Pour comprendre pourquoi certains pays doutent encore de l’introduction des PAT, il faut aussi s’intéresser au retour d’expérience de la crie de la vache folle. Il s’agit de se poser la question : Comment la crise de la vache folle a-t-elle pu influer sur l’image des farines animales ? En effet, malgré la volonté des experts de souligner que les Protéines Animales Transformées ne sont pas des Farines Animales, les PAT ont hérité de leur image. La crise de la vache folle a marqué les esprits, tant par la gestion de la crise par le gouvernement que par la désaffection du consommateur pour la viande de bœuf (autrefois lié aux produits véhiculeurs de « bonne santé »).

Comment a pu évoluer l’état d’esprit des consommateurs ?

En mars 1996, la Commission européenne a imposé un embargo sur l’importation de la viande bovine anglaise. Or, après la levée de l’interdiction par les instances européennes en 1999, la France a maintenu cet embargo. En invoquant le « principe de précaution », le gouvernement français grave dans l’esprit des consommateurs le constat simple et rapide : viande de bœuf = viande dangereuse !

Pourtant, à cette époque, les scientifiques ne contestaient déjà plus le fait que le muscle d’un bovin atteint de la vache folle n’était pas contaminé.

Pour en savoir plus sur la maladie, cliquez ici.

Pourquoi utiliser des farines animales dans l’alimentation des bovins ?

Les farines animales jouent le rôle d’un complément alimentaire pour les bovins, qui ont besoin d’une très grande quantité de protéine. L’utilisation des farines animales commença pendant la seconde guerre mondiale en Grande Bretagne et avait pour rôle de récupérer les protéines des déchets des abattoirs, en vue de les recycler.

Les farines animales perdurèrent ensuite dans l’élevage, parce qu’elles offraient de nombreux avantages. Tout d’abord leur coût était réduit par rapport aux farines végétales et surtout leur apport protéique était meilleur.

Pourquoi avoir interdit les farines animales ?

Rapidement, le responsable de la crise de la vache folle est dénoncé : ce sont les farines animales. A partir de 1980, les producteurs de farines animales, dans un souci de rentabilité, améliorent leur technique de fabrication. Ils passent de la cuisson du broyat brut d’équarrissage en discontinu (« batch ») à la cuisson du broyat brut d’équarrissage en continu. Si le « batch » détruisait complètement les agents conventionnels et se débarrassait de façon significative des agents non conventionnels, la seconde méthode se révéla être un mauvais « désinfectant », en particulier pour l’agent de l’ESB, résistant au forte température.

En parallèle, l’utilisation des farines animales s’intensifia pendant cette même période., dans le cadre de la Politique Agricole Commune (PAC), puis avec l’augmentation des relations économiques européennes.

En juillet 1990, la France interdit l’utilisation des farines animales dans l’alimentation des bovins.

Pour en savoir plus sur : Quelles sont les particularités de ces nouvelles farines ?

Que faire alors ?

Les farines animales interdites, la France prend conscience d’un grand problème. Il faut se débarrasser des farines supposées contagieuses. D’après le site du Sénat, on lit :

« Au 31 décembre 2003, 770 000 tonnes de farines animales étaient entreposées en France. »

Alors commence la recherche des solutions d’entreposage et d’incinération. Les farines ont été produites en masse avant qu’on les interdise, les quantités à déplacer sont énormes.

« Parallèlement à la recherche de nouveaux sites d’entreposage des farines répondant aux critères très rigoureux fixés pour ces installations, deux appels à propositions ont été lancés pour créer de nouvelles capacités de destruction des farines. Le premier concerne la destruction par incinération, le second par des voies alternatives. Vingt et un projets ont été déposés pour répondre au premier appel à propositions, pour une capacité d’élimination d’un million de tonnes. Treize de ces projets sont portés par la filière agricole – abattoirs ou équarisseurs – huit sont portés par d’autres filières, notamment des professionnels du déchet. »

Au début des années 2000, la France dépensait près de 850 millions d’euros par an dans la destruction des farines animales, dans les tests ESB et dans l’abattage des troupeaux.

En quoi la mesure d’abatage systématique des troupeaux peut-elle être considérée comme incohérente ?

Il a été décidé, par mesure de précaution, que si une vache était porteuse de la maladie, tout le troupeau devait être abattu et confiné. Le gouvernement français ne fut pas le seul à appliquer la tolérance zéro. A ce propos, le 12 janvier 2008 Hans Schuh écrit dans le journal allemand Die Zeit l’article Irrsinn BSE (La Folle ESB) :

    « - Gilt dies auch, wenn beim BSE-Test gar keine Erreger gefunden wurden? (Est-ce-que cela s’applique même si aucun agent pathogène n’a été trouvé dans le test de l’ESB ?)
– Ja, immer. Das sind Vorsichtsmaßnahmen.(Oui, toujours. Ce sont des mesures de précautions.) »

Par ailleurs, ces mesures d’abatage systématique d’un troupeau s’exécutaient dans le silence. Le gouvernement craignait que le consommateur ne rejette d’autant plus la viande s’il savait que des troupeaux entiers étaient décimés par précaution.

Or, lorsque que les français découvrirent cette mesure, ils s’inquiétèrent de plus belle, car cela supposait que la vache folle était une maladie contagieuse. La conclusion est très vite tracée : si un bovin est atteint par l’ESB, il transmet sa maladie au troupeau entier, et pourquoi pas aux hommes ! En réalité, les recherches sur les maladies à prions avaient déjà clarifiés ces points-ci : l’ESB n’est pas une maladie qui se transmet par des voies épidémiologiques.

Comment les éleveurs ont-ils vécu la mesure d’abatage systématique ?

Les éleveurs se sont révoltés contre cette décision. La confédération paysanne, mais aussi le Collectif « Vérité ESB » fondé par Paul Vieille ont voulu réfléchir sur de nouvelles mesures moins expéditives.

Dans notre entretien avec Paul Vieille, il nous a expliqué son combat.

Finalement :

Les PAT, considérées comme les nouvelles farines animales, ont hérité de leur image auprès des consommateurs, et ce malgré les efforts de certains convaincus pour défendre ces nouvelles PAT. Jean Louis Peyraud, chercheur à l’INRA (Institut National de la Recherche Agronomique), écrit le 17 février 2013 dans le blog « Feux sur les farines animales » :

« Attention, il faut éviter toute confusion. Il ne s’agit en aucun cas des farines animales des années 90, mais de protéines animales transformées »

La crise a touché, tant les éleveurs impuissants devant la perte de leur troupeau, que les politiciens appliquant des mesures drastiques dans l’espoir de soulager les craintes des consommateurs. C’est pourquoi il n’est pas question pour les français de renouveler l’échec des années de crise. Si le contexte est aujourd’hui différent (les PAT ne sont plus les mêmes farines animales des années 90), la décision de les réintroduire dans la pisciculture demande une pleine conscience des conséquences potentiellement néfastes liées à cette utilisation.

Xavier Beulin, président de la FNSEA (Fédération National des Syndicats d’Exploitants Agricoles), rappelle : 

« La vache folle a provoqué un traumatisme qui a beaucoup marqué nos concitoyens, à juste titre. »

Le constat est bien là, les consommateurs voient d’un mauvais œil la réintroduction des farines animales.

Suite : En quoi l’état d’esprit des consommateurs joue-t-il un rôle sur la prise de décision globale ?