Wladimir Andreff est un des grands économistes français, connu comme un économiste de la régulation, il est aussi l’une des rares personnalités à s’intéresser à l’économie du sport dans un contexte de mondialisation. Il est de plus professeur émérite à la Sorbonne et a notamment écrit « Régulation et institutions en économie du sport », article utilisé dans l’étude.
En quoi la régulation du football affecte-t-elle les valeurs de ce sport ? C’est la problématique globale de notre étude. On s’est rendu compte que la plupart des problèmes identifiés pouvait se ramener à des valeurs du football, que ce soit la valeur des joueurs, les valeurs morales ou encore celle des clubs.
Ca dépend comment on entend le terme valeur : valeur économique ? Je ne suis pas un spécialiste des valeurs éthiques et autres. Bien sur qu’il y a une relation entre régulation et valeur puisque la valeur d’un joueur ou d’un match est lié à pas mal de choses. C’est lié à sa capacité à ramener de l’argent, sa capacité à attirer des spectateurs, des sponsors, des chaînes télé… La régulation aide-t-elle à ramener tout ça ? En principe oui, cela a été fait dans ce but pour avoir plus d’affluence, plus de sponsors, etc. La question subsidiaire c’est : est-ce que ça marche ? Car la valeur d’un club ou la valeur d’une ligue va dépendre de sa capacité à attirer plus de personnes qu’avant, plus de sponsors qu’avant.
Oui la régulation joue là-dessus. Mais on ne maîtrise pas toujours son action. Bon autrefois c’était très simple, il y avait une vente des matchs au guichet et à la télé qui était répartie de façon égalitaire entre les clubs. Cela donnait les résultats que ça donnait mais il n’y avait pas beaucoup de problèmes.
Il y avait une équité sportive en fait.
On peut dire en allant vite que la valeur économique était en adéquation avec les valeurs morales du football. Aujourd’hui, les règles de répartition ont changé : par exemple il n’y a plus répartition 50/50 des recettes au guichet, c’est le club qui reçoit qui garde tout. Cela accentue les inégalités de richesse entre les clubs.
Autrefois, par exemple pour le football français, les droits télévision étaient répartis équitablement entre les clubs de ligue 1.
Et maintenant c’est un marché…
Non, pas vraiment, il y a de nouvelles règles. Environ 25% des sommes sont réparties équitablement c’est à dire que Ajaccio reçoit autant que le Paris Saint-Germain. Les trois autres quarts sont répartis d’une manière proportionnelle, selon de nombreux critères comme l’audience des clubs, leurs résultats. Donc Paris reçoit beaucoup plus qu’Ajaccio, alors qu’il est déjà beaucoup plus riche : vous voyez l’écart de richesse augmente. Dans ce cas, la valeur de Paris augmente beaucoup et celle d’Ajaccio augmente pas très vite.
Voilà. On s’est rendu compte de la présence de ce cercle vicieux, ou vertueux d’ailleurs, les grands budgets avaient de plus grands droits télé, et aussi de meilleures équipes ce qui augmente leur popularité et à la fin cela augmente la valeur du supportérisme, des sponsors et du merchandising. Ainsi ils ont encore plus d’argent.
Oui, pour le PSG c’est un cercle vertueux, mais pour les petits clubs, c’est plutôt un cercle vicieux, car ils ont moins d’argent à se partager. La question c’est : Est-ce que c’est un cercle vicieux pour la ligue ? Par rapport à quoi on le juge ?
Si on le juge par rapport à l’équilibre compétitif du championnat, on s’aperçoit que les championnats où il y a de grosses équipes qui se qualifient en champion’s league etc. sont très déséquilibrés. Et on sait que des équipes comme le PSG ou même Chelsea vont gagner quasiment tous leurs matchs. En revanche, en ce qui concerne les championnats plus ou moins équilibrés qui n’ont pas une ou deux équipes qui sont toujours en tête, ils n’arrivent pas à avoir une équipe qui se qualifie dans les phases finales des coupes d’Europe. Si l’objectif de la ligue est d’être dans les meilleures d’Europe, il faut un championnat déséquilibré.
Le PSG et Monaco ont fait les dépenses que vous connaissez, il y a plein de gens dans le championnat qui se frotte les mains hein : nous on est Montpellier, on ne gagne plus mais au moins on a des recettes. Parceque maintenant, la valeur de la ligue a augmenté ! Par contre, les ligues grecques ou lituaniennes savent très bien que leur meilleur club n’arrivera jamais dans les phases finales de la champion’s league. Donc de toute façon ils n’auront pas beaucoup de droits télé venant de l’UEFA, le chamionnat va rester pauvre. Tout dépend de ce que l’on veut : est-ce qu’on veut des chamionnats bien équilibrés dans chaque pays ou veut-on certains championnats dans lesquels deux-trois clubs peuvent aller dans les phases finales de la coupe d’Europe ; et à ce moment là, la régulation a produit ça.
