L’argent est-il réellement une condition nécessaire à la réussite sportive des clubs ? On pourrait en effet penser que miser sur la formation et recruter des jeunes talents avant qu’ils aient percé au plus haut niveau permettrait d’obtenir des résultats sans dépenser beaucoup. Cependant, les clubs qui s’inscrivent dans une logique de production de valeur sportive, en misant sur la formation et la fidélisation de jeunes joueurs, peuvent difficilement lutter contre les clubs ayant plus de moyens qu’eux et retenir les talents qu’ils ont formés, ce qui est un argument validant la corrélation entre inégalité financière et inégalité sportive[1]. Ce graphe issu d’un rapport de la DNCG française illustre d’ailleurs qu’à de rares exceptions près, le classement des clubs de Ligue 1 est très similaire au classement de leurs budgets.
http://www.lfp.fr/dncg/rapport_annuel_2011_2012/1112_rapport_dncg_all.pdf
Monaco est un exemple très récent de clubs connaissant l’arrivée d’un riche investisseur étranger. La chronologie ci-dessous nous montre à quel point le processus peut être rapide. En effet, en espace de deux ans et demi, soit 85 matchs de championnat, l’AS Monaco est passé de la 19ème place de Ligue 2 à la deuxième place de Ligue 1. Il faut tout de même noter que dans ce cas, l’investissement est immense (le budget est en effet passé de 20 M€ à 130 M€) et le point de départ est très bas, d’où cette évolution très rapide.
En outre les inégalités tendent à se renforcer d’elles-mêmes. En effet, la participation aux compétitions européennes comme la Champions League et les droits TV proportionnels aux résultats sportifs représentent une manne financière importante pour les clubs. Si on prend l’exemple de Montpellier, qui a participé à l’édition 2012-2013 de la ligue des Champions et en a été éliminé dès le premier tour, le club a tout de même touché près de 30 millions d’euros de la part de l’UEFA, sans compter les revenus liés à la billetterie… Quant aux droits télés, ils représentent en moyenne près de 47% des revenus des clubs, toujours d’après la DNCG(voir le schéma ci-dessous pour voir les pôles de revenus et de dépenses des club de Ligue 1 en 2011-2012), et sont logiquement fortement liés aux résultats sportifs puisque les meilleurs clubs suscitent plus d’intérêt de la part des spectateurs, et ont donc plus de chances de voir leurs matches retransmis. En partant du constat que les meilleurs clubs européens aujourd’hui sont aussi les plus riches, cet état de fait n’a alors que peu de chances de changer puisque ce sont aussi ces derniers qui auront le plus de revenus, ces deux sources représentant la majorité des recettes des clubs européens [2][3].
Ainsi il semble difficile de nier que l’argent du football a un impact réel sur l’aspect sportif, même si tous ne s’accordent pas à dire qu’il l’a entièrement supplanté ; les inégalités financières pèsent sur l’équité sportive, comme le montre le cas du Paris Saint-Germain en Ligue 1, et une régulation s’impose de l’avis de la plupart des acteurs.
[1] Interview de Patrick Razurel
[2] Bastien Drut « Une organisation des ligues conduisant au déséquilibre compétitif ». Economie du football professionnel, La Découverte, 2011.