état de confiance des consommateurs envers l’utilisation des farines animales dans la pisciculture a lui aussi un rôle à jouer puisqu’il pousse l’Etat à s’interroger plus avant sur la sécurité du consommateur.

Schéma des acteurs:

Suite : Quelles limites des études menées sont mises en avant par les experts auprès des gouvernements ?

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