On est allé dans le sens d’une régulation plus européenne que nationale en fait ?
Attendez la régulation européenne se met tout juste en application. Jusque là, il y avait des régulations nationales comme la redistribution de droits. Dans le cas de la bundesliga, il y avait obligation de présenter ses comptes pour participer au championnat et des clubs ont déjà été rejeté comme le Borussia Dortmund par exemple : c’est un système de licence. Nous en France on a la DNCG qui peut éventuellement reléguer un club, qui a plusieurs mesures à sa disposition. En Angleterre, Espagne, Italie c’est beaucoup plus souple.
Quand vous évoquiez une régulation européenne, c’est apparu en 2004, avec un système de licence de l’UEFA, qui soumet à une batterie de contrôles pour participer aux compétitions. Et c’est surtout à partir de la saison prochaine, avec l’entrée en vigueur du fair-play financier qui sera une régulation assez contrôlée, voire stricte si elle est bien appliquée. Ca c’est le futur, futur auquel le PSG se prépare douloureusement car ils ont 200M de l’argent qatari, qui serait en fait un renflouement de leur déficit, et ça la comission de l’UEFA ne l’acceptera pas.
Selon vous, est-ce que le marché actuel est dérégulé ? Et est-ce que les problèmes du football européen, comme celui de la dette des clubs, montrent qu’il faudrait au moins le réguler autrement ?
Ca dépend ce que vous appelez marché, il y a le marché sur lequel ils achètent ce dont ils ont besoin c’est à dire le marché des joueurs. Celui là est entièrement dérégulé depuis 95 arrêt Bosman. Et il est impossible de revenir en arrière à cause du principe de jurisprudence, sauf révolution fondamentale de tout le football européen.
Par contre l’autre marché, qui est celui du produit, des matchs vendus : aux sponsors et aux spectateurs. Celui là n’est pas dérégulé, notamment par les droits télé : ce qui est très important car ils représentent parfois la moitié des revenus des clubs. Cette régulation n’est pas toujours effectuée : et on constate que lorsque ce n’est pas régulé voir quand ce n’est régulé qu’à moitié comme en Espagne, les inégalités entre les clubs sont encore plus importantes. Même si je vous ai dit que la régulation est aujourd’hui inégalitaire, car quand ce n’est pas régulé, il y a toujours cinq ou six clubs qui vont attirer toutes les chaînes de télé et les autres deviennent carrément pauvres. C’est ce qu’on a constaté lors de la dérégulation du calcio italien dans les années 90. De ce point de vue là, tout en étant inégalitaire, la régulation est fondamentale.
Qui prend les décisions ?
C’est absolument clair que c’est la ligue de chaque pays. On l’a vu dans l’actualité, M. Thiriez a voulu avancer d’un an la vente des droits de télévision pour jouer sur la compétition entre bein et canal+ car la situation était propice en ce moment. Il y a d’autres régulations comme la régulation des compétitions, ou même des règles dujeu : revenir à deux points par victoire ou autre. Par exemple la ligue de basket classe les clubs par pourcentage de victoire. On avait introduit trois points au lieu de deux pour avoir des équipes qui se battaient plus, marquaient plus de buts. Ca n’a pas très bien marché mais voilà, c’est possible. On peut aussi changer le format des compétitions, faut-il des ligues de 16 clubs, 18 clubs, 22 clubs ? C’est entièrement dans le pouvoir de la ligue.
Jusqu’où vont ces possibilités ? Par exemple si aujourd’hui, la lfp française décidait de faire une ligue fermée cela serait possible ?
Ah non, ça cela ne relève pas de la ligue française. Car elle appartient au football européen qui est un système de ligue ouverte. Cela relèverait même du niveau de la fifa, car elle n’a accepté une seule exception au principe de ligue ouverte dans le monde c’est la MLF aux Etats-Unis. Mais c’est une exception.
C’est vrai que là-bas tout est fermé donc c’est cohérent. Sinon, vous me parliez du marché des transferts qui est totalement dérégulé et celui des droits télé. Après, n’a-t-on pas en plus les régulations au niveau professionnel si on considère que les clubs sont comme des entreprises ? Ce qui permettrait de jouer sur le problèmes de dette par exemple.
