Le règne sans partage du Paris Saint-Germain sur la Ligue 1, prédit à l’arrivée de riches investisseurs qataris à l’été 2011, et désormais indiscutable, ou encore la montée en puissance rapide de l’AS Monaco, pourtant encore en deuxième division l’an passé, illustrent bien les inégalités qui existent dans le football d’aujourd’hui ainsi que le poids que peut avoir l’argent dans le football.
En conséquence, ces deux clubs, perçus en France comme représentatifs des dérives du football moderne, se retrouvent dans le collimateur des instances dirigeantes de ce sport. En effet les inégalités dans le monde du football semblent découler de l’existence de deux positions radicalement différentes adoptées par les clubs ; si tous ont dû s’adapter au modèle économique actuel, certains cherchent davantage à « produire de la valeur », en investissant dans les centres de formation et en fidélisant des jeunes joueurs prometteurs, tandis que d’autres investissent pour capter la valeur produite par d’autres, en recrutant à prix d’or les talents révélés dans d’autres clubs, en France ou à l’étranger, et vivent des recettes engendrées par les contrats de sponsoring, les droits de retransmission télévisuelle et la participation aux compétitions internationales comme la Champions League.
C’est dans cette deuxième catégorie que s’inscrivent le PSG et l’ASM, cristallisant les critiques et les volontés de réforme de la part des instances dirigeantes : alors que le Paris Saint-Germain est dans le collimateur de l’UEFA et de son fair-play financier, à cause de l’opacité des relations entre ses actionnaires et son sponsor principal (Qatar Tourism Authority), l’AS Monaco doit quant à lui faire face à la FFF qui dénonce son statut fiscal avantageux (le club n’est pas soumis aux taxes françaises) et les inégalités que cela engendre par rapport aux autres clubs de Ligue 1.
Les inégalités entre les clubs européens ont atteint aujourd’hui un niveau préoccupant : l’UEFA relève qu’à l’échelle européenne, la masse salariale du club le plus riche est plus de trois fois supérieure à celle du club classé 25ème, ce qui dénote d’un déséquilibre important[1]. La situation actuelle est, de l’avis de la plupart des acteurs, une conséquence directe de l’arrêt Bosman, qui a libéralisé le marché des transferts au niveau européen, et fait des clubs de football non plus de simples structures associatives, mais de véritables entreprises devant faire face à un système concurrentiel et ayant des obligations de résultats financiers [2]. Le risque majeur de cette financiarisation du football serait alors la perte de la « glorieuse incertitude du sport », du suspense, et finalement de l’intérêt même des compétitions. C’est une régulation au niveau européen qui s’avère nécessaire pour contrôler les finances des clubs, car la gestion des inégalités n’est pas la même selon les pays. Il s’agit d’empêcher l’éclatement de la bulle spéculative liée aux spéculations sur le prix des joueurs, et de lutter contre l’hégémonie des clubs les plus riches [3].
[1] L’Equipe du 17 avril 2014, »UEFA : La masse salariale augmente plus vite que le budget des clubs »
[2]Andy Smith. « L’Europe, le football et la sociologie politique ». Politique européenne, 2012, vol. n°1, p.150-157.
[3]Patrick Mignon « L’argent du football ». Pouvoirs, février 2002, n°101, p.89-104