Les expériences fondatrices

Certaines expériences constituent des références et ont mis en exergue les principes sur lesquels s’appuie le neuromarketing. L’engouement de la littérature scientifique et des médias face à ces expériences a contribué à populariser le neuromarketing. En révélant les mécanismes expliquant les choix de consommation, ces expériences ont ouvert la voie au développement d’études de neuromarketing au sein de laboratoires et d’entreprises.

Expérience Pepsi/Cola

Considérés comme les pionniers du neuromarketing, M. McClure et Read Montague ont mené en octobre 2004 une expérience qui a levé le voile sur l’un des plus grands paradoxes de l’histoire des marques. Ils ont en effet révélé que le consommateur ne choisissait pas ses produits de manière rationnelle. Les deux chercheurs ont réalisé un test simple, qui consistait en une dégustation de Pepsi et de Coca-Cola. 67% des individus déclarent préférer Pepsi lors du test à l’aveugle. Ensuite, les personnes ont testé les boissons en connaissant leur marque. Dans ce cas, 75% déclarent préférer Coca-Cola.  Ainsi, les chercheurs montrent que les consommations n’achètent pas un goût, mais une image, les émotions et le souvenir associés à une marque.

Cette expérience met en évidence le fait que le consommateur est fortement influencé par l’image de la marque et par ses antécédents culturels.

cocavspepsi

Source : http://promotedifferent.com/samuel-m-mcclure-pioneer-of-neuro-marketing/

Cette image d’IRMf montre les zones cérébrales activées suite aux différentes expériences.

Le Coca-Cola et le Pepsi sont chimiquement presque identiques, cependant, les individus préfèrent largement le Coca-Cola. Mc Clure a scanné les cerveaux des volontaires à l’aide d’IRMf pendant l’expérience. Il a montré que les émotions perçues par le cerveau sont plus fortes avec Coca-Cola qu’avec Pepsi. Les chercheurs en ont conclu que leurs recherches indiquaient que deux systèmes cérébraux, l’un concernant le goût, l’autre concernant l’influence culturelle, entraient en jeu dans la détermination des préférences.

Mémoire d’une publicité

L’expérience de McClure et Montague, bien qu’étant la plus citée, n’est pas la première. On peut prendre l’exemple de l’expérience de 2001 de Rossiter sur la mémorisation d’une publicité. Pour cela il utilise l’EEG (éléctroencéphalogramme). Il conclue que les extraits de 1,5 secondes sont mieux mémorisés que les plus courts et préconisent donc d’utiliser l’EEG pour tester les publicités susceptibles d’être les mieux mémorisées. Cette étude est reprise par Bernard Roullet et Olivier Droulers qui rapportent que ces analyses cérébrales permettent d’obtenir des résultats contraires à ce que des entretiens auraient révélés.

Cette expérience a fait l’objet d’une réponse remettant en cause la scientificité du travail de Rossiter. Il n’aurait pas pris en compte les facteurs psychologiques extérieurs et sa méthode et ses décisions ne seraient pas précisément explicitées. Cette réponse remet en question le potentiel exploitable de cette expérience mais permet d’entrevoir la controverse autour de la scientificité de ses méthodes.

Cette expérience a permis de montrer l’importance de la mémorisation d’une publicité. Cela a inspiré nombreuses autres expériences, comme celle de Michel Desmurget, qui montre que la plupart des informations que traite notre cerveau le sont à un niveau inconscient. Ainsi pour faire mémoriser une publicité, il est plus efficace de se concentrer sur des facteurs inconscients de mémorisation, comme le stress. La marque Benetton utilisait d’ailleurs des images d’oiseaux mazoutés ou de camps de concentration pour vendre ses pulls. Elle jouait sur le fait que des images provoquant un malaise allaient choquer et donc marquer le consommateur.

Importance de l’émotion

Une troisième expérience peut être considérée comme fondatrice du neuromarketing. Il s’agit de l’expérience de Brian Knutson sur l’importance de l’émotion dans la prise de décision.

Il demande à des volontaires de faire leurs courses sous IRMf. En analysant les IRMf, Knutson arrive à prévoir les décisions d’achat avec 70% de précision. Des zones sont plus ou moins activées si le consommateur a connaissance du prix. Quand un produit est attrayant une zone attribuée à l’anticipation du plaisir s’active. Mais si le prix affiché est excessif, la zone du cerveau liée à la sensation de douleur s’active et inhibe l’activation de la première.

Cette expérience a été citée près de 400 fois dans la presse scientifique. Elle a d’ailleurs été publiée dans Neuron, la même revue dans laquelle a été publiée l’expérience de McClure et Montague.

Influence des ces trois expériences sur les suivantes

L’expérience de Knutson marque un tournant dans le neuromarketing. Selon Oliver Oullier, « On passe du stade de l’observation à celui de la prédiction. Le neuromarketing entre dans une nouvelle phase ».

La plupart des expériences qui suivent semblent être un développement des trois expériences citées ci-dessus.

On peut penser à l’expérience de Martin Lindstrom qui étudie la relation qui lie les usagers d’Apple à leurs Iphones. À la suite de tests neuronaux, il affirme que cette relation s’apparente à une relation amoureuse, plutôt qu’à une addiction. Il évoque la fidélité à une marque pour illustrer sa thèse. Il va même jusqu’à évoquer un lien spirituel entre le consommateur et la marque.

On peut aussi penser à l’expérience d’Hilke Plassman, faite en 2008. Elle a élaboré une expérience qui consiste à faire gouter du vin à des volontaires en annonçant le prix du vin. En réalité le même vin était versé dans les différentes verres, mais la plupart des volontaires disaient préférer le vin soi-disant le plus cher. Cela montre l’influence du prix sur le goût. Cette expérience s’inspire à la fois de celle de McClure et de Montague et de celle de Knutson.

Il est important de noter que toutes ces expériences ont été réalisées aux États-Unis. La recherche en neuromarketing s’est diffusée dans un premier temps dans les universités américaines.

 

Critiques

Cependant ces trois expériences sont critiquées, notamment par Didier Courbet et Denis Benoit. Selon eux, elles n’apprennent rien au marketeur que ce qu’il ne savait déjà, à savoir qu’un prix trop cher inhibe l’envie d’acheter un produit ou que la marque influe sur la décision d’achat.

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