C’est quoi le problème de la dette dans les clubs de football ? C’est un vrai problème contre lequel d’ailleurs le fair-play financier va essayer de luter. Il faut la diminuer, il y a d’abord la dette existante et la dette future. La dette existante il faut la payer, l’avenir des clubs qui ont des millions d’euro de dettes n’est pas très beau. Ils n’auront pas l’autorisation de jouer les compétitions européennes. Une dette qui est principalement constitué par le fait qu’ils ne payent pas ce qu’ils doivent payer : pas les transferts (donc ils ont des dettes vis à vis d’autres clubs), pas les impôts (dette fiscale), pas les cotisations sociales qui s’ajoutent aux salaires : cesont les arriérés de paiement. Dans le fair-play financier, jusqu’à cette année les clubs ne peuvent pas avoir un déficit qui dépasse 5M d’euros et à partir de l’an prochain, cela devra être zéro. Sinon, il ne sera pas accepté à concourir dans les compétitions de l’UEFA. Selon le deuxième critère, la dette durable venant des années précédentes est plafonnée à 45M, c’est justement le problème auquel est confronté le PSG. Si les 200M qu’il a reçu du Qatar, sont considérés comme le renflouement d’une dette, il ne sera pas admis. Leur objectif est de faire passer ça pour un contrat de sponsoring.
Donc gérer le problème de la dette c’est demander aux clubs de se serrer la ceinture quand ils ont des déficits. Bientôt ils ne devraient plus en avaoir et s’ils en ont plus, la dette va finir par s’éteindre. C’est l’idée de Platini : remettre à plat les chances de tous les clubs, que cela ne soit pas toujours les plus riches endettés qui gagnent les compétitions. Ca veut pas dire que cela va fonctionner mais l’idée est d’aller dans ce sens et d’obtenir des déficits tendant vers zéro dans les années à venir. Normalement tout cela va assénir la situation et les dettes devraient diminuer, si bien sûr ces règles sont bien appliquées.
Donc voilà pour la dette, ensuite, le problème de spéculation que l’on avait identifié c’est la spéculation toujours à la hausse sur la valeur des joueurs.
Là, c’est quelque chose de journalistique, ce n’est pas de la spéculation comme on l’entend en économie. Sur le marché des joueurs, il y en a 80% qui ne valent pas grand chose, le vrai problème c’est les 15-20% restants que j’appellerai les « super-stars ». Les autres ne valent pas grand chose, ils ne valent tellement pas grand chose qu’ils n’arrivent pas à trouver un club : certains sont au chômage.
C’est un problème de super stars. Lionel Messi il est unique, il n’y en a qu’un au monde, on ne peut pas le remplacer par un joueur qui aurait les même qualités et les même défauts que Messi. Quand on se trouve dans une telle situation, on parle de monopole. Chaque super star offre un monopole sur son talent, qu’il essaye de vendre au mieux pour lui. Donc ça s’appelle un problème de surenchère, par exemple surenchère faite par les différents clubs qui voudraient s’offrir les services de Léo Messi, c’est ça qui fait monter son prix. Les super stars, et leurs agents sont les seuls à vendre leur talent, qui est unique.
N’y a-t-il pas aussi le fait que depuis des années, il y a toujours plus d’argent dans le football ? Ainsi, lorsqu’un club achète un joueur, il prévoit, dans son business-plan le fait que, dans trois ans, il le revendra plus cher.
Mais là il fait une erreur. Les clubs qui font ça sont des clubs mal gérés : la majorité des clubs. Car on ne peut pas prévoir aujourd’hui la valeur d’un joueur sur le long terme, imaginez qu’il soit blessé, qu’il se fâche avec son entraîneur ou qu’il ne soit plus en forme. Paf sa valeur tend vers zéro. Ils ont tort d’afficher dans leur bilan comme actif la valeur de leurs joueurs. Si demain Lionel Messi perd ses deux jambes dans un accident, il ne vaut plus rien. C’est de la très mauvaise gestion et ils sont encore trop nombreux à jouer là-dessus.
Cela crée-t-il des bulles spéculatives ?
