Hervé Chneiweiss – Comité d’éthique de l’Inserm

M. Chneiweiss est le président du comité d’éthique de l’Inserm, ainsi que chercheur en neurosciences.

Quelles sont les techniques de remplacement mitochondriales actuelles ?

« Il existe deux techniques de remplacement mitochondrial. La première, le Maternal Spindle Transfer (MST), consiste à transférer le noyau de la mère dans l’ovule de la donneuse, puis de féconder le nouvel ovule. La deuxième, le Pronuclear Transfer (PT), consiste à féconder l’ovule de la mère et de la donneuse puis de procéder au transfert du pronoyau : le pronoyau des zygotes de la mère est prélevé et introduit dans le zygote énucléé de la donneuse.  Cette deuxième technique implique donc la destruction d’embryons, il s’agit donc de la plus controversée des deux, d’un point de vue éthique. »

Laquelle de ces techniques est la plus performante ?

« D’un point de vue technique, les deux méthodes ont la même performance. En revanche cette performance n’est pas optimale : lors de l’extraction du noyau, on emmène forcément avec le noyau des mitochondries malades, car il est très difficile techniquement de « nettoyer » le noyau extrait.
Lors de la division embryonnaire, il peut alors arriver que les cellules créées se retrouvent avec une forte proportion de mitochondries malades, rendant caduque la volonté de combattre les maladies mitochondriales par le transfert. »

Existe-t-il d’autres défis techniques ?

« Des chercheurs ont expérimenté les techniques de remplacement mitochondrial sur des souris. Si l’on procède avec une souris mère noire et une donneuse blanche, les souriceaux obtenus meurent avant d’atteindre l’âge adulte. Les chercheurs l’ont expliqué par une possibilité de rejet des mitochondries de la donneuse par les cellules des souriceaux, rejet comparable à celui qui peut arriver lors d’une greffe d’organe, dû à un dialogue entre le noyau (génome de la mère) et les mitochondries (génome issu des mitochondries de la donneuse). Il existerait donc une incompatibilité mitochondrie-noyau. »

Il semblerait donc que ces techniques ne soient donc pour le moment pas au point, existe-t-il des méthodes alternatives pour prévenir le développement de maladies mitochondriales chez l’enfant ?

« Il existe en effet d’autres méthodes, à la disposition des parents. Par exemple le diagnostic préimplantatoire, à l’aide d’une FIV. Il s’agirait alors de chercher parmi les embryons crées ceux possédant moins de 10% de mitochondries malades. En revanche rien ne pourrait à nouveau empêcher une mauvaise répartition de ces mitochondries lors de division embryonnaire, qui engendré le même problème qu’avec le remplacement mitochondrial.
Comme dernier recours, les femmes porteuses de mitochondries malades pourraient utiliser un don d’ovocyte. »

Pourquoi entendons-nous peu parlé du remplacement mitochondrial en France ?

« Cela est sûrement dû au fait que cette recherche sur embryons est interdite en France. En effet elle impliquerait la création d’embryon pour la recherche lors de la mise au point et au final une modification du génome transmis à la descendance, pratiques interdites en France en raison des articles 13 et 18 de la convention d’Oviédo. L’Angleterre en revanche, est un pays pionnier en la matière, c’est pourquoi on entend tant parler de cette technique dans la presse britannique. Le gouvernement a d’ailleurs légalisé la technique pour encourager d’autant plus les recherches. »

Comment s’annonce, selon vous, l’avenir du remplacement mitochondrial ?

« Les maladies mitochondriales sont rares, je pense donc, en prenant en compte l’incertitude de la technique, que celle-ci va peu se développer. En revanche, le remplacement mitochondrial peut être utilisé pour effectuer une amélioration de la fertilité des ovules des femmes, par ce qu’on appelle le dopage mitochondrial. Dans notre cadre sociétal, où les femmes ont des études plus longues et des carrières à assurer avant de procréer, il s’agit d’un marché bien plus prometteur. »

Certains journalistes utilisent l’expression de « bébé à trois parents », qu’en pensez-vous ?

« Je trouve cette expression peu réaliste, puisque les gènes concernés par le remplacement mitochondrial ne représentent que 0.1% du génome de l’enfant. De toute manière, la parentalité, à mon goût, n’est pas une question de gène. Ainsi je ne pense pas que la donneuse de mitochondries puisse être considéré comme un troisième parent. »

Pensez-vous vraiment que la légalisation de cette technique en Grande Bretagne puisse être le précurseur de la légalisation de méthodes de création de bébés “sur mesure” ?

« A nouveau le transfert ne concerne que 0.1% du génome, et il ne s’agit même pas du génome contenu dans le noyau de l’embryon. De toute manière, les parents ne sélectionnent pas les mitochondries de la donneuse pour ses caractéristiques, hormis celui de ne pas être porteur de maladie, il ne s’agit donc pas créer des bébés sur mesure. Quoi qu’il en soit, la donation de mitochondries se fera de manière anonyme, empêchant toute sélection. »

 

Ceci est une restitution partielle des propos de Hervé Chneiweiss, et non une transcription exacte de l’entretien.