Principaux acteurs
Les principaux acteurs de la controverse qui entoure les sursauts rapides sont les scientifiques. Ce sont eux qui, au gré de leurs découvertes et de leurs théories, contribuent à faire évoluer le sujet. Il s’agit généralement de chercheurs, le plus souvent astrophysiciens, ou d’enseignants dans le supérieur, voire de personnes cumulant ces deux fonctions. On trouve également quelques doctorants qui se penchent sur le sujet avant d’avoir fini leur cursus universitaire, mais ils sont loin de représenter une part importante des acteurs.
Parmi les scientifiques les plus concernés par le sujet, on citera en particulier Duncan Lorimer, qui a découvert le phénomène en 2007, mais aussi V. Kaspi, E. Petrov, E. Keane, P. Scholz, E. Berger, ou S. Chatterje (voir ces noms) qui s’illustrent aujourd’hui par leur nombre de publications sur le sujet.
En France, les principaux intéressés par le sujet sont Fabrice Mottez, qui a proposé une théorie avec l’aide de Philippe Zarka, et Ismael Cognard, (voir ces noms) directeur de recherche à la Station de Radioastronomie de Nançay, qui s’est beaucoup penché sur le sujet. Comme la plupart des personnes qui s’intéressent aux FRBs, ils ont étudié les pulsars, un phénomène assez similaire, dont l’étude fait appel à des méthodes de détection semblables.
Publications par auteur sur le sujet des FRB, analyse Scopus, mots clés : « Fast Radio Bursts »
Evolution du sujet
Si le sujet des FRBs n’était à l’origine qu’un fait anecdotique auquel personne ne croyait vraiment, pas même Duncan Lorimer, les diverses découvertes de signaux qui se sont multipliées à partir de 2012 ont fini par en faire un sujet à part entière. L’étude des FRBs tend ainsi aujourd’hui peu à peu à se séparer de celle des pulsars, à laquelle elle était initialement très liée pour les raisons mentionnées précédemment.
Le nombre de scientifiques s’intéressant aux FRBs a donc fortement augmenté au cours de ces deux dernières années. Ce sont principalement des chercheurs d’un domaine proche qui s’y adonnent de manière ponctuelle lorsque leur sujet semble se rapprocher ou avoir un lien avec le phénomène mais on commence à voir apparaître quelques « spécialistes » des FRBs. Il est de plus intéressant de noter que les FRBs fascinent la communauté scientifique au sens large.
Des théoriciens et des expérimentateurs
Parmi les astrophysiciens, on peut distinguer deux catégories de chercheurs, qui, sans être parfaitement distinctes, présentent des différences importantes dont les conséquences apparaissent clairement dans la controverse autour des FRBs.
Il y a tout d’abord les expérimentateurs. Ce sont ceux qui s’intéressent principalement à la réception et la découverte de signaux. Ils manipulent les instruments de mesure et d’observation mis à leur disposition, comme les télescope par exemple. Ils élaborent des méthodes de traitement de données pour analyser les signaux reçus. Leur rôle dans l’étude d’un phénomène rare comme les FRBs est crucial, car ce sont eux qui détectent les FRBs et extraient les données physiques caractéristiques à étudier. Ils participent aussi à l’élaboration de nouvelles techniques de détection
Ensuite, il y a les théoriciens. Ils utilisent comme matériau de base les données fournies par les expérimentateurs. Avec cela, ils proposent des hypothèses plus ou moins complexes pouvant expliquer l’origine d’un phénomène, ou imaginant ses conséquences, ou encore nous renseignant plus généralement sur l’Univers.
Dans le cadre des FRBs, nous sommes plutôt en présence d’expérimentateurs. Ce sont eux qui ont permis les premières découvertes, et qui traquent toujours les FRBs pour avoir toujours plus de données. Lorimer et Cognard sont dans ce cas. Mais être expérimentateur ne signifie pas pour autant que l’on ne peut pas proposer ses propres modèles ou hypothèses. Ainsi, l’expérimentateur se fait théoricien, et dans l’étude des FRBs, ce phénomène se révèle assez fréquent : c’est ce que font Keane et Petroff par exemple. Pour autant, il y a aussi des théoriciens de métier qui se penchent également sur les FRBs, et qui ont produit certaines des hypothèses très élaborées sur le sujet. C’est le cas entre autres de Gao, Zhang, Zarka et Mottez.