On peut appeler ça ainsi, les clubs font des paris, paris qu’ils ne peuvent pas tous gagner. Le problème c’est que les super stars sont capables de mettre les clubs en concurrence pour se faire acheter. Face à cette situation, les clubs doivent surenchérir sur les autres, c’est ça qui fait que certains joueurs récemment ont été transféré pour des sommes incroyables. C’est une « course aux armements » pour essayer d’être dans les clubs qualifiés en champion’s league et entrer dans le cercle vertueux dont on parlait tout à l’heure. Sauf qu’il n’y a que deux ou trois places par championnat et au moins dix clubs qui espèrent. Donc les huit autres seront déçus et de fait, en déficit : ils n’auront pas les résultats sportifs permettant d’obtenir les recettes pour assumer leurs achats. C’est pour ça que le football européen est mal géré. C’est une autre erreur de gestion, il font le calcul suivant : si j’achète les meilleurs joueurs, je suis sur d’être qualifiés pour les meilleurs compétitions. Il est évident qu’Ajaccio ou Bastia n’ont pas fait ce genre de dépenses. Mais ils sont encore trop à faire ce calcul par rapport aux places disponibles, d’où les difficultés financières. Et cela touche aussi des grands clubs : par exemple Manchester United cette année sont en crise totale car ils savent qu’ils ne seront pas qualifiés.
Alors que c’est déjà une des plus grosses dettes d’Europe.
Donc c’est bien cette surenchère entre les clubs qui fait que le prix des meilleurs joueurs n’arrêtent pas d’augmenter alors qu’au même moment, certains joueurs sont au chômage.
Quelles sont les actions envisageables pour réguler cela ? Peut-on mettre en place un salary cap ou équivalent ?
Ca c’est la solution américaine, qui a aussi été pratiquée en Angleterre à une époque. Oui, c’est une des options mais elle n’est pas trop soutenu en France. L’autre option, au niveau européen, cela reste le fair-play financier. J’ai été consulté à ce sujet et leur ai dit que cela ne marcherai peut-être pas, mais l’UEFA espère que cette mesure conduira les clubs à freiner leurs dépenses salariales et de transferts. En fait on ne les oblige pour l’instant qu’à réduire leur déficit ce qui n’est pas la même chose, ils n’iront pas forcément dans ce sens.
Oui et le fair-play financier est une mesure qui s’applique globalement sur un club, ce n’est pas quelque chose qui peut s’appliquer individuellement sur la valeur d’un joueur, sur un transfert.
Mais c’est impossible de réguler la valeur individuelle des joueurs. C’est un marché dérégulé donc quiconque vend ce qu’il veut au prix qu’il veut.
Mais cette libre circulation ne pourrait pas être un peu freinée ? Malgré l’arrêt Bosman ?
C’est le souhait de certaines ligues mais c’est illégal, sinon, les joueurs peuvent se porter devant n’importe quelle cour de justice et il gagnera. Au nom de la jurisprudence.
Donc tant qu’il y aura plus d’argent, les clubs achèteront les joueurs plus cher.
Moi ma solution c’est plutot d’agir sur les clubs et de les empêcher d’avoir des déficits et des dettes, de ce point de vue, cela va dans le bon sens. Le problème c’est que cela ne sera pas forcément appliqué… Imaginons que l’an prochain, aucun des cinq meilleurs clubs anglais, ou des trois meilleurs clubs espagnols, italiens ou français ne participent à la champion’s league, les recettes de la fédération vont radicalement baisser. Appliqueront-ils alors strictement leurs règles ?
Si oui, on va dans la bonne direction, cela ne suffira peut-être pas. Il y a d’autres choses à faire à mon sens, c’est d’abord avoir d’autres dirigeants de football : de vrais manageurs d’entreprise et pas de riches propriétaires qui peuvent tout se permettre. Mais comment interdire les princes du Qatar ou les oligarques russes ?
Oui ca serait illégal.
Il faudrait inventer des règles auxquelles personne ne pense pour l’instant.
Selon vous, quelle serait l’influence du foot sur la société ? (question éludée)
Pour moi ce qui représente un problème c’est que le milieu du football est énorme. Comment réguler un tel milieu où les sommes d’argent mises en jeu sont colossales, où il y a beaucoup d’acteurs différents, et surtout, dont le public visé est l’Europe. On entend parfois des phrases comme : « Le football, il n’appartient pas aux clubs, il n’appartient pas aux instances de régulation, il appartient aux millions de supporters européens. Comment pouvons-nous agir dans un milieu qui touche tellement la population ?
La propriété du football n’est pas celle du supporter, c’est bien ca le problème. Ils payent un ticket pour rentrer au stade et point à la ligne. Il n’y a pas de représentants de supporters dans les comités de direction des clubs. En Allemagne, les clubs restent des associations et les supporters ont une influence, qui malheureusement, finit par gêner la bonne gestion des clubs. Ce sont bien les clubs, et la ligue, qui ont la propriété du football. La ligue qui les rassemble en un cartel, c’est d’ailleurs interdit d’un point de vue économique. Mais le sport est dérogatoire à cette règle là.
