Les investisseurs semblent craindre globalement le Brexit. Pourtant, comme certains médias le montrent, ce recul n’est pas effectif. Lorsque d’une part les villes européennes comme Paris et Francfort se préparent à accueillir de nouveaux fonds, anticipant une fuite des investisseurs de Grande Bretagne, le gouvernement britannique rassure : aucune baisse significative n’a été observée depuis le vote du 23 juin 2016. Une période de transition est même attendue, permettant aux intéressés d’attendre de connaître l’évolution des négociations pour prendre une décision. Entre précaution financière et manque de discernement, le coût de la fuite des investisseurs divise.
Comment se positionnent les actionnaires, entreprises et gouvernements face aux investissements post-vote du Brexit ?
- Une précaution financière justifiée?
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Si on souhaite faire l’état des lieux, c’est actuellement la Grande Bretagne qui draine le plus d’investissements étrangers avec 32% des investissements, suivi par la France avec 20%.
Les opinions quant aux évolutions de ces chiffres divisent, et expliquent la pluralité des réactions.
D’un côté, l’instabilité de la situation peut conduire les investisseurs à passer en mode « risks off ». C’était pour garder une certaine stabilité qu’ils s’étaient prononcés majoritairement en faveur du remain.
«Cette opinion pro européenne domine très largement dans la communauté d’affaires. Tous les sondages le montrent : 80 % des adhérents du CBI (Confederation of British Industries), le principal groupe patronal britannique, souhaitent rester dans l’UE. Les membres des chambres de commerce britanniques, qui regroupent des entreprises de plus petite taille, sont pourtant plus divisés – 54 % pour rester, 37 % pour sortir -, mais ils restent en majorité opposés au » Brexit « .» [1]
D’un autre côté, la période de transition qu’incarne la négociation de la sortie de l’Union Européenne semble laisser une marge de manœuvre aux entreprises, et particulièrement au secteur bancaire. Alasdair Warren s’exprime ainsi :
Londres, il y a trente ans, ne comptait que quelques petites banques d’affaires et des courtiers. A l’époque, personne n’aurait imaginé qu’elle deviendrait le centre de la finance européenne et mondiale. Pour les places du continent européen, une chance similaire semble se présenter. Mais aucune ne dispose du même écosystème, en particulier en matière de réglementation du travail et d’infrastructure d’accueil. Je ne m’attends pas à des transferts massifs à court terme, car nous ne connaîtrons pas les nouvelles règles avant un moment et, quoi qu’il en soit, cela nécessitera une période de transition étendue. [2]
[1] «L’Europe divise les PME britanniques», Le Monde, 24/06/2016
[2] Alaslair Warren, en réponse aux questions d’Anne Drif, «Alasdair Warren : « Nous allons redevenir la première banque d’investissement en Europe »», Les Echos, 03/03/2017, En savoir plus sur cette interview
- Un avenir incertain pour la Grande Bretagne
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En 2016, après le vote, les doutes semblaient diminuer au vu du maintien de la croissance de 0,3%, et 0,5% au troisième trimestre. Les consommateurs n’ont pas restreint leurs consommations, et la Banque d’Angleterre (BoE) a assoupli sa politique monétaire pour booster l’économie face aux risques de ralentissement.
«Le ministre des finances George Osborne a cherché à rassurer lundi sur la santé de l’économie britannique après le Brexit, alors qu’une entreprise sur quatre veut geler les embauches face aux incertitudes engendrées par ce plongeon dans l’inconnu.» [1]
Les mesures prises par les différences instances souhaitent pallier ce changement. Cependant, d’autres acteurs de la controverse émettent des réserves. L’Office for Buget Responsibilities parle d’une inflation qui devrait atteindre 2,4% en 2017. Ceci entraine un ralentissement de la consommation, et un ralentissement de la croissance à 1,6% en 2018. Par ailleurs, les réglementations de l’Union Européenne protégeaient les entreprises au Royaume Uni et la City représentait pour beaucoup une porte d’entrée dans l’Union Européenne. La disparition de ces réglementations entre dans le jeu des hypothèses à prendre en compte pour repenser la stratégie des entreprises: Continuer d’investir au Royaume-Uni? Délocaliser ?
«Près de trois-quarts des PDG britanniques ont voté pour rester dans l’Union européenne lors du référendum du 23 juin et ils sont encore plus nombreux aujourd’hui à se déclarer prêts à déménager leur siège ou une partie de leurs opérations hors du Royaume-Uni après le Brexit. Selon un sondage du cabinet de conseil KPMG réalisé auprès de 100 chefs d’entreprises et dévoilé lundi, 76% d’entre eux envisageraient de délocaliser leur activité. » [2]
[1] «Brexit: Osborne veut rassurer face à des entreprises inquiètes», Nord-Eclair, 27/06/2016
[2] «Plus de trois PDG sur quatre envisagent de délocaliser après le Brexit», Les Echos, 26/11/2016
- Changer la fiscalité des entreprises permettrait-elle d’apaiser les craintes?
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Si un avenir au Royaume-Uni semble incertain pour quelques entreprises, c’est aussi une conséquence des déclarations faites par le gouvernement Britannique. En effet, Georges Osborne veut faire passer l’impôt sur les sociétés de 20 % à moins de 15 % [1]. Ceci rendrait plus attractive la City du point de vue des entreprises, et permettrait d’éviter le contre-coup économique pour les britanniques.
Cependant, cette annonce suscite le débat. En effet, payer moins de taxes pour les entreprises les encourage à rester, mais produit aussi une collecte d’impôts moins importante pour les citoyens britanniques, et le risque, du point de vue des pays de l’Union, de voir se créer un nouveau paradis fiscal. Markus Meinzer, analyste pour Tax Justice Network, affirme
Cette mesure et la guerre fiscale qu’elle pourrait déclencher signerait l’arrêt de mort de l’Europe économique [1]
[1] Sebastian Seibt, « Le Royaume-Uni tenté de se transformer en paradis fiscal pour se protéger du Brexit », france24, pour en savoir plus sur l’article
- Une Union Européenne affaiblie ?
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Suite au Brexit, de nombreux pays se sont posés la question du leave. Aux Pays Bas, Geert Wilders a déclaré, après le vote en faveur du Brexit, vouloir faire de même. Il est en tête des sondages pour devenir le prochain premier minsitre. En France également, la campagne présidentielle a montré un nombre non négligeable de candidats favorables à la sortie de l’Union Européenne. Parmi eux, Marine Le Pen, au second tour des élections. Ce sont aussi la Suède, le Danemark, ou encore la République Tchèque.
La menace de morcellement de l’Europe existe, et n’est pas sans conséquence pour les investisseurs. La croissance globale de l’Europe est également en baisse à al suite du Brexit, la commission l’estime à 1,6% contre 1,9% avant le Brexit. Toutefois, le marché Européen reste très attractif et certains investisseurs, attirés par ce marché, prévoient de délocaliser, peut-être, leurs activités dans d’autres villes européennes.
« Les investisseurs professionnels jugent que le Brexit n’est qu’un début : 59 % des répondants pensent qu’une sortie de l’Union européenne par d’autres pays est probable (10 % de plus qu’en juillet dernier) et 36 % pensent qu’un éclatement de l’Union européenne est possible (contre 21 % en juillet 2016).
Malgré ces éléments alarmants, la plupart des gérants de portefeuille (71 %) indique ne pas avoir changé de stratégie après le vote sur le Brexit. » [1]
[1] Cécile Desjardin, « Brexit: les investisseurs s’inquiètent », les écho business, 26/04/2017
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