Le 23 juin 2016, le Royaume-Uni a voté pour le Leave et a enclenché le Brexit, contrairement à ce que prévoyaient les sondages. C’est alors que les études se sont multipliées afin de tenter d’en chiffrer les conséquences.
La sphère publique est à l’origine du débat scientifique
Tout au long de la campagne, les études publiées et les différents chiffres impliqués ont donné lieu à des interprétations politiques et économiques, parfois sciemment manipulées comme le suppose un article du Centre de ressources et d’informations sur l’intelligence économique et stratégique [1]. Le premier problème que ces interprétations posent est que ces chiffres demeurent incertains et dépendent majoritairement des hypothèses choisies (En savoir plus), donc toute interprétation tranchée est à exclure. Par ailleurs, le débat scientifique présente la particularité d’être né au sein du débat public. Les calculs ont donc été réalisés par et pour et les organisations politiques et économiques. Or, ces organisations ont toutes intérêt à ce qu’une interprétation particulière soit privilégiée. Cela continue d’alimenter le débat.
En effet, les différents acteurs impliqués ont commandé des études afin de connaître l’impact du Brexit sur leurs institutions. Ces acteurs sont de natures diverses, et tentent de chiffrer pour différentes raisons.
Ainsi, les organisations gouvernementales et intergouvernementales qui font leurs propres calculs pour justifier leurs interventions politiques. C’est le cas de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économiques), qui établit dans un rapport [2] des constats économiques en s’appuyant sur les calculs des experts.
Cependant, les entreprises sont également concernées par les conséquences économiques. Ainsi, la CBI (Confederation of British Industry) a mobilisé ses experts scientifiques pour réaliser des enquêtes auprès de milliers d’entreprises et de groupes dans différents secteurs et de différentes tailles [3].
Enfin les associations de citoyens continuent de participer au débat de manière plus locale.
Les événements politiques et économiques continuent d’influencer le débat scientifique et de modifier les hypothèses prises en compte
Les calculs sont d’autant plus compliqués qu’ils sont toujours influencés par les événements publics de la sphère nationale et même mondiale.
Ainsi, le Trésor Britannique se doit de garder un contrôle sur les variations de la livre afin de l’adapter à sa politique. Cependant, la livre fluctue énormément avec tout événement concernant le Brexit. D’après The Telegraph [4], la livre a chuté après le résultat du référendum, puis de nouveau en octobre 2016 lorsque les marchés ont accepté que le Royaume-Uni allait réellement quitter l’Union Européenne.
Par ailleurs, le jour de l’annonce de nouvelles élections législatives, la livre a brutalement augmenté, atteignant un des sommets de l’année, comme le signale The Economist [5]. La courbe ci-dessous représente cette rupture.
The Telegraph note par ailleurs que les politiques étrangères ont également un impact non négligeable sur la livre, que ce soit les élections françaises ou bien celle de Donald Trump aux Etats-Unis. [4]
Le débat scientifique influence également le débat public
La controverse sur le coût du Brexit est un débat qui évolue dans l’espace public, principalement à travers les instituts qui quantifient les coûts des différentes actions envisageables et leur impact sur l’économie. Ils peuvent ainsi conseiller les hommes politiques, qui ont besoin d’une vision quantifiée des coûts du Brexit pour agir en conséquence.
Par ailleurs, tout n’est pas quantifiable. Les études publiées se focalisent donc sur certains pôles du débat et en ignorent d’autres. Ainsi, la polémique a beaucoup porté sur l’économie, l’immigration et la souveraineté nationale, comme le signale le Centre de ressources et d’information sur l’intelligence économique et stratégique [1]. Mais personne ne s’est intéressé à la marge de négociation qu’avait le Royaume-Uni avec l’Union Européenne. Or aujourd’hui la relation économique entre le Royaume-Uni et l’UE menace d’être réduite aux termes définis par la WTO (World Trade Organisation) aux tarifs douaniers les plus restrictifs envisageables. Le débat public s’est focalisé sur la pertinence d’une renégociation, sans en envisager la possibilité.
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[1] Ambre Azalbert, «Brexit, politique, médias : la victoire du mensonge », Centre de ressources et d’information sur l’intelligence économique et stratégique, 14/02/2017
[2] «The Economic Consequences of Brexit : A taxing decision », OCDE, 04/2016
[3] « Making a success of Brexit », CBI, 12/2016
[4] Buttonwood, « The markets adjust their Brexit calculations », The Economist, 19/04/2017
[5] Tim Wallace, « How will the General Election affect the pound? », The Telegraph, 01/06/2017