Coopération
L’étude des FRBs est à la fois une course et une collaboration, un élan enivrant et un saut dans l’inconnu : les sursauts rapides forment désormais un sujet effervescent, complexe et passionnant. On peut tout d’abord parler d’une course puisque l’un des objectifs principaux des scientifiques est de déterminer l’origine des FRBs. Tous avancent donc leurs hypothèses et espèrent que celle-ci sera la bonne, celle qui permettra définitivement d’éclaircir le mystère des FRBs, et sera donc associée à leur nom. Cependant, cette course ne se fait jamais seul. La coopération est un élément crucial du travail de la communauté scientifique, d’autant que l’un des seuls moyens d’avancer est de recueillir toujours plus de données et d’observations, qui ne peuvent être réalisées que par un nombre très restreint de télescopes dans le monde (voir partie sur les équipements).
Les astrophysiciens qui s’intéressent aux FRBs font donc des recherches derrière plusieurs « étiquettes » (voir liste d’institutions) : leurs universités respectives lorsqu’ils sont enseignants-chercheurs, leur observatoire ou centre de recherche national, le télescope où ils réalisent leurs observations, ou encore l’équipe de recherche internationale dont ils font partie… On peut donc dire qu’ils forment un vaste et complexe réseau. Leurs interactions sont de plus renforcées par leurs publications qui leur permettent de faire référence via leurs citations aux travaux des uns et des autres.
Que cherchent-ils ?
On peut distinguer deux grands objectifs dans l’étude des FRBs. Le principal, et également le plus médiatisé est bien sûr la recherche de l’origine des FRBs. Comprendre quel phénomène peut être à l’origine d’un phénomène aussi particulier et énergétique est depuis le début ce qui passionne la communauté scientifique. (Voir partie sur les hypothèses). Le deuxième objectif est d’utiliser les nombreuses informations que nous fournissent ces signaux pour sonder l’univers et notamment en apprendre plus sur la matière qui le constitue. Il est ainsi possible de reconstituer la densité de matière traversée par les FRBs.
Colloques
Signe que l’étude des FRBs est devenue un sujet à part entière, un colloque portant uniquement sur ce thème a eu lieu en février 2017 à Aspen dans le Colorado (site de la conférence). Un colloque, c’est avant tout un moment de collaboration, et cela nous renseigne encore un peu plus sur l’état de la controverse : le meilleur moyen d’avancer est désormais de travailler avec les autres, et de partager son savoir. Mais les scientifiques qui travaillent sur le sujet se retrouvent également en marge d’autres événements tels que des congrès de radioastronomie.
Le colloque d’Aspen, organisé par Duncan Lorimer a regroupé durant une semaine une centaine de personnes. Celle-ci a été l’occasion de faire le point sur les différentes recherches menées en parallèle, et d’ouvrir le sujet à de nouvelles perspectives. Des dizaines de chercheurs, dont les acteurs de premier plan dans l’étude des FRBs, ont pu présenter leurs travaux en lien avec les FRBs. Les présentations avaient des sujets extrémements variés : présentations des caractéristique physiques des FRBs connus, état de l’art des outils de détection, avancées possible autour de la structure de l’univers, moyens de détection futurs, hypothèses sur l’origine (dont une présentation sur l’éventualité d’une civilisation extraterrestre)… En somme, tout y est passé. Cette conférence est un symptôme clef de l’émergence des FRBs dans le débat scientifique. Un évènement d’une telle ampleur n’apporte pourtant pas sur le moment des avancées significatives, mais il démontre bel et bien l’importance nouvelle que les scientifiques accordent aux mystérieux sursauts radio rapides. Ce premier colloque témoigne que les FRBs sont un sujet de premier plan aux yeux des astrophysiciens, et que la résolution du mystère qui les enveloppe est à présent un enjeu majeur.
Naissance d’une théorie
Les scientifiques dépendent énormément des mesures pour progresser, et on dispose à l’heure actuelle de données pour seulement une vingtaine de FRBs (dont un seul qui s’est répété plusieurs fois). Les avancées se font donc au coup par coup, et les publications sortent « par lots » après chaque nouvelle observation. Elles sont alors publiées dans des revues spécialisées, lues et soigneusement analysées par de nombreux chercheurs se penchant à l’occasion sur le sujet. C’est ainsi que les différentes théories sont appuyées, contredites, modifiées par la communauté et que la recherche avance. Cette remise en question systématique permet de véritablement tester la solidité et les limites d’une théorie, jusqu’à garder ce qui ne peut être réfuté. La publication d’une théorie assez marquante est généralement relayée ensuite dans la presse grand public qui apprécie ce type de sujet entouré d’un certain mystère.