Je vous rappelle que presque tous les clubs sont maintenant des sociétés par action. Donc les propriétaires sont les actionnaires. Si vous regardez la structure de l’OL, M. Aulas a 50,1% du capital, il décide de ce qu’il veut. Et vous pensez bien qu’Aulas n’est pas assez fou pour laisser des supporters devenir actionnaires majoritaires du club.
Oui, bien sûr. Je pensais plutôt à une appartenance, je dirai, morale.
Ils peuvent se sentir moralement propriétaire mais économiquement, ils paieront le prix des places demandé par les clubs car ce sont bien eux les propriétaires du produit qui est le match de foot.
Et vous disiez que les clubs sont tout simplement des entreprises en bourse. Avant, le foot était un sport, il est devenu un business. Mais il y a des lois qui ne s’y appliquent pas de la même façon qu’à des entreprises. Quels sont les enjeux de cette « exception sportive » ?
Un petit point d’abord sur les clubs en bourse : la mode est passée et est en train de disparaître. Il n’y en a plus que très peu. Car ils y ont quasiment tous perdu, par exemple l’action de l’OL ne vaut plus que le tiers de sa valeur initiale. Donc le club n’a pas obtenu ce qu’il souhaitait et les gens qui ont acheté cette action ont perdu 70% de leur argent, point.
Pour l’exception sportive, les clubs côtés en bourse ont en réalité aligné leur statut juridique sur leur statut économique à savoir : des entreprises de spectacle sportif. Ca fait un siècle qu’ils vendent du spectacle sportif mais qu’ils arrivaient à déroger aux règles communes de l’économie. C’est bien ça le problème.
L’autre règle qui est encore bafouée par la plupart d’entre eux c’est que si une société par action commet des déficits, elle est mise en faillite ! Un club n’est pas mis en faillite. Au pire il est relégué, mais il ne disparaît pas. C’est bien ça l’exception sportive : le sport, en général, est la seule industrie où les règles de droit commun ne s’appliquent pas toutes.
Et cela n’est pas amené à disparaître ? Se pourrait-il que cela change ?
Il y a une pression européenne pour faire que le sport soit de plus en plus ouvert à la concurrence et aux règles qu’elle incombe : ne pas tolérer que des entreprises survivent à leurs déficits de manière permanente. Qu’il n’y ait pas de concurrence déloyale finalement. Le fair-play financier, de manière moins violente va dans cette direction. Mais malgré les exceptions, ce sont des entreprises ! Si vous allez voir M. Aulas, il vous dira qu’il a plusieurs entreprises, dont une c’est du football.
Pour moi, c’est ça le problème de ce sujet. Le foot, soit c’est un sport et il le reste dans les règles de l’art, soit c’est un business et il se plie aux règles.Aujourd’hui c’est ni l’un ni l’autre.
Aux Etats-Unis, ils ne se posent pas cette question. Le sport y est un business depuis la seconde guerre mondiale, il n’y a plus que de vieux grands-pères qui se souviennent d’avant. D’ailleurs dans les modèles économiques, quand on parle des clubs américains, on dit que ce sont des entreprises qui maximisent leur profit : leur objectif n’est pas de gagner le championnat mais véritablement de gagner de l’argent. Dans la seconde moitié du championnat, on voit bien que les équipes qui n’ont plus aucune chance de participer aux play-off, ont pour seul objectif d’attirer des spectateurs et de faire de l’argent.
Les clubs européens n’en sont pas là, ce n’est pas notre philosophie. Oui on n’est pas prêt pour ça. Leur objectif c’est de gagner des matchs, gagner le chamionnat. Mais maintenant, il se trouve que pour gagner des trophées, il faut gagner beaucoup d’argent. Donc les clubs se comportent de plus en plus comme des entreprises qui recherchent le profit.
C’est là où le problème se crée car la population et les fans ne sont pas d’accord avec ça, donc les médias s’en mêlent et accusent les clubs. Et bien il y a deux solutions : soit à l’Américaine, les supporters savent très bien que c’est pour faire de l’argent mais ils aiment bien boire de la bière en regardant du baseball le dimancheaprès-midi et ils continuent à y aller. Ca marche très bien financièrement. Ou alors, les supporters européens ne sont pas prêts à accepter cela et il y aura un jour un déclin du football. Mais je pense que les clubs et les télévisions l’empêcheront.